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Jalons théoriques
True Detective est une série d’anthologie feuilletonnante. Elle reprend le principe de la série d’anthologie, mais l’étend à une saison entière. L’anthologie acquiert donc la sérialité du feuilleton, mais pour une durée limitée à l’avance. Par conséquent, les personnages, les lieux et l’intrigue ne sont pas les mêmes d’une saison à l’autre et a priori, seul le thème reste commun. Suivant Pierre Macherey (1), puis David Buxton (2), je pars du principe qu’une fiction est fondamentalement composée par trois niveaux : le projet idéologique, l’assemblage (personnages, lieux etc.) qui est la figuration du projet idéologique, et le récit, qui est la mise en mouvement de la figuration de ce même projet. Or, si l’assemblage et le récit changent d’une saison à l’autre, qu’en est-il du projet idéologique ?
Ce qu’on observe ici, c’est que les deux saisons de True Detective conservent la même structure, aussi bien au niveau du récit qu’à celui de l’assemblage. Il y a bien entendu des variations, les deux saisons ont chacune leurs spécificités. Certaines problèmes ressortent de façon plus éclatante d’une saison à l’autre, mais ce sont les mêmes contradictions qui structurent le récit, les mêmes oppositions, les mêmes affrontements qui génèrent les personnages. Ils peuvent être différents, ils incarnent fondamentalement les mêmes propriétés, les mêmes synthèses. C’est le même schéma qui se décline, même si en changeant de décor il subit quelque peu différemment sa mise en mouvement. Sans négliger la singularité des personnages, leur traitement devra s’effectuer en fonction de leur appartenance à un groupe défini par la position et la fonction qu’il occupe dans ce schéma. Ce schéma a été obtenu et clarifié avec le carré sémiotique de Greimas (3), suivant l’usage qu’en fait Fredric Jameson (4).
Le carré sémiotique de Greimas est un dispositif fondé sur l’idée structuraliste qu’un concept n’existe jamais seul, mais se définit toujours par les relations qui l’opposent à d’autres concepts. Ainsi, le feu vert par exemple, signe de la prescription, ne prend sens que dans la relation qui l’oppose à son contraire, le feu rouge, l’interdiction, et à son terme contradictoire, qui serait ici le feu orange qui va passer au rouge, la non-prescription. Le feu rouge implique logiquement un terme qui lui est contradictoire, le feu orange qui va passer au vert, la non-interdiction. C’est le développement logique de ces relations d’oppositions qui confèrent à la signification sa structure élémentaire. Dans le carré sémiotique, la synthèse des termes contraires forme le terme complexe (prescription et interdiction), tandis que la synthèse des termes contradictoires aux termes contraires forment le terme neutre (non-interdiction et non-prescription). Ces deux termes sont dans une relation de contradiction. La synthèse du premier terme et du terme contradictoire au terme contraire du premier terme est nommée deixis 1 (prescription et non-interdiction). La synthèse du terme contraire au premier terme et du terme contradictoire à ce dernier est la deixis 2 (interdiction et non-interdiction).
Si on trouve un concept dans un texte, on devrait donc automatiquement y trouver son contraire, et sa contradiction. Pour Jameson, le carré permet de reconvertir les éléments narratifs d’un texte en éléments cognitifs, idéologiques. Il est alors un instrument qui peut nous permettre d’isoler, de regrouper, de situer les différents éléments idéologiques d’un texte, puis d’articuler les rapports que ces termes entretiennent entre eux. Le carré sémiotique permet également de cartographier la clôture idéologique d’un texte, les limites au-delà desquelles il ne va pas et à l’intérieur desquelles il évolue. Notons que pour Jameson, le terme complexe représente l’utopie, une synthèse concevable, mais la plupart du temps impossible à réaliser. Le quatrième terme (le terme contradictoire au terme contraire au premier terme) représente la négation de la négation et, en tant que tel, apparaît toujours comme le plus surprenant : il est toujours un peu différent des trois premiers, comme s’il n’appartenait pas au même registre. Pour finir, l’usage que fait Jameson du carré est dialectique : celui-ci n’est pas statique, mais dynamique. De nouvelles oppositions peuvent être générées, les positions des personnages peuvent évoluer. Celui du policier Velcoro va, à mesure qu’il se trouve de plus en plus isolé sur le plan familial, s’opposer de plus en plus à la corruption, et accepter graduellement la façon d’être de son fils, se rapprocher de la position du « détective marginal ». C’est aussi le cas de Marty Hart. Les carrés ci-dessous ne représentent que la structure élémentaire de l’assemblage, un schéma basique ne pouvant de toute façon qu’être mis à mal par l’intrigue.
