Actualités des industries culturelles et numériques #33, juillet-août 2015
La Web-revue : de la Kulturindustrie d’hier aux industries culturelles, créatives et numériques d’aujourd’hui, s’est ouvert un champ interdisciplinaire pour tous ceux dont les recherches interrogent la culture populaire industrialisée et les médias. Cette rubrique propose de suivre les actualités des industries culturelles et créatives du côté des professionnels, qui sont souvent divisés quant à la bonne stratégie à adopter face à l’innovation constante, d’où des débats « internes » dont doit tenir compte l’approche critique de la Web-revue.
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Contenu
Rapprochement entre musiciens et publicitaires


Musiciens et publicitaires sont bénéficiaires de cette nouvelle alliance, nous dit-on. La notion warholienne d’« artiste d’affaires » s’impose comme une évidence. Selon Greg Kozo de Make The Girl Dance, « c’est gratifiant et cela nous apporte une exposition qui rassure les programmateurs de concerts ». La diffusion du spot a porté les ventes de leur album en tête de classement sur Amazon. Pour Olivier Lefèvre, directeur de la société de production musicale Else (filiale de TBWA Paris) : « Pendant longtemps, les marques représentaient l’establishment, alors que les musiciens incarnaient la rébellion. Mais avec la crise, les deux mondes, affaiblis, ont choisi de réunir leurs forces ». Christophe Caurret, cofondateur de BETC Pop, abonde de son côté, plus conformiste que nature : « La ligne qui sépare commerce et pop culture est de plus en plus floue. La jeunesse d’aujourd’hui, née dans le capitalisme triomphant, n’a plus de problèmes pour utiliser ce dernier ».
Les budgets publicitaires ont fondu avec la crise, et les annonceurs ne peuvent plus s’offrir de gros tubes des artistes mondialement connus (des « golds »). Place alors depuis la fin des années 1990 à une utilisation du son plus pointue, génératrice des ambiances singulières, et spécifiquement jeunes. Place aussi aux agences spécialisées comme BETC, TBWA, Les Gaulois (Havas) ou même Publicis, qui piochent dans la musique électro, genre à moindre coût, et qui abrite une armée de réserve d’apprentis compositeurs importante.
Source : « Cette nouvelle génération de musiciens au service de la pub« , Les Échos, 13 mai 2015 (Véronique Richebois).
Voir aussi Actualités #18, mars 2014, et l’article dans la web-revue de Christophe Magis sur les stars et les marques.
Facebook ouvre un laboratoire à Paris, et prend une option sur l’avenir


Facebook a annoncé (le 2 juin) la création d’un centre de recherches à Paris, baptisé FAIR (Facebook Artificial Intelligence Research), et dirigé par Florent Perronnin, scientifique normalien, ancien de Panasonic et de Xerox. Six chercheurs viennent d’être recrutés, et dans quelques années, on prévoit 25 à 30 salariés, plus des doctorants et des post-doctorants, nombre modeste, mais résultant d’une sélection très pointue. Le nouveau directeur de l’unité de recherche et du développement (R&D) de Facebook, Yann LeCun, formé à l’Esiee et à l’université Pierre-et-Marie-Curie, dirige actuellement 45 chercheurs repartis entre le siège à Menlo Park (San Francisco) et New York University, où il continue à être professeur. LeCun est l’un des pionniers d’une branche de l’intelligence artificielle, le deep learning (apprentissage statistique profond). Il estime que la France (surtout Paris) offre une concentration de talents et de cultures variés, en mathématiques et en informatique. En parallèle, Intel vient d’inaugurer (le 2 juin aussi) son premier centre de R&D dédié au big data à Bruyères-le-Chatel (Essonne), qui accueille déjà un centre d’études nucléaires.

