The Wire est une série appartenant à la quality TV que l’on peut définir par « l’ensemble de productions distinct de la télé-réalité et des séries dites à épisodes […] ces récits sérialisées se sont développés depuis une vingtaine d’années d’abord sur les chaînes câblées, puis sur d’autres supports. Alors que, dans la série traditionnelle, l’épisode reste l’unité narrative principale, qui apporte chaque fois une solution à un problème posé au début de ce dernier, les nouvelles séries fonctionnent plutôt comme des feuilletons : pris individuellement, les épisodes perdent tout ou partie de leur complétude habituelle et leur succession est par contre décisive pour la compréhension du récit » [1]
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De par le fatum (destin), The Wire se place entièrement sous le signe du jeu social avec la phrase emblématique de la série dite par Omar, « C’est le jeu, c’est tout » (It’s all in the game). Il est donc question pour The Wire de raconter la société comme un vaste terrain de jeu. On joue beaucoup dans la série et notamment au jeu d’échecs (mais pas seulement) comme on peut le voir dans l’épisode 3 de la première saison lorsque D’Angelo apprend à ses lieutenants les règles de ce jeu : « The king stay the king (le roi res’ le roi) » [2]. Cette séquence peut être vue comme la métaphore de la guerre que se livrent les policiers et les trafiquants (les jeunes dealers sont comparés à des pions sacrifiables, la tour symbolise un stock de marchandise…). Comme l’écrit Pascal Lougarre, « L’intégralité de l’intrigue et du mouvement diégétique peut donc être considérée comme une partie d’échecs allégorique »[3].
David Simon a aussi présenté à plusieurs reprises son œuvre comme le premier « roman télévisuel » [4], et s’est fait qualifier de « Balzac de Baltimore » [5]. La référence au roman du XIXe siècle est effectivement très présente dans la série. C’est cette référence qui m’intéresse pour étudier la question de la littérarité.
Le roman feuilleton et The Wire : une production industrielle
A partir des années 1830, l’essor sans précédent des journaux et des périodiques à grand tirage, lié au perfectionnement des presses à imprimer, s’accompagne de l’apparition du roman-feuilleton, un genre de publication inédit [6]. Alfred Nettement (1805-69), un critique de l’époque, résume le processus de création et la place qu’y tient le roman-feuilleton :
Dans l’état de choses nouveau, un journal vit par l’annonce : les 40 ou 48 francs que paient ses abonnés suffisent à peine aux frais matériels, et les frais de rédaction, de direction, d’administration doivent être couverts d’une autre manière ; il faut nécessairement les demander à l’annonce. Or […] pour avoir beaucoup d’annonces, il fallait avoir beaucoup d’abonnés ; pour avoir beaucoup d’abonnés, il fallait trouver une amorce qui s’adressât à toutes les opinions à la fois, et qui substituât un intérêt de curiosité générale à l’intérêt politique … [7]
Et c’est particulièrement La Presse, « le journal de de Girardin, qui a joué un rôle décisif dans cette ascension. Il a introduit trois innovations importantes : l’abaissement du prix de l’abonnement à 40 francs, les petites annonces et le roman feuilleton » [8]. De fait, l’utilisation, à partir de 1836, d’un nouveau mode de publication des œuvres littéraires entraîne la conquête d’un nouveau public qui, à son tour, vers 1842-1843, impose la formation d’un nouveau genre littéraire. Dès lors, c’est « le déchaînement de la spéculation : de nouveaux journaux se lancent dans la lutte ; on augmente les formats ; les directeurs se disputent à prix d’or les maîtres du genre ; les œuvres qui plaisent s’éternisent » [9]. C’est dans ces conditions que dans La Presse, Balzac, qui ne peut résister aux séductions financières, conçoit, rédige et publie La Comédie humaine.
On pourrait comparer cet aspect avec l’apparition des chaînes câblées à la télévision dans les années 1980 en général, et HBO en particulier. Les chaînes câblées recherchent, grâce aux séries, à créer un processus de fidélisation avec un rendez-vous hebdomadaire. Si le média est différent, la logique, elle, est bien la même.
Une certaine lenteur du récit
C’est un point commun dominant entre l’auteur du XIXe siècle et David Simon, une façon de prendre son temps pour raconter une histoire. The Wire, contrairement à un film, a l’avantage de pouvoir prendre son temps puisqu’il compte soixante heures de récit [10]. Cette inscription dans le temps long permet de développer des multiples intrigues sans en favoriser une et de rester au plus près des personnages sans resserrer l’action. Mais cela déconcerte le public et The Wire n’obtiendra pas de grandes audiences [11].
Quant à Balzac, la possibilité d’écrire dans les journaux lui permet aussi de prendre son temps. Mais cela ne sera pas sans difficulté pour lui qui « se heurte à une véritable censure du public, qui vient contrecarrer ses projets et peser sur la composition de son œuvre » [12]. Les lecteurs se plaignent généralement de détails jugés trop grivois pour un journal qui « traîne » partout ainsi que des passages descriptifs ennuyeux et des conversations « insipides ». Émile de Girardin fait même envoyer directement à Balzac les lettres réprobatrices des abonnés qui menacent d’interrompre leur abonnement. Et Balzac d’écrire : « Le public ignore combien de maux accablent la littérature dans sa transformation commerciale » [13].
Malgré une faible audience (voir note 11), David Simon a eu les mains libres, car HBO se préoccupe moins de l’audimat que de la qualité du show [14]. Chris Albrecht, producteur chez HBO, déclare :
Si vous cherchez à savoir ce qui va marcher à coup sûr, vous devenez fou, savoir quel sera le film le plus populaire, quelle sera la chanson en tête des ventes. Il faut trouver une histoire qui fait profondément écho aux préoccupations humaines. Pas seulement à la surface, c’est bien gentil la surface. Ce que nous cherchons, nous, c’est de la profondeur. Si on tient à cette histoire, peut-être qu’elle n’aura pas tout le succès qu’on lui souhaite, mais au final, on saura, nous, qu’on a fait du bon travail. Et tout ça en dit long sur notre respect pour l’auteur. Sur notre respect pour le public. Sur l’image qu’on a de nous-mêmes [15].