CARRE SÉMIOTIQUE SAISON 1 ET 2
Le détective marginal
Rust Cohle (saison 1) et Antigone Bezzerides (saison 2) partagent de nombreuses propriétés sémantiques : tous deux ont été séparés de leur mère durant l’enfance et gardent un rapport conflictuel avec leur père. Ils inspirent la méfiance de leurs collègues et l’hostilité de leur hiérarchie. Ils n’ont pas de vie de famille, contrairement à leurs coéquipiers, et sont isolés sur le plan de la vie privée. Ils sont également tous deux étrangers à la région où se déroule l’enquête, contrairement aux flics locaux avec qui ils devront faire équipe. Cette extériorité, combinée à leur isolement familial et à leurs différences spécifiques (Cohle se présente comme un intellectuel dans le Sud, Antigone est une femme dans un monde d’hommes) impliquent pour eux une certaine marginalité et des difficultés d’intégration. La marginalité de ces enquêteurs aura également un contenu spécifique et significatif vis-à-vis du contexte local dans lequel prend place l’intrigue. En Louisiane, l’intellectualisme de Cohle le distingue immédiatement des humbles autochtones qui « connaissent leur place » et ses monologues pessimistes et nihilistes entrent à de nombreuses reprises en contradiction avec les valeurs du puritanisme ambiant. Cohle s’affirme par exemple antinataliste (suivant une doctrine selon laquelle nous devrions cesser de nous reproduire et de perpétuer notre espèce, afin de ne pas infliger les dommages de l’existence à notre progéniture), ce qui s’oppose radicalement à la position défavorable à l’avortement. Son mépris de la religion et des croyants (qui se rendent aux messes itinérantes et mettent « le peu d’argent qu’ils ont dans des petits paniers ») vise en fait moins le protestantisme libéral des classes urbaines que le protestantisme évangélique.
CARRE SÉMIOTIQUE SAISON 1
Le souci particulier dont témoigne Antigone pour des femmes victimes qu’elle veut protéger de la prostitution ou de la pornographie, et le fait qu’elle soit une femme flic tranchent avec l’univers industriel et exclusivement masculin de Vernon, même si sa position dans l’ensemble semble moins marginale que celle de Cohle (ce qui explique peut-être — vu l’importance structurelle du détective marginal dans cette configuration — « l’échec » de la saison 2) (5). Dans les deux saisons de True Detective, le complot qui fait sa loi est un univers exclusivement masculin, dont les victimes sont surtout des femmes, ce qui suggère que son nom a peut-être été choisi en fonction de ses connotations féministes. Dans la Grèce antique, la loi humaine que défendait Créon était en effet la loi des hommes : les femmes étaient exclues de l’organisation politique et des délibérations au sujet de la cité, leur rôle était d’inculquer à leurs enfants la loi divine. En refusant d’obéir à Créon qui lui interdisait d’enterrer son frère Polynice, en faisant jouer la loi divine face à la loi humaine, Antigone combattait en fait la loi des hommes. Cependant, si Cohle et Antigone occupent une place marginale vis-à-vis de l’ensemble, ils n’en sont pas moins des durs à cuire. De fait, le personnage d’Antigone, à l’instar de beaucoup de femmes flics dans les séries policières (6), verra sa féminité — assimilée à la vulnérabilité et jugée incompatible avec l’activité policière —, effacée au moment où seront soulignées chez elle les qualités viriles classiques du détective dans l’univers du noir : force, stoïcisme émotionnel, fermeté morale, combativité face à la mort. La série opère une distinction entre la virilité, asexuée et commune à tous les vrais détectives et un éthos patriarcal qui ne caractérise pas les personnages d’agents marginaux. La droiture de ces enquêteurs, mandatés par l’intérêt public, tranche avec la fausseté et les masques qui figurent les intérêts privés qu’ils affrontent. N’y a-t-il pas d’ailleurs un parallèle évident entre le nom de la série, True Detective et l’expression « real police » qu’emploie régulièrement le détective McNulty dans The Wire ? Là où des avocats acceptent des pots-de-vin pour ne pas payer d’impôts, ou un révérend est à la tête d’un culte pédophile, ou les chirurgiens sont employés par des proxénètes, ou les patrons industriels sont en affaires avec la mafia russe, ou les policiers braquent des bijouteries et tuent des commerçants, ou les sénateurs participent à des soirées orgiaques avec des prostituées, le détective est le seul à être ce qu’il a l’air d’être, à être réellement fidèle à son apparence.