L’unité R&D de Facebook est constituée de trois piliers : a) la réalité virtuelle autour du casque crée par Oculus Rift, start-up rachetée en 2014 (Actualités #24) ; b) la connexion étendue à Internet grâce aux satellites et aux avions solaires ; c) le deep learning, programme affecté au laboratoire de Paris, et dont les concepts serviraient dans des programmes de reconnaissance vocale, de reconnaissance d’images, de classification d’objets et de traduction automatique, « apprenant » grâce aux banques de données connues (soient des centaines de millions de paramètres) à produire la meilleure réponse possible. À la différence des modèles précédents des réseaux de neurones du cerveau, simplistes et voués à l’échec, le deep learning (2006) propose un apprentissage hiérarchique, c’est-à-dire que les différentes couches du modèle sont programmées à catégoriser d’abord les éléments les plus simples de l’information, avant de passer « toutes seules » aux plus compliqués (reconnaître les lettres avant de s’attaquer aux mots). Faisant entendre une note « solutionniste » (voir l’article sur Morozov de Marion Lemonnier), Mike Schroepfer, directeur technique de Facebook, estime : « L’intelligence artificielle doit permettre de trier toute l’information dont un utilisateur dispose afin d’améliorer les interactions sociales ».

Les assistants numériques vocaux installés sur les smartphones des Apple, Microsoft ou Google (Android) sont les premiers exemples, encore primitifs, de ces techniques. Des sociétés comme Google ont l’avantage de posséder un énorme ensemble de données (dataset), et lorsqu’on traite des millions d’informations, il faut avoir beaucoup d’ordinateurs à disposition, même si les applications futures visent les ordinateurs personnels.

Reste à savoir le potentiel scientifique ultime du deep learning, et sa capacité à faire advenir une intelligence artificielle forte, susceptible de concurrencer le cerveau humain. Au stade actuel, le deep learning souffre du défaut de fonctionner empiriquement (et très relativement), sans qu’on puisse comprendre pourquoi, déficit théorique endémique aux approches cybernétiques, avec leurs « boîtes noires » inaccessibles à la raison. Un article du psychologue Gary Marcus publié dans le New Yorker en novembre 2012 nous rappelle que, même si la technique du deep learning a obtenu des performances de 70% supérieures à celles recourant à d’autres méthodes, les ordinateurs n’ont reconnu qu’un sixième de leurs cibles en moyenne. Il y a du pain donc sur la planche. Même le très enthousiaste directeur de recherche chez Google, Peter Norvig, ne voit pas comment on pourrait construire une machine susceptible de comprendre des histoires en utilisant uniquement le deep learning. Conscient des déceptions passées qui ont marqué la recherche en intelligence artificielle, Yann LeCun reste prudent, parle de « défi scientifique », et admet qu’ « qu’il y aura aussi beaucoup d’obstacles que l’on ne voit pas encore ».
Certains scientifiques prétendent que ce projet relève plutôt du marketing, et qu’il ne s’agit pas de révolution majeure dans le domaine. En cas de réussite future, problématique, reste à évaluer les bénéfices réels pour l’humanité (et pas seulement pour les géants de l’Internet) d’un projet qui vise à marginaliser, voire éliminer la présence humaine des circuits de l’information. C’est la question de la valeur d’usage de l’innovation qui se pose (aura-t-on vraiment envie de parler avec un robot « intelligent » ?), et qui implique fortement celle du désir de nous autres humains.
Sources : « Facebook ouvre un laboratoire de recherches futuriste à Paris » (David Larousserie), Le Monde, 4 juin 2015, « Éco & Entreprise », p. 7 ; « Yann LeCun, l’intelligence en réseaux » (David Larousserie), Le Monde, 10 juin, 2015, « Science et médecine », p. 7 ; « Intelligence artificielle : Facebook écrit une partie du futur à Paris » (Nicolas Rauline), Les Échos, 2 juin, 2015 ; « Paris, le nouvel ami de Facebook » (Laurent Guez), Les Échos, 3 juin 2015 ; internetactu.net/2014/10/02/le-deep-learning-pour-tous/(Rémi Sussan), site recommandé ; Interview avec Yann LeCun (Benoît Georges), Les Échos, 15 juin 2015 (intéressant).
Pour tout acheter, cliquez ici
Après l’e-commerce, le m-commerce. Encore relativement rares, les boutons « acheter » vont se généraliser sur les applications mobiles. Google, Facebook, Twitter, Instagram et Pinterest vont mettre en place cette fonctionnalité, en espérant un nouveau relais de croissance sur les smartphones et tablettes, et en s’appuyant sur la demande insistante, soi-disant, des utilisateurs. Digi-Capital estime que le montant du m-commerce dans le monde pourrait atteindre 516 milliards $ en 2017, et 850 milliards $ en 2018, alors que 150 millions d’Américains, d’après eMarketer, ont utilisé leur mobile pour réaliser un achat ou pour comparer les prix en 2014. Là où le bat blesse, toujours d’après eMarketer, c’est que le montant des dépenses publicitaires sur mobile en 2014 aux États-Unis se plafonne à 19,2 milliards $.