Pour les feuilletonistes du XIXe siècle, les œuvres « taillées sur mesure, ne doivent pas être trop longues, ni trop courtes […]. La dimension idéale est de six feuilletons » [16], ce qui dérange Balzac, qui éprouve de la difficulté à comprimer dans un tel carcan ses œuvres qui « prennent souvent des développements qu’il n’avait pas prévus » [17]. Malgré les pressions qu’il rencontre, Balzac néglige la gloire immédiate du feuilletoniste et travaille pour la postérité en se consacrant à terminer La Comédie humaine [18]. Toutes proportions gardées, on est proche de la pensée de Chris Albrecht (HBO) à propos de The Wire.
Quelle est la loi du roman-feuilleton ? « Le roman à épisodes est un dispositif qui consiste à fournir à dates fixes aux lecteurs leur ration d’aventures, assez étranges pour les tenir en haleine et assez intégrées au découpage régulier de la vie normale pour leur paraître vraisemblables. Il faut que les lecteurs désirent et ne désirent pas à la fois que le récit se termine » [19].
Le premier aspect particulier de la technique du roman-feuilleton est l’importance du découpage. Pour pallier le danger que représente le fractionnement qui risque de détruire l’intérêt, « les romanciers ont commencé par soigner particulièrement les fins de feuilleton, puis par les construire systématiquement en vue de maintenir le lecteur en haleine. […] Or cet art de la coupure, Balzac n’a jamais su le pratiquer » [20]. Pour Anne-Marie Baron, « le romancier sera donc pris dans un dilemme qui est, pour Roland Barthes, le paradoxe de tout récit : il devra mettre en place ses codes narratifs de manière à conduire le lecteur vers l’avancée de l’intrigue, la solution et la fin de l’histoire, tout en retardant le plus possible cette découverte, qu’il devra repousser par tous les moyens en sa possession » [21].
Comme le démontre René Guise dans l’étude d’un roman de Balzac, Un ménage de garçon de province, un de ses romans qui sont parmi les plus proches du roman-feuilleton, il y a « une suite de chapitres presque autonomes, pas le moindre suspens à la fin du premier feuilleton et l’histoire met beaucoup de temps à démarrer. Le lecteur aura-t-il la patience d’attendre ? » [22]. Là encore, on ne peut que comparer avec l’écriture de The Wire, car c’est exactement sur ce modèle que David Simon construit sa série, sans récit à suspense (cliffhanger), en tuant des personnages alors qu’ils étaient plébiscités [23]. De plus, il n’y a aucune récapitulation au début de chaque épisode qui pourrait aider les téléspectateurs à suivre de semaines en semaines. De même, la police qui met sur écoute (c’est un aspect important, car il donne son nom à la série) est traité comme une trame narrative mineure qui arrive en milieu de saison.
La Comédie humaine à Baltimore
Il est évident que même si l’on ne peut pas comparer réellement l’architecture littéraire de Balzac avec la structure narrative de The Wire, on trouve pourtant des similitudes entre ces deux œuvres.
La Comédie humaine est le titre sous lequel Honoré de Balzac a regroupé un ensemble de quatre-vingt-seize œuvres, comprenant des romans, des nouvelles, des contes et des essais. La Comédie humaine a été divisée par Balzac en divers sous-ensembles correspondant à des milieux sociaux, des lieux géographiques, ou des catégories psychologiques (« Scènes de la vie privée », « Scènes de la vie de province »), et regroupés dans des ensembles génériques (« Études de mœurs », « Études philosophiques », « Études analytiques »). L’écriture de l’ensemble s’échelonne de 1829, avec Les Chouans, jusqu’en 1850. Dès 1834, Balzac conçoit la structure de La Comédie humaine comme un édifice en trois parties :
À la base de l’édifice : les Études de mœurs représentent les effets sociaux. La seconde assise est les Études philosophiques, car, après les effets viendront les causes. […] Puis, après les effets et les causes, doivent se chercher les principes. Les mœurs sont dans le spectacle, les causes sont dans les coulisses et les machines. Les principes, c’est l’auteur, mais, à mesure que l’œuvre gagne en spirales les hauteurs de la pensée, elle se mesure et se condense [24].
Dans The Wire, chacune des cinq saisons, sans être autonome, explore un milieu différent [25], l’ensemble formant un tout montrant les relations inaperçues qui s’établissent entre différentes réalités sociales dans la ville de Baltimore.
Chaque saison de The Wire correspond à l’émergence d’un nouveau champ professionnel et culturel au sein du récit, comme un nouveau trait de ce portrait urbain. L’histoire débute par le jeu de cache-cache auquel se livrent la police criminelle et les trafiquants d’héroïne. Mais au fil des épisodes et des saisons, sont introduits, par vagues, les autres services de police de la ville et leur hiérarchie ; les docks et leurs dirigeants syndicaux (touchés par la crise de la cité portuaire) ; les élus politiques locaux ; les acteurs associatifs des quartiers défavorisés ; les instituteurs, professeurs et fonctionnaires des écoles et collèges ; ou encore les journalistes du Baltimore Sun. Cela correspond au programme que David Simon s’était fixé : dans la première saison, il voulait s’occuper de l’individu dans la société contemporaine, dans la seconde de la fin du travail, dans la troisième de la réforme et de la politique, dans la quatrième de l’éducation et dans la cinquième de la presse. La presse est le dernier élément du puzzle qui vient compléter le tableau à la fois géographique et sociologique de la ville de Baltimore. C’est bien une fiction télévisuelle adulte qui rend compte de la complexité du monde à partir d’un périmètre géographique restreint [26]. Et on pourrait rapporter à The Wire, les propos de Georg Lukács concernant La Comédie humaine :
Cette victoire finale de la forme ne vaut que pour chaque récit considéré à part, non pour l’ensemble de la « Comédie humaine ». […] Et pourtant, […] cette unité n’est pas simplement née de la forme ; ce qui fait du tout une totalité effectivement réelle n’est rien que le vécu affectif d’un fonds commun de la vie et la certitude que ce vécu coïncide avec l’essentiel de la vie actuelle. […] Vaincu en chaque partie, le mauvais infini prend sa revanche en empêchant le tout d’atteindre une structure épique unitaire ; la totalité repose ici sur des principes qui transcendent la forme épique, sur une atmosphère et un savoir, non sur l’action et les héros ; elle ne saurait donc trouver en elle-même sa perfection et son achèvement. Du point de vue de l’ensemble, l’existence d’aucune partie ne correspond à une nécessité réelle et organique ; fît-elle défaut, rien ne manquerait au tout et d’innombrables parties nouvelles pourraient encore s’y adjoindre sans qu’aucune perfection interne dût les rejeter comme superflues. Cette totalité est le pressentiment d’un ordre de la vie qui se fait sentir en arrière-fond lyrique. Cet arrière-fond n’est pas problématique, il ne se conquiert pas de haute lutte comme celui des grands romans, mais il est – dans son essence lyrique qui transcende l’épique – naïf et sans problème. Cependant, ce qui le rend impuissant à édifier une totalité romanesque lui interdit bien davantage encore de constituer son univers en épopée [27].