CARRE SÉMIOTIQUE SAISON 2
Le pessimisme comme blocage d’historicité
En dépit de leur isolement, et du fait que leur motivation première réside moins dans l’intérêt public que dans la quête de soi, Cohle et Antigone semblent montrer une préférence, ou une sympathie particulière envers des personnages subsidiaires, qu’ils rencontrent le plus souvent dans le cadre de l’enquête. Ces personnages-témoins (anciens ouvriers, personnels de maison, prostituées, etc.), en apparence sans grande importance, sont ceux qui représentent en fait le peuple. Ils vivent éparpillés dans les lieux périphériques, pollués, post-apocalyptiques que les détectives explorent avec la distance, l’étonnement et le regard parfois condescendant de l’anthropologue partant à la rencontre des peuples sauvages. Leur fonction n’est pas uniquement de fournir des indices, ils témoignent aussi immanquablement de leur précarité, de leur marginalisation. Abîmés par le labeur, à la santé mentale fragile, souvent alcooliques, inaptes au travail, ils ne représentent pas un peuple d’« honnêtes travailleurs », mais une population misérable, surexploitée, n’excluant aucune identité minoritaire. Les victimes dans True Detective sont largement issues de cette population, et la criminalité est représentée comme émanant principalement d’un groupe de ploutocrates corrompus alliant des acteurs des secteurs politique, industriel, judiciaire et même religieux. Dans une interview accordée à l’occasion de la parution de son premier roman, Galveston, Nic Pizzolatto déclarait : « La plupart des crimes en Amérique me semblent être une sorte de lutte des classes, de la même manière que la Première Guerre mondiale fut, pour moi, une lutte des classes, les classes supérieures envoyant les inférieures au massacre. (7) » Dans la saison 1, les intérêts ploutocratiques sont principalement figurés par l’hypocrite Révérend Tuttle, dont le luxe ostentatoire des bureaux tranche avec la vie monastique que mène Cohle dans son petit appartement quasiment vide. Tuttle appartient à une vieille famille sudiste, dont le passé esclavagiste est évoqué plus ou moins directement à plusieurs reprises, et dont le frère est gouverneur de la Louisiane. Le révérend, pédophile, est à l’origine d’un programme nommé « La Source », qui profite des coupes budgétaires dans l’éducation pour implanter des établissements religieux privés, au sein desquels des enfants seront enlevés et utilisés lors de cérémonies rituelles. « Nous voulions, dit- il, offrir une alternative à l’éducation laïque généralisée proposée par nos écoles publiques […], les gens devraient avoir le choix pour l’éducation, comme pour toutes choses. » Si c’est le cas, nous pouvons en déduire que le droit à l’avortement devrait également lui paraître légitime : le révérend ne serait donc pas puritain mais plutôt libertarien.
La majorité des personnages de True Detective, saisons 1 et 2 confondues, est constituée de ces personnages-témoins, ou de ploutocrates pervers et corrompus, les classes moyennes sont en fait relativement absentes. Or les représentations (stéréotypées) d’un Sud marqué par une aristocratie déclinante (Gone With The Wind), ou par une paysannerie primitive (Baby Doll) sont courantes dans la culture américaine, et notamment dans la littérature southern gothic (8). Ces deux classes ont en commun d’y apparaître oisives, paresseuses, bloquées dans la cambrousse et les préjugés, empêtrées dans leurs histoires, immobiles, passives, non productives, n’ayant rien d’autre en vue que leur propre dégénérescence. De fait, au Sud, tout paraît lent, statique. Bref, le Sud signifie la stagnation. Ce mythe, ainsi que la récurrence du caractère intellectuel et isolé du détective dans la fiction de crime ont fourni à Pizzolatto les bases pour faire de Cohle un flic « philosophe pessimiste ». Intensifié par son isolement familial, le pessimisme de Cohle est la conséquence de ce qui lui apparaît en tant qu’explorateur comme une inertie, et de son impuissance à faire face à la criminalité. Cette stagnation est de plus accentuée par la tripartition du récit (1995, 2002, 2012). Devant l’absence de changement, Cohle finit par se persuader que « le temps est un cercle plat », un présent perpétuel : « C’est comme si, dans cet univers, le temps s’écoulait de manière linéaire, en avançant, mais qu’en dehors de notre espace-temps, dans la quatrième dimension, le temps n’existait pas. (…) Dans l’éternité, là ou il n’y a pas de temps, rien ne peut grandir, rien ne peut devenir, rien ne change. » Il peut d’ailleurs ainsi s’expliquer sa propre impuissance à lutter contre le crime. Le retour de ce thème dans la saison 2 (via une chanteuse country-folk qui apparaît au bar à chacune des rencontres entre le gangster Frank Semyon et le détective Ray Velcoro et chante « c’est la vie que je préfère le moins », « il n’y a pas de futur, pas de passé, au présent rien ne dure ») indique que le problème n’est pas limité au Sud – par contraste avec un Nord qui serait dynamique, mobile, productif, etc. —, mais global.