La philosophie derrière le m-commerce semble se fonder sur l’idée d’un consommateur idéalement réceptif, dont la vie éveillée hors travail est largement dédiée aux achats (en un clic), et aux recherches orientées vers de futurs achats. Il n’est pas certain que cela corresponde à une vraie demande sociale.
Source : « Sur mobile, la guerre des boutons « acheter » » (Jérôme Marin), Le Monde, « Éco & Entreprise », 5 juin 2015, p. 7.
Voir aussi Actualités #8, avril 2013.
« Les technologies sont des concentrés d’idéologies »

Échanger des données personnelles sur votre activité physique contre une ristourne sur votre mutuelle ou votre prime d’assurance-décès : c’est le nouveau type de contrats que les assureurs (Axa) commencent à proposer en France. Les assureurs américains vont déjà plus loin, et multiplient les bonus si le client accepte de porter un bracelet fourni permettant de mesurer ses pas quotidiens, ses calories consommées, sa qualité du sommeil, sa tension artérielle, son taux de cholestérol, sa consommation d’alcool, et d’autres paramètres. Et pourquoi pas, à l’avenir, la quantité et la qualité des rapports sexuels (y compris des auto-rapports) ? Dans le sillage des deux entrées ci-dessus, et de l’article de Marion Lemonnier le mois dernier, voici des extraits d’une interview donnée par Evgeny Morozov à Libération le 21 avril.
« Quand on parle de « quantification de la vie », on doit avoir en tête qu’un seul élément du système politique – le citoyen – est « quantifié ». Il s’agit d’un type de politique qui s’accommode plutôt bien du paradigme néolibéral et de ses débats infinis sur la responsabilisation de l’individu. C’est le genre de discours qui ignore les structures et les hiérarchies du pouvoir […] Cette alliance tactique entre les limitations épistémiques du big data et les transformations politiques du néolibéralisme représente l’une des plus grandes menaces à la démocratie aujourd’hui.
« Je soutiens depuis toujours que les technologies sont des concentrés d’idéologies politiques. Prenez n’importe quel gadget de la Silicon Valley et vous verrez l’ensemble des présomptions qu’il contient sur le citoyen, le régime politique et plus largement sur la vie publique […] N’est-il pas évident que sans changement radical, Google fournira dans dix ans des services bancaires, des systèmes de santé et d’éducation ?
« On ne peut pas se permettre de déléguer les questions relevant de la technologie au seul marché, de les gérer comme de simples consommateurs. Non, il faut traiter la technologie comme de la monnaie : c’est l’une des puissances centrales qui organise la vie moderne ».
Source : « Les technologies sont des concentrés d’idéologies« (entretien complet), Libération, 21 avril 2015, p. 4-5.
La télévision sur mobile se développe