Dans son « Avant-propos », Balzac caractérise La Comédie humaine comme « L’histoire et la critique de la Société, l’analyse de ses maux et la discussion de ses principes » [28]. Il représente et discute une Histoire en cours. Cela faisait pour les Goncourt la différence avec l’historien : « Les historiens, écrivent-ils dans leur journal le 24 octobre 1864, sont des raconteurs du passé ; les romanciers des raconteurs du présent ». Là encore, on est proche de la volonté de David Simon, qui se pose la question suivante de savoir dans quelle mesure il est possible de réintroduire de la compréhension dans la société contemporaine :
Voici ce dont nous pouvons tous être certains. Ce qui constitue en réalité le moteur dramatique de « The Wire », seul compte le « pourquoi ». Le « qui » le « quoi » le « quand » le « où » le « comment » même, tous les autres domaines où sévissent régulièrement les journalistes, les conseillers politiques, les dirigeants ne sont rien, ne servent qu’à remplir des pages avec les mêmes sujets que ceux qui avaient été balancés l’année précédente, qui le seront dans un an pour les décennies à venir. Il n’y a que le « pourquoi ». Le « pourquoi » est ce qui fait du journalisme un jeu d’adultes, le « pourquoi » est ce qui rend la politique utile et cohérente. Dans les villes américaines de notre millénaire, le « pourquoi » a cessé d’exister [29].
Pour le créateur de la série, le rôle des journalistes, des politiques et même le sien est de procéder à une compréhension des causes, à une manière de montrer toutes les déterminations d’une situation : un projet balzacien en quelque sorte.
Paris-Baltimore
Tout comme Paris chez Balzac, Baltimore chez Simon est un personnage autonome. Paris semble façonner n’importe quel protagoniste arrivant de n’importe où (Lucien de Rubempré, Rastignac), un personnage qui vit, qui respire, qui agit : « Il est dans Paris certaines rues déshonorées autant que peuvent l’être un homme coupable d’infamies; puis il existe des rues nobles, puis des rues simplement honnêtes, puis de jeunes rues sur la moralité desquelles le public ne s’est pas encore formé d’opinion, puis des rues assassines, des rues plus vieilles que de vieilles douairières ne sont vieilles » [30]. Cette cité labyrinthique où l’on passe des salons dorés du Faubourg Saint Germain (Splendeurs et misères des courtisanes), aux rues boueuses (La Cousine Bette) a quelque chose de dantesque. « Il y a deux Paris : celui des salons, des atmosphères suaves, des tissus soyeux, des quartiers élégants, et celui plus infernal, des orgies, des ruelles sombres, des mansardes misérables » [31].
Le choix du lieu d’habitation est déterminant pour cerner l’origine sociale du personnage, son degré d’intégration dans la nouvelle morale établie par la bourgeoisie triomphante. Les monuments historiques – Notre Dame, l’Observatoire, Les Tuileries… – sont peu décrits dans La Comédie humaine. Mais les quartiers, les rues, les maisons intéressent Balzac parce qu’ils intéressent ses personnages qu’il place toujours dans leurs environnements. Tous les critiques ont relevé la correspondance étroite que l’auteur établit entre ses personnages et leurs habitats. Paris est un tourbillon où l’on va des salles de jeux où se ruinent les aristocrates (Raphaël de Valentin) aux lieux de rendez-vous élégants sur les grands boulevards comme le Café Tortoni de Paris, ou le restaurant Le Rocher de Cancale que Balzac fréquentait lui-même, et surtout l’Opéra Le Peletier et les Italiens. Dans l’introduction de La Fille aux yeux d’or, Balzac présente le monde parisien sous cinq « physionomies » qui sont autant de sphères parcourues par le « mouvement ascensionnel de l’argent », cinq cercles de l’Enfer [32]. Dans cet espace lisible, visible qu’occupe Paris dans son œuvre, Balzac invente donc le personnage de la ville.
Baltimore [33], contrairement au Paris de Balzac, est le personnage principal de The Wire. Baltimore est une ville du nord-est des États-Unis qui compte un peu plus de 600 000 habitants et dont 66% de la population est noire (contre 12,4 % pour l’ensemble des États-Unis) [34]. La criminalité de la ville est très élevée : selon des statistiques du FBI de 2003, la criminalité sur les personnes était 2,9 fois supérieure à celle de la moyenne des États-Unis alors que la criminalité contre la propriété l’était de 32 % [35]. Baltimore est la ville où il y a le plus d’homicides entre Afro-Américains (black on black crime) dans les États-Unis et c’est également la 12ème ville la plus dangereuse du pays avec 1 754,5 crimes pour 100 000 habitants selon une étude menée par CNN en 2006 [36]. Même si quelques films ont été tournés à Baltimore [37], ce n’est pas une ville aussi cinématographique que New York, San-Francisco ou Los Angeles. D’ailleurs, Baltimore n’est pas référencée dans le catalogue des villes cinématographiques dans l’encyclopédie des villes au cinéma [38].
La construction de la série participe de la personnification de Baltimore. « The Wire est en effet bâtie sur un déni de l’individualité, pour mieux souligner le poids du collectif, de la communauté locale, autrement dit du social, et donc de la société propre à la ville de Baltimore ». De fait, cette série possède « à la fois une dimension « locale » – c’est la plus grande ville de l’État du Maryland, son centre-ville délabré est emblématique des cœurs urbains dévastés et pas encore rénovés de l’Amérique postindustrielle- et une dimension de « ville-monde » » [39]. Les cinq saisons de The Wire s’ordonnent, non étape par étape, mais secteur par secteur : l’un après l’autre, s’éclairent les quartiers de la ville et les strates de son fonctionnement sans que le nouveau vienne chasser l’ancien. « Baltimore est un roman avant d’être proprement une ville, avec son cadastre, son immobilier, ses quartiers… Il importe que ceux-ci soient nommés, fantasmés, narrés par les différents personnages » [40].