Ce thème pourrait ainsi exprimer le blocage d’historicité caractéristique de la postmodernité, lequel va de pair avec l’homogénéisation des conditions de développement — signifiée dans True Detective par l’omniprésence de la pollution industrielle – et la passivité idéologique qui renvoie à l’impuissance de l’agent. L’historien François Hartog parle de présentisme pour qualifier l’émergence à notre époque d’un nouveau rapport subjectif des individus à l’histoire, dans lequel le présent seul orienterait nos réflexes et nos décisions, substituant l’immédiateté au progrès (9). Le passé ne commande plus l’action comme aux temps anciens, et nous ne sommes plus guidés par un futur à accomplir, ce qui était une des marques de la première modernité. Dans ce nouveau régime d’historicité, le mot « crise » a par exemple changé de sens : on l’employait autrefois pour désigner un moment net de remise en question, pour exprimer l’instant d’un jugement définitif. Aujourd’hui le terme renvoie à un état de crise sans fin, dont il n’y a pas d’issue. Le futur nous apparaît soit totalement imprévisible, soit à l’inverse trop prévisible, déjà joué. Hartog suggère également que le rapport subjectif des individus à la temporalité pourrait « refléter » leurs conditions de vie matérielles ; le présent pourrait alors, à titre indicatif, être perçu comme le mouvement des flux, la mobilité, l’accélération, ou bien au contraire comme une décélération, comme une prison, un temps figé qui ne contiendrait plus ni passé ni perspectives. D’un côté, l’accélération et un futur imprévisible ; de l’autre, un enfermement dans le présent. C’est ce deuxième point de vue, celui des personnages-témoins, que Cohle adopte.
À l’origine du crime, les dérives libertariennes
Il est fait subtilement référence aux luttes de classes historiques aux États-Unis dans la saison 2, dans un dialogue qui permet aussi de situer un peu mieux les valeurs figurées par les personnages de ploutocrates. L’enquête conduit les enquêteurs vers des terrains où seront construits des chemins de fer acquis pour une bouchée de pain par un conglomérat protégé par une société militaire privée (10). L’expert environnemental explique aux enquêteurs que les terrains sont pollués, ce qui conduit les habitants locaux à s’installer ailleurs. Cette pollution est due à une déchetterie que gérait Frank Semyon, un gangster local, pour le compte d’Austin Chessani, le maire de Vinci (11), auprès duquel il est maintenant endetté :
Frank : Quoi ? Vous allez sérieusement me casser les couilles pour 10 000 dollars ? J’ai tenu cet endroit pendant six ans ! Qui a écrasé ce syndicat des travailleurs clandestins ? Le délit de fuite ? Votre fils était tellement recouvert de coke qu’il ressemblait à un clown !
Austin Chessani (le maire) : Ah, Tony… Mon fils perd les pédales, j’en ai bien peur. Comme sa défunte mère. Certaines personnes ne savent pas encaisser le grand voyage intérieur (« deep trip »). Je crains qu’il soit autodestructeur. À mon époque, vous savez, il était question d’explorer sa conscience, de l’étendre. Les enfants sont une déception. Restez sans entraves, Frank.
La période 1870-1920 fut marquée par de très violentes luttes opposant le prolétariat américain au patronat industriel. Ce dernier employait de véritables milices, qui n’hésitaient pas à tirer ou à frapper pour briser les grèves syndicales, telle l’agence Pinkerton, dont fut notamment employé le père du roman noir (et auteur de polar favori de Pizzolatto), Dashiell Hammett. Les compagnies de chemins de fer représentaient, à la même époque, pour un certain populisme, la domination nocive des entreprises monopolistes, qui appauvrissaient les petits producteurs et paysans, et qui devaient par conséquent être nationalisées. Le personnage du maire Chessani fait allusion à cette période, mais l’ancienne tactique répressive de la bourgeoisie industrielle se trouve par sa médiation jointe aux mœurs hippies (la référence au « deep trip ») et de fait à des valeurs antiautoritaires, ce qui connote un égoïsme radical et un positionnement libertarien, à l’instar du révérend de la saison 1 qui est son équivalent structurel dans le schéma idéologique narratif de True Detective. De même, les « entraves » renvoient tout autant ici aux résistances syndicales, grévistes, qu’à celles du « vieux monde ». À cet égard, on pourrait trouver une indication de ce que la série projette comme les racines du mal, dans une réplique du père d’Antigone. Après avoir découvert que sa sœur était actrice dans des films pornographiques, elle lui reproche d’être un père absent :
Antigone Bezzerides : « Tu sais ou elle travaille maintenant ? […] Elle fait du porno.
Eliot Bezzerides (son père, gourou) : Bien… c’est quoi exactement le porno ? Je me rappelle d’une époque ou l’on qualifiait de porno ce qu’on voulait censurer.
Antigone : Des films d’avant garde alors…, du sexe en ligne pour des clients qui paient.
Eliot : Elle ne voit pas ça comme ça, pour elle c’est du théâtre.
Antigone : Bordel… Ça te fait rien que ta fille fasse ça ?