En peu de temps, la télévision sur mobile est devenue un enjeu majeur pour les chaînes. « Jusqu’à présent, les ordinateurs ou les tablettes étaient des outils supplétifs au téléviseur. Le smartphone bouscule tout ça. Il se substitue en partie à la télé, car il change le rapport classique à l’écran, en le rendant plus intime », estime Bruno Patino, directeur général aux programmes, et aux développements numériques de France Télévisions. « Certaines études montrent que la baisse du temps passé devant la télé au sortir de l’adolescence est plus forte qu’avant. Le retour devant le petit écran se fait de façon plus lente au moment de l’entrée dans la vie active. Nous assistons au même phénomène qu’a connu la presse écrite il y a une quinzaine d’années. Les jeunes ont abandonné la lecture des journaux papier et n’y sont pas revenus ensuite ». De son côté, Olivier Abecassis, directeur général d’e-TF1, temporise : « Il n’y a pas de chiffres qui démontrent que nous vivons une évolution profonde ».

En fait, les indices sont déjà assez éloquents en ce qui concerne les chaînes visant prioritairement un public jeune. Comme l’indique Thomas Follin, directeur général de M6 Web depuis 2014 : « 20% de la consommation des chaînes du groupe se fait sur mobile et pour W9, qui s’adresse à un public plus jeune, cette part grimpe à 30%. Ce mode de visionnage connaît clairement une forte croissance… On constate clairement que la télé-réalité et l’humour réalisent, sur mobile, de bien meilleures performances que d’autres genres ».
Chose surprenante, l’utilisation du mobile pour regarder la télévision se fait essentiellement à la maison. Le smartphone est plutôt utilisé pour regarder des formats courts, ou des extraits d’émissions (Scènes de ménage, Secret Story, Les Ch’tis, Soda…). Les chaînes s’adaptent à ce nouveau mode de consommation en proposant des sélections de gaffes, de bêtises et de prises de bec extraites des émissions de plateau. D17 vient de lancer une application avec du contenu supplémentaire sur téléphone lorsqu’on regarde la chaîne. France Télévisions vient de lancer l’application Zoom destinée aux iPhones qui permet de composer sa « chaîne idéale » des émissions du service public, à partir de ses centres d’intérêt. Symptomatiquement, on ne parle pas de séries, format très populaire chez les jeunes. Il n’est pas certain qu’on ait envie de regarder Game of Thrones sur un appareil mobile.
Source : « La télévision sur mobile se développe » (Joël Morio), Le Monde, 7-8 juin 2015, p. 18.
Le streaming musical doit devenir payant, et la bataille s’annonce acharnée

« La messe est dite. La qualité des réseaux et des terminaux fait que l’amateur de musique n’a plus intérêt à télécharger. Le consommateur délaisse le modèle de la possession de la musique, car il comprend et accepte le modèle de l’abonnement comme un droit d’accès », dit Nicolas d’Hueppe, président d’Hitster (Cellfish Europe), application pour un service de streaming musical low cost.
Spotify, le numéro un mondial de l’écoute de musique en ligne (1,082 milliard $ en chiffre d’affaires), n’a toujours pas dégagé de bénéfice depuis sa création en Suède en 2006. Son développement projeté dans la vidéo le mettrait en concurrence directe avec YouTube. Bien qu’ayant triplé ses pertes en 2014, Spotify continue à investir lourdement pour son expansion (la perte nette en 2014 est montée à 162,3 millions € contre 55,9 millions € en 2013). Aujourd’hui, Spotify revendique 60 millions d’utilisateurs dans 58 pays, dont 15 millions payants ; il figure parmi les start-ups non cotées les plus valorisées au monde (8,4 milliards $ selon le Wall Street Journal).