De fait, personne ne part de Baltimore comme le dit Omar [41], « Baltimore all I know. Man gotta live what he know » [42]. Wallace non plus, ne connaît rien en dehors du West Side : « If it ain’t West Side, I don’t know shit, you know … ‘Cause this shit … This is me, yo, right here » [43]. Et s’il y a quelques sorties de la ville (Wallace qui part un temps à la campagne dans la saison 1, Brodie qui va à Philadelphie dans la saison 2, Omar qui part s’installer quelques temps en Amérique du Sud dans la saison 4), elles seront exceptionnelles parce que jamais personne ne sort des quartiers de Baltimore, ville qui fonctionne comme une pieuvre tentaculaire aspirant ses habitants « way down in the hole » [44].
Les écrivains de The Wire
Le succès critique de cette série s’explique en grande partie par la collaboration des grands noms du roman noir américain comme Dennis Lehane, George Pelecanos et Richard Price. David Simon, dans une interview, a expliqué les raisons de la présence de ces trois écrivains :
S’il y a une chose qui différencie « The Wire » des autres productions télé, c’est bien cela. Aucun d’entre nous n’a grandi en rêvant de conquérir Hollywood, d’y faire une série ou un film. Ed [Burns] a été flic, puis prof. Dans le pool de scénaristes, il y avait aussi des journalistes, des romanciers, des dramaturges. On a tous commencé en faisant autre chose. Ça a probablement fait la différence. […] On n’a jamais pensé [aux retours des téléspectateurs]. On s’est juste demandé ce qu’on avait envie de dire en douze heures. C’est une préoccupation journalistique, qui émanait de ceux d’entre nous qui ont été journalistes et des auteurs de fiction dite réaliste, qui écrivent parfois des récits quasi documentaires. Des auteurs comme George Pelecanos, Richard Price et Dennis Lehane. […] On n’allait pas engager Isaac Bashevis Singer. J’adore ce qu’il fait, mais on cherchait des gens qui font de la fiction très documentée, ancrée dans le milieu urbain. Je ne dis pas qu’on a fait du journalisme. Je respecte trop le journalisme pour confondre. Mais notre motivation était la même que celle qui préside à l’écriture d’un édito ou d’une tribune [45].
Ici, il faut différencier l’écriture de l’histoire, et l’écriture du scénario d’un épisode. David Simon et Ed Burns ont écrit l’histoire de la presque quasi-totalité des épisodes des cinq saisons (parfois Ed Burns n’est pas crédité, il est remplacé par un autre écrivain). En revanche, c’est plus hétérogène en ce qui concerne l’écriture du scénario. Quand on étudie la liste des soixante épisodes écrits entre 2002 et 2008 [46], on se rend compte que David Simon a écrit vingt-et-un épisodes dont huit la première saison, c’est-à-dire un tiers des épisodes de la série. Ed Burns en a écrit neuf dont trois pour la quatrième saison. Ce qui n’est pas surprenant puisque c’est la saison sur l’école, et Ed Burns en tant qu’ancien professeur était plus engagé dans cette saison.
Ensuite, des écrivains invités, c’est Georges Pelecanos qui a écrit le plus pour The Wire avec sept épisodes [47]. Richard Price en a écrit cinq épisodes [48]. Dennis Lehanne [49], qui n’en a écrit que trois épisodes, est le plus connu, et a même fait une brève apparition dans un des épisodes de la série [3:03] [50].
David Simon explique comment fonctionne ensemble tous ces écrivains :
Il y a beaucoup de prises de bec, beaucoup d’égos dans une seule pièce. Il y a beaucoup d’auteurs-là qui ont connu le succès dans des médias différents. George Pelecanos sait écrire un livre avec un début, un milieu et une fin. Pareil pour Richard Price. Ed Burns a coécrit [avec moi] un livre journalistique [The Corner]. Sans parler du fait que je puisse être un grand enfoiré moi-même. Tous ensemble, ça peut être pénible un certain temps. Mais ce qui attire chacun d’entre nous, même si certains ont des engagements ailleurs, c’est la fidélité à toute l’intrigue, à l’ensemble. Personne n’est protecteur d’un seul épisode ou d’une seule idée, mais de la série dans son ensemble. Nous informons tous les scénaristes de ce qui se passe, de l’arc narratif. pas les acteurs, évidemment, sinon ils se télescoperaient. Nous voulons qu’ils vivent leurs personnages au temps présent [51].
La présence de ces écrivains enrichit la série ; les auteurs de The Wire alimentent leur propre mythologie, en présentant leur création comme un objet résolument à contre-courant du reste de l’industrie audiovisuelle. Ainsi, Dennis Lehane affirme : « Je ne travaille pas pour la télévision. Mais The Wire est la série la plus anti-TV qui soit. La vision de son créateur David Simon est sans compromis ; elle ne fait presque aucune concession vis à vis de l’audience. Zéro satisfaction du désir. C’est une vision scabreuse, sans compromis, tout ce que j’aime » [52]. Quant à Georges Pelecanos, il déclare : « Tout le monde sur la série pense qu’ils sont les meilleurs écrivains, et ils essayent de le prouver tous les jours. Quand j’étais petit, je regardais des séries comme La Quatrième Dimension, et je voyais des noms comme Harlan Ellison et Ray Bradbury… C’était un signe de qualité. Les romanciers livrent du bon travail » [53].
Il est intéressant de constater que ces deux écrivains sont d’ailleurs des auteurs dont l’œuvre est identifiée à une ville (Washington pour Pelecanos, Boston pour Lehane), et partagent avec la série une vision critique de l’état de la mégalopole urbaine. On peut donc lire, à travers The Wire, le portrait de toutes les villes de l’Amérique du Nord-Est [54].