Eliot : Que veux-tu que j’y fasse, Antigone, j’ai jamais su comprendre tes besoins.
Antigone : Peut être que tu pourrais lui dire de faire quelque chose de sa vie, tu pourrais peut être la guider un peu, lui transmettre des valeurs.
Eliot : On ne sera jamais d’accord là-dessus. Je ne veux pas imposer ma volonté et je ne l’ai pas fait depuis 1978 […] Ta personnalité tout entière est une profonde critique de mes valeurs, tu ne cherches qu’à me provoquer. Tu aimes seulement ce que tu fais ? Ou est-ce que ton besoin d’autorité est une provocation ?
« 1978 » : on pourrait approximativement situer le tournant néolibéral dans ces eaux-là. Or, que dit le père d’Antigone ? Qu’il a choisi, à cette époque-là, de « laisser faire ». Qu’il a décidé, un peu comme l’État, de ne « plus imposer sa volonté ». Il reconnaîtra de plus s’être fourvoyé à la fin de la série : « À l’époque on était tous des pèlerins, on faisait tous le même voyage, mais on ne cherchait pas tous la même chose, certains exploitaient l’ouverture et la liberté, c’était l’ombre de nos meilleures intentions. Les gens allaient et venaient, des visages perdus… je regrette tellement de choses de cette époque […] Mon père, il était strict, je voulais pas être comme lui… Bon Dieu, Bon Dieu de merde ». Il est difficile d’ignorer le message politique inséré dans ce mea-culpa ; en bref, le père d’Antigone appartient à une génération qui souhaitait se libérer des contraintes d’une société jugée trop conformiste, mais le « laisser-faire » pour lequel elle a opté, dans l’espoir et dans la confusion, n’était pas la liberté, mais l’instrumentalisation, « l’exploitation » de celle-ci.
Deux choses frappent lorsqu’on appréhende les méchants dans True Detective : les traits de caractère très nombreux qu’ils partagent avec les héros, et le fait qu’ils soient le résultat, au sens propre comme au sens figuré de l’action des personnages de ploutocrates. Comme les détectives marginaux, ils sont en rébellion contre leur père. Comme Cohle, Errol Childress, monstre au visage calciné, inspire la méfiance, les deux partagent plusieurs traits communs tels que la misanthropie, l’isolement, la radicalité, le caractère intellectuel et autodidacte (la vieille ferme dans le bayou dans laquelle il réside, opposé symbolique au pavillon de banlieue de Marty, est saturé de vieux livres). Son asocialité contredit radicalement le sens de la communauté prôné par Marty (12). Suivant notre carré sémiotique, ces traits de caractère pourraient aussi bien être des qualités que des défauts, selon qu’ils soient mis en relation avec l’intérêt public ou privé. Outre l’isolement, Tony Chessani et Antigone ont en commun leurs origines aisées, et le fait d’avoir grandi sans mère. Il est lui aussi le produit d’une éducation alternative, d’un père à la mentalité libertaire et néanmoins soucieux de s’enrichir. Le résultat est calamiteux. La destruction des lois morales héritées du passé, l’obsession pour le profit économique engendrent des enfants sans repères, comme la sœur d’Antigone, ce qui est signalé notamment par ses problèmes d’addictions à la drogue et son passé d’escort-girl. Tony apparaît comme un enfant gâté, irresponsable, décadent, vivant dans la luxure et le désordre, sans aucune moralité. Dans les deux saisons de True Detective, le méchant ultime est issu d’une riche famille dynastique et puissante dans la région du crime (Childress a un lien de parenté, par consanguinité, avec le révérend Tuttle, lequel est le frère du gouverneur de la région, Tony Chessani est le fils du maire). Ils semblent surtout guidés par une satisfaction sexuelle perverse et n’ont aucune limite. Ces deux personnages ont des relations quasi incestueuses (Childress avec sa sœur, Tony avec la future femme de son père) et finissent par tuer leur père, ils représentent la chute des tabous les plus solides, le retour à la barbarie.
L’autre face de la « crise de la masculinité »
Face aux intérêts privés des ploutocrates, le détective marginal isolé sur le plan familial va devoir faire équipe avec son opposé structurel, un agent intégré qui porte les valeurs familiales traditionnelles. La principale tension entre les détectives réside dans leur rapport au père et à son autorité. On a vu que Cohle et Antigone étaient en rébellion contre lui. Marty se montre lui très attaché au modèle patriarcal dans lequel il a grandi, organisé autour de la domination d’une figure paternelle, ou la distribution des rôles se fait de manière traditionnelle, un père protecteur, qui fait autorité, et une mère nourricière « Ma mère était du genre femme au foyer, elle me préparait mon petit déjeuner, me lisait des histoires, mon père faisait vingt centimètres de moins que moi, et même à la fin, je crois qu’il aurait pu me botter les fesses. » L’homosexualité cachée avec laquelle se débat le détective Paul Woodrugh, à coups de viagra et de surenchère en agressivité (saison 2), le doute quant à sa puissance sexuelle de Frank, lequel ne parvient pas à avoir d’enfants avec sa femme (saison 2), les réactions impulsives et violentes (sadiques) de Marty ou de Velcoro face à l’affaiblissement de leur autorité paternelle suggèrent que ce groupe de personnages a pour trait commun une certaine angoisse de perte de sa masculinité.