Le principe d’abonnement à une plateforme musicale s’est avancé l’an dernier avec 2,3 millions d’abonnés à Deezer (16 millions d’utilisateurs) qui, comme Spotify et d’autres, reversent la majeure partie de leurs recettes aux producteurs. « Entre 70 et 75%, ce qui nous empêche déjà de financer notre développement comme on le souhaiterait. Nous n’avons pas autant de leviers de négociation auprès des producteurs que les vendeurs physiques », dit Ludovic Pouilly, directeur chez Deezer. Mais cela n’empêche pas que les artistes s’estiment avec raison être insuffisamment rémunérés (100 écoutes en ligne équivalent à la vente d’un single, et 1000 à la vente d’un album). Le streaming gratuit, encore très majoritaire, rapporte bien moins d’argent que sa version payante. Explique Stephan Bourdoiseau, patron de Wagram Music, première maison de disques indépendante en France : « Tout le pari actuel est de se servir du gratuit pour développer ce nouvel usage de la musique, et de faire ensuite migrer les 11 millions de streamers français vers le modèle payant ».
Le 30 juin, Apple a lancé son propre service de streaming disponible dans 100 pays sous forme d’une application pour les produits maison (iPhone, iPad, Mac), et ensuite sur les terminaux Android (Google), alors qu’il est leader dans le téléchargement, grâce à iTunes. Cela constitue clairement un aveu d’échec de la stratégie passée. Alors que Spotify et Deezer offrent des écoutes gratuites moyennant la diffusion de publicités entre les titres, le service d’Apple sera uniquement payant (écoute illimitée contre 10 € par mois). Au niveau mondial, le numérique a généré autant de revenus en 2014 (6,9 milliards $, selon le Digital Musical Report publié par l’IFPI en avril) que les ventes physiques, qui n’en finissent pas de chuter (-11,2% en 2014 en France, où les ventes physiques dominent encore (71%)).


Le streaming payant au niveau mondial (+39% à 1,6 milliard $) tire la croissance de ces revenus, alors que le téléchargement recule de 8% à 3,6 milliards $. Les producteurs comptent sur Apple pour booster le modèle d’abonnement payant dans un marché qui reste fragile, et où les revenus sont encore limités. Selon Cécile Rap-Veber, directrice des licences et collectes à la Sacem : « Il faut que l’offre gratuite soit dégradée par rapport à l’offre payante. En misant sur le seul modèle payant, Apple va faire bouger les lignes ». Apple a aussi lancé une webradio appelée Beats 1 (accessible gratuitement), animée par l’homme le plus cool au monde, le présentateur vedette néozélandais Zane Lowe, débauché de BBC Radio 1, où il a acquis une réputation de créateur de tendances. Cyniquement, Yves Riesel, fondateur du service de streaming français Qobuz, estime : « le véritable atout d’Apple, ce sont les centaines de millions de cartes bancaires déjà enregistrées sur leurs serveurs ».