Des histoires vraies
David Simon, comme journaliste au Baltimore Sun, a suivi pendant un an les dix-neuf inspecteurs de la brigade criminelle de Baltimore du 1er janvier au 31 décembre 1988. Il remplit alors plus de trois cents carnets [55], et en sort un livre, Baltimore, un journal de bord consacré au crime sous toutes ses facettes, observé, étudié et disséqué à chaque stade de son évolution : découverte du corps, analyse de la scène de crime, détermination de la nature de l’homicide (les « dunkers », immédiatement résolus, opposés aux « whodunits »), les indices, les témoins, l’autopsie et les longues enquêtes qui aboutissent plus ou moins. Par exemple, l’affaire de meurtre d’une mère de famille par son petit ami dealer sera, elle, conduite jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’à la condamnation du coupable au tribunal (un terme que ne connaissent que 30% des enquêtes environ). En revanche, l’enquête sur le meurtre d’une petite fille, crime suffisamment révoltant pour être classé affaire prioritaire durant quelques semaines, sera finalement abandonnée, faute d’indices. Rien de spectaculaire donc. David Simon raconte la genèse de son projet :
J’envisageais cette investigation comme une extension de mon activité de journaliste. Et, en effet, ça a fait de moi un meilleur reporter, un meilleur raconteur d’histoires également. J’ai commencé à appréhender certaines réalités d’une manière totalement différente. Jusque-là, c’est comme si je n’avais eu accès à la réalité de toute cette culture policière que par le trou de la serrure. Je voulais comprendre la façon dont les détectives pouvaient endurer les choses, réagir et manœuvrer dans ce monde où la violence n’a rien d’extraordinaire, où le meurtre relève de la plus pure normalité. Quel est le coût de cette confrontation continue à la violence en termes humains, et de quelle manière est-ce que cela peut affecter la psyché de la ville elle-même ? Dans mon travail de journaliste, je n’avais pas accès à ces vérités-là. Et même si j’avais pu les approcher, c’est quelque chose qui n’aurait sans doute pas trouvé sa place dans un quotidien comme le « Baltimore Sun ». Je me devais d’embarquer avec ces hommes pour rendre compte de ce qu’ils vivaient concrètement au jour le jour [56].
Ce qui m’intéresse particulièrement dans ce livre, c’est le fait que David Simon s’en soit servi pour créer The Wire quelque dix ans plus tard. D’ailleurs le premier épisode s’ouvre sur une anecdote racontée dans le livre Baltimore qui a été présenté en première partie. Deux hommes sont assis sur les marches d’une maison face à un mort : un des témoins de la scène ainsi qu’un policier. Ils parlent du mort. Débute alors l’histoire que le jeune du quartier nous raconte sur le mort, une histoire complètement absurde. Chaque soir, ils jouaient aux dés à plusieurs. Tous les vendredis soirs, Snot Boogie, un des joueurs, prenait la mise et s’enfuyait avec. Chaque soir, ils le poursuivaient, le rattrapaient et le tabassaient. Et puis un soir, un des joueurs en a eu assez et l’a tué. On peut lire dans le livre de David Simon, Baltimore :
Le cerveau de McLarney déverse une anecdote après l’autre ; une nuit dans les rues de Baltimore le met de bonne humeur. Une balade en voiture dans le West Side n’a jamais manqué d’avoir cet effet sur lui, qui peut rouler dans le ghetto en se rappelant une drôle d’histoire qui s’est produite à ce carrefour, une remarque poilante entendue en passant dans cette rue. En surface, tout cela ressemble à un cauchemar, mais creusez un peu et McLarney saura vous montrer l’éloquence perverse de la chose, la comédie sans fin du crime et du châtiment dans les taudis.
Ce carrefour, là, par exemple, celui où Boogie la Morve s’est fait flinguer.
« Boogie la Morve ? demande Brown, incrédule.
– Ouais. Et c’est comme ça que ses potes l’appelaient, en plus.
– Sympa. »
McLarney rigole et se lance dans la parabole de Boogie la Morve, qui s’était joint à la partie de craps des lascars du quartier, avait attendu que la cagnotte s’arrondisse, puis avait empoché l’oseille et s’était sauvé pour finir abattu par un des joueurs furieux.
« Quand on a interrogé les témoins au QG, ils nous ont expliqué qu’à tous les coups Boogie la Morve se joignait à la partie et s’enfuyait avec la cagnotte, et qu’ils avaient fini par en avoir marre… »
Dave Brown conduit en silence, suivant à peine cette digression historique.
« Alors je demande à un des mecs, tu sais, je lui demande pourquoi ils laissaient jouer Boogie la Morve, à la base, s’il essayait tout le temps de s’enfuir avec la thune ».
McLarney marque une pause pour ménager son effet.
« Et alors ? demande Brown.
– Il m’a regardé comme si j’avais dit un truc vraiment bizarre, dit McLarney. Et il a fait : « Ben, on est bien obligés de la laisser jouer… On est en Amérique » ».
Brown éclate d’un rire bruyant.
« J’adore, fait McLarney.
– Elle est excellente. C’est une histoire vraie ?
– Oh que oui, putain » [57].
Vidéo de cette séquence (en v.o.) : http://www.youtube.com/watch?v=LYgKmOJT_gM
Même si le contexte n’est pas le même, David Simon a gardé l’essence de cette histoire, le surnom, l’arnaque ainsi que la conclusion sur l’Amérique. On comprend alors comment et pourquoi cette série est baignée dans cette atmosphère réaliste.
Du vraisemblable
This is the West, sir. When the legend becomes fact, print the legend [58].
Le vraisemblable est ce qui paraît pouvoir être vrai. Pour le théoricien littéraire Philippe Hamon, « ce n’est jamais le « réel » que l’on atteint dans un texte, mais une rationalisation, une textualisation du réel, une reconstitution a posteriori encodée dans et par le texte, qui n’a pas d’ancrage, et qui est entraînée dans la circularité sans clôture des « interprétants », des clichés, des copies ou des stéréotypes de la culture (Maupassant, dans ses innombrables descriptions du panorama de Rouen, copie-t-il le réel, ou se copie-t-il soi-même, ou copie-t-il la description de Rouen par Flaubert dans Madame Bovary, qui lui-même copiait un code pictural etc. ?) » [59].
C’est ce qui pousse David Simon à « truquer » parfois la vérité pour rendre son scénario plus crédible. Le saut d’Omar [60], tiré d’une histoire vraie que le showrunner raconte en interview est modifié pour le rendre plus crédible :
« Vice » : Vous avez choisi des caractéristiques appartenant à toutes ces personnes pour construire le personnage d’Omar ? Par exemple, Omar porte un fusil de chasse. Il est gay. Autant de traits incroyables.