On trouve chez Woodrugh, revenu traumatisé et désenchanté de Fallujah, cette angoisse associée au déclin de la puissance militaire américaine. La masculinité virile est depuis longtemps associée au combat militaire, sous la forme d’une attitude stoïque face à la mort ou à la blessure. Mais la médiatisation de la déroute américaine au Vietnam semble avoir mis à mal le mythe ; les soldats apparaissent défaits, humiliés, soudainement, on découvre leur vulnérabilité corporelle et leurs véritables conditions de vie en guerre. La puissance américaine se voit remise en cause pour la première fois au 20e siècle, et l’enlisement plus récent de son armée en Iraq a pu réactiver quelque peu le traumatisme. Le dernier âge d’or de la masculinité virile correspond aux années cinquante, période où la puissance militaire américaine est encore incontestée, autrement dit avant le Vietnam. C’est ce qu’évoque Marty avec regret : son père était marine en Corée, et « il n’en parlait jamais. En ce temps-là, un homme ne faisait pas chier tout le monde avec ses emmerdes ». Cette angoisse de perte de la masculinité est aussi mise en relation avec la peur du déclassement économique par la médiation du personnage de Frank, self-made-man confiant, guidé par les valeurs de la libre entreprise et par l’ancien code d’honneur, qui après avoir été arnaqué par un consortium de grandes entreprises et de mafias étrangères, risque de voir stoppée nette son expansion économique.
On peut par ailleurs se demander si les valeurs patriarcales de ces personnages sont toujours hégémoniques en Californie. Elles le sont en tout cas moins nettement que dans la Louisiane de la saison 1. La détective Antigone a bien toujours dans le fond affaire à des cas de domination masculine brutale, mais aussi dans le même temps comme on l’a vu à des valeurs libertariennes plus modernes. L’incrédulité bienveillante de la future femme de Woodrugh devant son comportement et l’étonnement de son équipier devant ses emportements homophobes tendent à montrer qu’il y a là aussi un décalage. La vie privée des jeunes familles californiennes semble régie moins par les valeurs familiales traditionnelles que par celles de la tolérance libérale, en témoigne également le fait qu’elles ne soient plus non plus si facilement transmissibles : chaque fois que Velcoro tente de « viriliser » son fils, cela se solde par un échec (il lui ordonne sans succès de se tenir droit, il lui offre un hélicoptère miniature, mais celui-ci refuse, car « ça tue des gens », il lui propose de regarder un drame policier centré sur un univers masculin, mais ce dernier préfère regarder Friends, ce à quoi Velcoro répond « « Friends » ? J’ai une ex qui regardait ce truc »). Dans ces conditions, les repères se troublent et les figures des valeurs familiales se trouvent tragiquement désorientées. Déclin des valeurs religieuses, perte d’autorité de la figure paternelle, affaiblissement de la puissance militaire, risque de déclassement économique, on trouve condensé à la « crise de la masculinité » un bon nombre des menaces qui pèsent sur le « privilège du mâle blanc ». Une analyse structurale du récit peut à présent nous aider à saisir un peu mieux le lien entre ses difficultés d’ordre privées et son impuissance en tant qu’enquêteur.
La structure du récit
On a vu d’autre part que les modifications formelles survenant d’une saison à l’autre n’avaient pas altéré la structure élémentaire de l’assemblage. Qu’en est-il du récit ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous empruntons à Claude Lévi-Strauss sa technique de l’analyse structurale du mythe en la transposant à l’intrigue des deux saisons de True Detective (13). Suivant Lévi-Strauss, le mythe travaille à résoudre symboliquement les contradictions que les sociétés primitives affrontaient, et qu’elles n’étaient pas en mesure de conceptualiser. Son analyse structurale a pour but de les faire ressortir. Prises en tant qu’artefacts culturels, les séries télévisées sont passibles du même décryptage. Donc, en s’appuyant sur l’interprétation célèbre qu’il donna du mythe d’Œdipe, et après avoir résumé l’intrigue de notre série, on tachera de regrouper les séquences narratives du récit par ressemblance et de les classer ensemble, dans un tableau en quatre colonnes qui pourra être lu aussi bien de manière diachronique que synchronique. Ces séquences narratives du même ordre sont alors considérées comme les unités constitutives de la structure du récit. Elles doivent alors être catégorisées et surtout mises en opposition. Ces oppositions doivent ensuite être mises en relation (la colonne C sera à la colonne D ce que la colonne A est à la colonne B). C’est cette mise en relation, ainsi que l’équilibre ou le déséquilibre que l’on constate entre les colonnes contradictoires (lorsque l’on constate une récurrence beaucoup plus forte de séquences narratives du même ordre que de séquences narratives de l’ordre opposé) qui doivent être recontextualisés et interprétés.