En réponse aux critiques séparées de la chanteuse Taylor Swift, et des labels indépendants, Apple Music a retiré avant le lancement une clause, soi-disant dans l’intérêt de tous et acceptée par les trois majors (Universal, Sony, Warner), prévoyant qu’aucune commission ne serait renversée aux artistes, aux compositeurs, et aux maisons de disques pendant la période d’essai de trois mois offerte à tous les nouveaux utilisateurs. La volte-face de l’entreprise, qui ne coutera « que » quelques dizaines de millions de dollars, était avant tout pragmatique : « La question n’est pas assez stratégique pour justifier un conflit avec une artiste aussi populaire à une semaine du lancement. Le groupe n’avait pas anticipé ces réponses négatives », estime Russ Crupnik, directeur du cabinet MusicWatch. Quant aux labels indépendants, leur coopération est essentielle, moins en termes de revenus que pour la profondeur du catalogue.
À terme, selon Associated Press, Apple viserait 100 millions d’abonnés, et un chiffre d’affaires mensuel d’un milliard de dollars. En 2020, le marché du streaming musical payant pourrait atteindre 16,42 milliards $ de revenus, selon le fonds américain P. Schoenfeld Asset Management, et représenter 50 à 70% des revenus du secteur. Il n’est pas clair combien des acteurs actuels sur le marché, chacun avec sa stratégie d’offre et de prix, pourraient survivre : en plus d’Apple, de Spotify et de Deezer, on compte Tidal (lancé par Jay-Z, qualité sonore, 20$ par mois), YouTube Music Key (2015, 10$ par mois, limité aux États-Unis), Microsoft Xbox (2014), Qobuz (depuis 2007, français, qualité sonore), Pandora (depuis 2000, « webradio intelligente »), Hitster (2014, playlist, 2$ par mois). La bataille s’annonce acharnée.
Une conséquence de la croissance du marché numérique, et l’effondrement non compensé du marché du disque pourrait être l’élimination des producteurs et des entrepreneurs spécialisés. Face aux contraintes économiques, de plus en plus d’artistes produisent leurs albums eux-mêmes, se contentant d’un contrat de licence avec une maison de disques pour la promotion et la distribution, organisent leurs spectacles, et gèrent leurs droits d’édition, devenant du coup des (auto-) entrepreneurs et, en cas de réussite, des chefs d’entreprise comme Jay-Z.
Sources : « En quête d’i-thunes » (Christophe Alix), Libération, 8 juin 2015, p. 26-7 ; « Musique en streaming : Deezer ne craint pas l’arrivée d’Apple » (Alain Beuve-Méry), Le Monde, 7-8 juin 2015, p. 7 ; « Apple-Spotify : cette bataille qui s’annonce dans le streaming » (Nicolas Richaud), Les Échos, 6 juin 2015 ; « Spotify triple ses pertes et veut se lancer dans la vidéo« , Les Échos, 8 juin 2015 ; « La future manne du streaming réveille les vieilles querelles du monde de la musique » (Julien Dupont-Calbo), Les Échos, 5 juin 2015 ; « Apple se lance dans le marché du streaming » (Sarah Belouezzane et Anne Eveno), Le Monde, 10 juin, 2015, « Éco et Entreprise », p. 8 ; « Les artistes s’invitent dans la bataille du streaming« , Le Monde, 23 juin 2015, « Éco et Entreprise », p. 7.
Voir aussi Actualités #18, mars 2014, Actualités #19, avril 2014, et Actualités #27, janvier 2015.
« Jurassic World »


Sources : Deadline Hollywood (site) ; Le Monde, 16 juin 2015, p. 14 ; The Guardian, 19 june 2015.
Patrick Macnee (Chapeau melon et Bottes de Cuir) est mort



Alors que le fond idéologique (distillé dans des histoires loufoques, surréalistes) de Chapeau melon et Bottes de Cuir (1961-9) est résolument libéral, du côté de la mode, et de la consommation démocratique et individualiste, prenant pour cibles tantôt la vieille garde réactionnaire (aristocrates, colonels à la retraite), tantôt les nouveaux riches vulgaires alliés aux scientifiques naïfs ou indélicats, Patrick Macnee lui-même était plutôt vieux jeu ; son hobby fut l’observation des oiseaux, activité pas exactement dans le vent. Il n’aimait pas les films James Bond en raison de leur « sadisme horripilant », mais il trouvait « fascinant » les romans originaux d’Ian Fleming, où l’aspect réactionnaire du personnage est plus affirmé (un clubman très marqué à droite). Dans son manque d’estime pour les films James Bond, il rejoignait son confrère Patrick McGoohan, dont Le Prisonnier (1967) est un exemple classique de l’esthétique pop à la télévision. Pour la petite histoire, McGoohan, très catholique, a refusé le rôle de James Bond car il n’y aimait pas « le sexe facile et la violence gratuite » : « Enlevez à Bond ses femmes et son talent avec un menu, et il ne reste pas grande chose » (TV Times, 26 sept. 1965, p. 2-3). Pour ces deux protagonistes d’une nouvelle approche de la télévision dans les années 1960, la ligne de fracture subjective passait par la franchise James Bond, un pont moderniste trop loin. On n’ose pas imaginer ce qu’ils auraient pensé de Game of Thrones.
Sources : Associated Press, consulté dans The New Zealand Herald, juin 25, 2015 ; livre cité.
Lire les autres articles de la rubrique.
Professeur des universités – Paris Nanterre – Département information-communication
Dernier livre : « Les séries télévisées – forme, idéologie et mode de production », L’Harmattan, collection « Champs visuels » (2010)