David Simon : Ce truc de sauter par la fenêtre pendant la fusillade, c’est quelque chose que Donnie Andrews a vraiment fait. Il a sauté six étages d’un immeuble, alors qu’il était pris en embuscade et sans munitions. Je ne pense pas qu’il ait réfléchi. Non, il l’a fait, il a survécu et il a réussi à s’enfuir en boitant. C’est vraiment arrivé. Il a aussi sauté d’un autre immeuble, le Poplar Grove. Légendaire. D’autres peuvent en témoigner à Baltimore, d’autres que Donnie. Ce n’est pas qu’une histoire qu’il aurait inventée.
« Vice » : J’adore le fait que le saut d’Omar soit tiré d’une histoire vraie, parce qu’en voyant ça les gens se disent : « Ah, ça n’arriverait jamais dans la vie. Il serait mort ».
David Simon : D’ailleurs, Omar ne saute que du quatrième étage… Le bâtiment n’avait que cinq étages et on s’est dit : « Euh, le quatrième étage ça ira. Personne n’y croira de toute façon, même si nous, on sait qu’il l’a fait ».
Vidéo de cette séquence (v. o.) : http://youtu.be/MKbGeC_F4bY
Si la vraisemblance se conçoit comme ce qui est probable dans l’ordre du réel, elle n’est donc pas la simple imitation d’une action réelle ou attestée. De fait, on comprend pourquoi une histoire vraie peut être « incroyable » tandis qu’un récit fictif se doit d’être vraisemblable. Christian Metz écrit à ce propos :
Ce sentiment si direct de crédibilité joue aussi bien pour les œuvres insolites ou merveilleux que pour les films « réalistes ». Une œuvre fantastique n’est fantastique que si elle convainc (sinon, elle est simplement ridicule), et l’efficacité de l’irréalisme au cinéma tient à ce que l’irréel y apparaît comme réalisé et s’offre au regard sous les apparences du surgissement événementiel, non de la plausible illustration de quelque processus extraordinaire qui serait purement conçu. […] L’impression de réalité – impression plus ou moins forte, car elle admet bien des degrés – qui appartient en propre à chacune des techniques de représentation existant à ce jour (photo, cinéma, théâtre, peinture et sculpture figuratives, dessin réaliste, etc.) est toujours un phénomène à deux versants : on peut en chercher l’explication du côté de l’objet perçu ou du côté de la perception ; d’une part, la duplication est plus ou moins « ressemblante », plus ou moins proche de son modèle, elle porte en elle un plus ou moins grand nombre d’indices de réalité ; d’autre part, cette construction active qu’est toujours la perception s’en empare de façon plus ou moins réalisante [61].
L’effet de réel
Dans « The Wire », il n’y a guère que les intérieurs qui ne soient pas d’origine. Tout Baltimore est reconstruit dans cet entrepôt […] L’ambition de la série n’était pas de proposer un divertissement policier, mais de bâtir une ville tout entière [62].
Parmi les catalyseurs possibles aux effets de réel, on peut penser aux scènes en extérieur qui sont tournées en « décors réels » et au fait que l’équipe a « réellement vécu » à Baltimore durant le tournage :
Pour des raisons de transparence […], la police de Baltimore a ouvert grand ses portes aux acteurs de « The Wire » dont beaucoup ont accompagné, dans un but pédagogique, les policiers dans leur tournée. Même pour ceux qui se considéraient raisonnablement blasés en termes de réalités urbaines, cela a été un choc. « J’ai grandi en HLM, mais c’était pas des rangées de maisons aux fenêtres murées ni des bébés tout nus dans les bras d’héroïnomanes de 12 kilos », commenta Seth Gilliam, qui jouait le sergent Ellis Carver. Lui et Domenick Lombardozzi (qui joue Herc) furent assignés aux côtés d’un agent de la brigade des stupéfiants particulièrement zélé surnommé Super Boy. Un jour, ils se retrouvèrent pliés en deux sur la banquette arrière pendant une fusillade. Je me disais : « Ma tête n’est pas couverte! Ma tête n’est pas couverte! Est-ce que je vais sentir la balle quand elle va me toucher ? », se souvint Gilliam. Wendell Pierce, qui jouait Bunk Moreland, John Doman, le formidable Major Bill Rawls et Dominic West (Jimmy McNulty) étaient dans un autre groupe. « On a été sur les lieux de fusillades et d’agressions au couteau. Il y avait un type qui avait encore un couteau fiché dans le corps. Un autre qui s’était fait tirer dessus, et que le flic essayait d’emmener en ville pour l’interroger », raconta Doman [63].
En plus de la reconstitution de l’espace urbain, le niveau de détail évoqué précédemment contribue à un effet de réel supplémentaire. Chaque élément secondaire de la narration, chaque détail de mise en scène (costumes, accessoires, maquillages, coiffures) vient dénoter le réel et la fidélité de la série. L’exemple d’un gros plan sur du linge qui sèche dehors et qui ouvre une séquence sur la cité appelée « The Projects » (vidéo en v. o. http://www.youtube.com/watch?v=4Baq48PR4EA, sans le gros plan en question, mais avec le linge qui sèche en arrière plan) renvoie à Roland Barthes, lorsqu’il écrit : « Car dans le moment même où ces détails sont réputés dénoter directement le réel, ils ne font rien d’autre, sans le dire, que le signifier : le baromètre de Flaubert, la petite porte de Michelet ne disent finalement rien d’autre que ceci : nous sommes le réel ; c’est la catégorie du « réel » (et non ses contenus contingents) qui est alors signifiée ; autrement dit, la carence même du signifié au profit du seul référent devient le signifiant du réalisme : il se produit un effet de réel » [64]. Les briques rouges tout autour du linge permettent de nous situer dans les tours de la cité. Ce linge dégage donc un effet de réel qui a pour fonction de nous faire adhérer à la « réalité du récit ». Le concept d’effet de réel justifie la présence d’éléments descriptifs qui semblent dénués de valeur fonctionnelle mais qui assurent la vraisemblance. Le linge qui sèche au dehors joue donc le rôle du baromètre flaubertien et ancre le récit dans une caractérisation réaliste.
Extrait d’un mémoire de M2 recherche en lettres soutenu à l’université de Rouen en 2014 sous la direction de Marie-Françoise Lemonnier-Delpy. Anne-Lise Melquiond prépare une thèse sur le thème de l’apocalypse dans les séries actuelles à l’université de Paris Ouest (directeur : David Buxton). Elle est enseignante en Lettres-Histoire à Rouen.