ANALYSE STRUCTURALE DU RÉCIT, SAISON 1
DÉMEMBREMENT DE LA FAMILLE | PERSISTANCE DE LA FAMILLE | IMPUISSANCE DES ENQUÊTEURS | SURPUISSANCE DES ENQUÊTEURS |
Cohle est en deuil de sa fille | |||
Marty se méfie de son partenaire, Cohle | |||
Hart trompe sa femme Maggie | |||
Rust Cohle a des visions qui lui permettent de trouver un indice
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Maggie décide de quitter Marty et part chez ses parents avec les enfants | |||
La femme de Marty accepte de se remettre avec lui malgré qu’il l’est trompé | |||
Rust obtient des confessions à chaque interrogatoire | |||
Marty gifle sa fille | |||
Marty trompe encore une fois sa femme | |||
Rust est convoqué par son supérieur, qui lui ordonne de mettre fin à ses investigations | |||
Maggie se venge de Marty en le trompant avec Cohle | Le révérend Tuttle se plaint de Rust auprès de son supérieur, ce qui entraine sa suspension | ||
Rust démissionne | |||
Maggie et Marty divorcent | |||
Maggie se remarie | |||
Les détectives Papania et Gilbough suspectent Rust du meurtre de Dora Lange | |||
Marty se réconcilie avec sa femme et ses enfants | |||
Rust parvient à abattre le « monstre », puis ressuscite après une période de coma | |||
Cohle a fait le deuil de sa fille et s’est réconcilié avec son père |
ANALYSE STRUCTURALE DU RÉCIT, SAISON 2
DÉMEMBREMENT DE LA FAMILLE | PERSISTANCE DE LA FAMILLE | IMPUISSANCE DES ENQUÊTEURS | SURPUISSANCE DES ENQUÊTEURS |
Laura tue son père biologique, Caspere, car celui-ci avait abattu son père adoptif lors d’un braquage en 1992 | « Antigone » | ||
Woodrugh est mis à pied suite à une plainte d’une reprise de justice qui conduisait sans permis et en état d’ébriété, qui l’accuse (à tort) de lui avoir fait du chantage | |||
Velcoro est soumis au chantage de Frank, un mafieux. | |||
Velcoro revient dans l’équipe juste après qu’on lui est tiré dessus à bout portant, et parvient à sauver sa coéquipière qui allait se faire renverser par un camion | |||
La femme de Frank accepte de collaborer avec lui à l’entretien des clubs (alors qu’elle souhaite qu’ils mettent fin à leurs activités illégales) | |||
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Antigone est suspendue et transférée aux archives à la suite d’une plainte déposée par un collègue pour harcèlement sexuel | ||
Face à Velcoro, la femme de Frank se tient prête à commettre un meurtre pour le défendre | |||
Désarmée, et ayant ses capacités amoindries par la drogue, Antigone parvient quand même à s’échapper de « l’enfer » avec la fille disparue. | |||
Par amour pour lui, la femme de Frank, recherché par la mafia, refuse de partir au Venezuela sans lui |
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Woodrugh est assassiné par les hommes de Black Mountain et des policiers corrompus (son enfant grandira sans lui) | Un policier abat Woodrugh | Woodrugh se sacrifie pour que sa partenaire soit épargnée | |
Le maire Chessani est assassiné, le crime a été commandité par son fils Tony (qui deviendra maire) |
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Velcoro succombe aux tirs des agents de police et ne peut envoyer un dernier message à son fils | L’agent Dixon abat Velcoro | ||
Antigone perd le père biologique de son enfant |
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Frank est poignardé par des membres du cartel et meurt (il ne pourra donc pas avoir d’enfants) | |||
Antigone doit se réfugier au Venezuela |
De même que la structure de l’assemblage, celle du récit ne change pas d’une saison à l’autre. On observe dans la première colonne un phénomène de démembrement de la famille qui correspond plus largement à un déclin du modèle de famille patriarcal, les différentes figures paternelles finissant toujours dans les deux saisons, d’une manière ou d’une autre, par perdre leur statut, leur légitimité et leur autorité. La seconde colonne montre au contraire une persistance de la famille. Les séquences regroupées dans la troisième colonne ont pour trait commun l’impuissance des enquêteurs. On y observe une négation totale du fonctionnement normal de la justice : un ordre corrompu utilise les institutions juridiques pour mettre en échec les enquêteurs, tandis que ces derniers vont à leur tour tenter de rétablir la justice, contre cet ordre corrompu, par des moyens illégaux (effraction, enlèvements, délits, etc.). Ce qui apparaît dans la dernière colonne, c’est en quelque sorte la réponse à ce renversement, l’héroïsme, une surpuissance des enquêteurs, lesquels se trouvent investis de capacités presque surnaturelles (le détective à des visions qui lui permettent de trouver un indice, il ressuscite après être tombé dans le coma, porte le nom d’une héroïne mythique, etc.). Si donc nous mettons en connexion ces deux relations contradictoires, démembrement/persistance de la famille ; impuissance/surpuissance des enquêteurs, il nous faut déduire que le démembrement de la famille est à l’impuissance des enquêteurs ce que la persistance de la famille est à leur surpuissance.