Notes :
1. Laurent Jeanpierre, « Nouvelles narrativités télévisuelles », Art Press 2, n° 32, février 2014.
2. Voir la conférence de Mathieu Potte-Bonneville du 10 mars 2012 au centre Pompidou dans le cadre du festival sur le jeu « The Wire : Qu’est-ce qu’un loser ? », http://www.dailymotion.com/video/xpfruf_mathieu-potte-bonneville-the-wire-qu-est-ce-qu-un-loser-nouveau-festival-3eme-edition_creation.
3. Pascal Lougarre, « The Wire : de la série policière à l’échiquier tragique », https://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/the-wire-de-la-serie-policiere-a-lechiquier-tragique-pascal-lougarre/
4. À ce sujet, le journaliste et éditeur américain Joe Klein affirme : « The Wire never won an Emmy? The Wire should win the Nobel Prize for literature ! » cité par Simon Hubé, « Baltimore à l’écoute de la série The Wire », Inaglobal, mis en ligne le 9 octobre 2010, http://www.inaglobal.fr/television/article/baltimore-lecoute-de-la-serie-wire.
5. Jean-Marie Samocki, « Saison 2, Sans appel », in The Wire, Reconstitution collective, op. cit., p. 39.
6. Cet essor s’explique aussi par l’alphabétisation des classes défavorisées de la population.
7. Alfred Nettement, Études critiques sur le roman feuilleton, Perrodil, 1845, t. 1, p. 2-3.
8. Walter Benjamin, Baudelaire : un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, Paris, Payot, 1982, p. 43.
9. René Guise, « Balzac et le roman feuilleton », Balzac, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1994, p. 57-104.
10. David Simon : « Disons que le fait d’avoir obtenu douze ou treize heures, enfin, le nombre d’heures qu’on a eues pour chaque saison, c’était quelque chose qu’on considérait sans aucun cynisme. Pour nous, c’était un super cadeau. Quand on y pense, Le Parrain, même si on compte le troisième film, le moins bon, ça fait quoi, neuf heures ? Pense à tout ce qu’on a pu raconter de plus que cette trilogie. », Vice, op. cit., http://www.vice.com/fr/read/david-simon-280-v4n1.
11. En moyenne, l’audience se situe entre 1 et 2 millions de téléspectateurs. Par exemple, [S03E01] = 1,9 millions ; [S04E01] = 1,4 millions ; [S05E01]= 1,23 millions Aujourd’hui, sur HBO, un épisode de Game of Thrones est regardé par environ 7 millions de téléspectateurs, http://www.audiencesusa.com/article-15466081.html.
12. René Guise, « Balzac et le roman feuilleton », op. cit.
13. Préface des Illusions Perdues, 1839, Pl., t. V, p. 113.
14. David Simon : « On avait intérêt à avoir quelque chose à dire. Ça semble être une question évidente, et pourtant je ne pense pas que les scénaristes se la posent souvent, et certainement pas à la télévision américaine. Beaucoup pensent que notre boulot de scénaristes télé consiste à faire une série qui deviendra une franchise et conquerra le plus grand nombre de spectateurs possible, le plus grand nombre d’yeux, et les fidéliser. S’ils aiment le fromage, on leur donne encore plus de fromage. S’ils n’aiment pas le jambon, on ne leur en donne plus. » http://www.vice.com/fr/read/david-simon-280-v4n1.
15. Chris Albrecht, Envoyé Spécial diffusé le jeudi 3 mai 2007 sur France 2 : http://www.dailymotion.com/video/x1vwy3_the-wire-saison-5-envoye-special_creation.
16. René Guise, « Balzac et le roman feuilleton », op. cit.
17. Ibid.
18. Balzac écrit dans la préface de Splendeurs et misères des courtisanes : « Si l’auteur écrivait aujourd’hui pour demain, il ferait le plus mauvais des calculs, et pour lui le drap serait pire que la lisière ; car s’il voulait le succès immédiat, productif, il n’aurait qu’à obéir aux idées du moment et à les flatter comme ont fait quelques autres écrivains ».
19. Anne-Marie Baron, Balzac cinéaste, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990, p. 53.
20. René Guise, « Balzac et le roman feuilleton », op. cit., p. 69.
21. Anne-Marie Baron, Balzac cinéaste, op. cit., p. 51.
22. René Guise, « Balzac et le roman feuilleton », op. cit., p. 70.
23. David Simon : « Mais finalement, le plus important, c’est de servir le personnage. Et nous, on adorait nos acteurs. On n’a jamais tué un acteur parce qu’il nous emmerdait, seulement parce que c’était nécessaire. », Vice, op. cit., http://www.vice.com/fr/read/david-simon-280-v4n1.
24. Propos de Balzac rapportés dans le Dictionnaire des littératures de langue française, Bordas, 1984, p. 127.
25. Respectivement, la cité des Noirs, le port, la mairie, l’école et la presse.
26. David Simon : « C’est de cela que parlait The Wire, en somme. Ça parlait de gens de peu de valeur, qui ne sont plus nécessaires, comme peut-être 10 ou 15 % de mon pays, à la marche de l’économie. Ça parlait d’eux, essayant de résoudre, car je ne trouve pas meilleur mot, une profonde crise existentielle. Dans leur inutilité, leur inutilité économique, ils étaient néanmoins toujours là, à occuper cet endroit qu’on appelle Baltimore, et ils allaient devoir vivre avec. C’est là un spectacle terrifiant. Qu’allons-nous faire de tous ces gens que nous avons marginalisés ? C’était moins problématique pour les autorités lorsqu’il ne s’agissait que d’une marginalisation ethnique, quand on faisait cela sur une base xénophobe et que c’était seulement les noirs des villes américaines qui rencontraient les taux les plus élevés de chômage, les taux les plus élevés d’addiction aux drogues, et qui avaient les systèmes éducatifs pourris et le manque d’opportunités. », in Ragemag, « Quand David Simon, créateur de la série The Wire, dépeint l’Amérique comme un spectacle terrifiant », mis en ligne le 3 février 2014, site désormais fermé.
27. Georg Lukács, La théorie du roman, Paris, Gonthier, 1979, p. 105-106.
28. Balzac, « Avant-propos » de La Comédie humaine, t. I, p. 20.
29. Interview de David Simon paru dans la revue Capricci et lu par Mathieu Potte-Bonneville sur La Grande Table, « The Wire, quand la fiction s’empare de la sociologie France Culture », diffusé le 9 févier 2012, http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4385701.
30. Honoré de Balzac, Ferragus, Chef des dévorants, Hachette livre, Grandes Œuvres, 1979, p. 25-28.
31. Jeanine Guichardet, Balzac, archéologue de Paris, Paris, SEDES, 1986, p. 374-384.
32. Gilles Vannier, Dictionnaire des littératures de langue française, op. cit., p. 128.
33. Ville du nord-est des États-Unis (État de Maryland) qui compte 622 104 habitants (2013). Fondée 1729. Site de l’hôpital et de l’université célèbre Johns Hopkins. 45% des habitants de West Baltimore, où se déroule la série, sont classés « pauvres ».
34. Cette donnée s’explique en partie par la grande migration de la population noire de la première moitié du XXe siècle.
35. « Baltimore Crime Report », Cityrating.com, 2003.
36. « Top 25: Most dangerous and safest cities », Money.cnn.com, 2006.
37. Par exemple : « Die Hard 4 » : « Retour en enfer » (« Live Free or Die Hard »), « Piège de feu » (« Ladder 49 »), « L’Effaceur » (« Eraser »), « Ennemi d’État » (« Enemy of the State »), « Les Remplaçants » (« The Replacements »), « L’Armée des douze singes » (« Twelve Monkeys »), « True Lies », « Voyageur malgré lui » (« The Accidental Tourist »).
38. Thierry Jouste et Thierry Paquot (sous la direction de), La Ville au cinéma, Cahiers du cinéma, 2005.
39. Antoine Faure, « The Wire : le fil d’Ariane sociologique de la complexité urbaine américaine », Nuevo Mundo Mundos Nuevos [en ligne], Images en mouvement, 2009, mis en ligne le 24 mars 2009, http://nuevomundo.revues.org/55671.
40. « Introduction ; The Wire : entre fiction et sciences sociales », The Wire, L’Amérique sur écoute, op. cit., p. 14.
41. Emmanuel Burdeau, « Saison 1, Fuck », in The Wire, Reconstitution collective, op. cit., p. 23-24.
42. [S04E09].
43. [Baltimore, c’est tout ce que je connais. On doit vivre où on connaît.]
44. [Tu sais, si c’est pas Baltimore Ouest, j’y connais que dalle… Parce que tu vois … Ici, ce merdier là, c’est chez moi.] ; [S01E02]
45. « Jusqu’au fond du trou », générique de la série et titre de la chanson de Tom Waits.
46. Interview de David Simon, Vice, op. cit., http://www.vice.com/fr/read/david-simon-280-v4n1.
47. Sur le site d’HBO.
48. « Cleaning up » [S01E12], « Duck et cover » [S02E08], « Bad dreams » [S02E11], « Hamsterdam » [S03E04], « Middle ground » [S03E11], « That’s got his own » [S04E12] et « Late editions » [S05E09].
49. « All due respect » [S03E02], « Moral midgetry » [S0308], « Home rooms » [S04E03], « Corner Boys » [S04E08] et « Took » [S05E07].
50. « Dead Soldiers » [S03E03], « Refugees » [S0404] et « Clarifications » [S05E08].
51. Dennis Lehane apparait aussi à plusieurs reprises dans son propre rôle dans la série Castle, lors de séquences présentant des parties de poker jouées avec Richard Castle, ainsi présenté comme le pair de cet auteur bien réel, et avec qui ils discutent des affaires en cours.
52. David Simon, interview dans Slate par Meghan O’Rourke, mis en ligne le 1 décembre 2006, http://www.slate.com/articles/news_and_politics/interrogation/2006/12/behind_the_wire.html (traduction personnelle).
53. Eric Deggans, « For Lehane, it’s not Tv, it’s The Wire », op. cit. http://www.sptimes.com/2006/10/01/Floridian/For_Lehane__it_s_not_.shtml (traduction personnelle).
54. Eric Deggans, art. cit.
55. David Simon : « Et puis l’idée de compiler 300 carnets de notes, de coucher sur papier une année entière d’immersion, tout ça me foutait franchement les boules », Igor Hansen-Love, « The Wire est une série exigeante, il faut s’accrocher », L’Express, mis en ligne le 20 octobre 2012, http://www.lexpress.fr/culture/tele/david-simon-the-wire-est-une-serie-exigeante-il-faut-s-accrocher_1176800.html.
56. David Simon au forum des images le 18 octobre 2012 : www.dailymotion.com/video/xuf5h7_rencontre-avec-david-simon-createur-de-the-wire-et-treme_tv.
57. David Simon, Baltimore, Sonatine, 2013, pp. 817-818.
58. « Dans l’Ouest, lorsque la légende est plus belle que la vérité, nous imprimons la légende. », The Man Who Shot Liberty Valance, John Ford, 1962.
59. Philippe Hamon, « Un discours contraint », in Littérature et Réalité, Seuil (« Points »), 1982, p. 129.
60. Omar est pris en embuscade par les tueurs de Marlo Stanfield et saute du 4ème étage pour leur échapper. D’ailleurs, Marlo viendra le constater, l’épisode d’après, et dira : « ça me parait impossible. À croire que c’est Spiderman » [S05E05].
61. Christian Metz, « Le dire et le dit au cinéma : vers le déclin d’un vraisemblable ? », Communications n°11, 1968, p. 22-33.
62. Envoyé Spécial diffusé le jeudi 3 mai 2007 sur France 2 : http://www.dailymotion.com/video/x1vwy3_the-wire-saison-5-envoye-special_creation.
63. « Dans les coulisses de The Wire », Slate, mis en ligne le 28 novembre 2013, http://www.slate.fr/story/80363/coulisses-the-wire.
64. Roland Barthes, « L’effet de réel », Communications, n°11, 1968, pp. 84-89.
MELQUIOND Anne-Lise, « « The Wire », sa « littérarité » et la question du réalisme – Anne-Lise MELQUIOND », Articles [En ligne], Web-revue des industries culturelles et numériques, 2014, mis en ligne le 1er novembre 2014. URL : https://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/the-wire-litterarite-question-realisme-anne-lise-melquiond/
Anne-Lise Melquiond prépare une thèse sur le thème de l’apocalypse dans les séries actuelles à l’université de Paris Ouest (directeur : David Buxton). Elle est enseignante en Lettres – Histoire dans le secondaire à Rouen.