Dans les deux saisons de True Detective, la religion est associée à des dérives sectaires et à des affaires de viol sur mineurs. Dans la saison 1, il s’agit de cérémonies rituelles au cours desquelles des élèves d’une école religieuse sont sacrifiés. Dans la saison 2, c’est la fille du gourou Eliot Bezzerides, Antigone, qui a été victime d’un viol durant son enfance. Le réseau corrompu qui domine Vinci comprend plusieurs membres qui se sont côtoyés dans les années 1980 et 1990 au sein de la communauté « Good People », dirigée par le père d’Antigone. Des lieux où officient les responsables religieux se dégage une impression de grande richesse. Leur propreté, leur aspect luxueux contrastent avec les autres endroits visités par les enquêteurs dans la série. La corruption et la perversion des plus hauts responsables de l’église indiquent l’abandon des valeurs religieuses traditionnellement associées à la justice, et la déliquescence de l’autorité morale qui en dérive est implicitement mise en relation avec le démembrement de la famille, et avec le déclin de la figure paternelle. Or ce qui garantissait autrefois la réussite de l’action contre le crime, ainsi que le statut et la fonction symbolique du père — être justement le garant de la morale —, c’était justement cette loi morale. Ici elle ne guide plus les conduites et semble même frappée d’obsolescence, par conséquent le détective ou le père qui s’obstine à la suivre s’en trouve d’autant plus impuissant. Les personnages qui cherchent à devenir père ou qui aspirent à le rester désirent en fait se moraliser, se purifier : le détective Woodrugh veut renoncer à son homosexualité cachée, qu’il ne peut se résoudre à assumer, alors que Velcoro souhaite se purger de la corruption et se délivrer de la mauvaise conscience qui le ronge depuis qu’il a tué par vengeance le violeur de sa femme. Frank Semyon aimerait en finir avec la vie de gangster et devenir respectable. Quant à Marty, il voit sa famille comme une sorte d’abri face à la saleté à laquelle il est confronté (sa femme est d’ailleurs infirmière), et un refuge contre la folie (épisode 2 : « La famille… le problème de Rust, c’est qu’il y a certaines choses dont il avait besoin, et il ne pouvait l’admettre », épisode 1 : « passé un certain âge, un homme sans une famille, ça peut être mauvais »). Mais une sorte d’orgueil auquel ces personnages n’ont pas su renoncer semble être leur faille tragique, l’explication de leur échec.
La tripersonnification de cette subjectivité patriarcale dans la saison 2 ne semble même servir qu’à accentuer la déroute. Woodrugh, dont on a vu qu’il ne pouvait se résoudre à accepter son homosexualité, a une aventure avec un ex-collègue militaire. La scène sera photographiée et on exigera de Woodrugh qu’il livre des pièces compromettantes de l’enquête en échange des preuves de son homosexualité, ce qu’il accepte. Il mourra pendant l’échange, laissant donc son fils orphelin. Après s’être fait racketter de son butin par un gang mexicain qui l’a pour cela kidnappé et emmené dans le désert, Frank se fait poignarder, car il refuse, par fierté, de donner sa veste de costume en échange d’une place dans leur voiture pour le trajet de retour. Une étude remarque par ailleurs que dans la saison 1, Marty et Rust doivent, afin de maintenir un lien avec leur famille, renoncer « à une part de leur virilité ». Cette perte intervient lors de leur combat final avec Childress, lorsqu’ils sont « pénétrés » par ses « lames » : elle équivaut au renoncement à cette contraignante fierté et par là même accompagne et constitue la condition d’un retour à des liens familiaux plus souhaitables, à la réconciliation du détective avec ses proches et avec lui-même (14). Les hommes ont un choix à faire entre cet orgueil, constitutif d’un certain ethos patriarcal et leur famille, leur futur : sans ce renoncement, le démembrement se poursuit. Mais s’ils peuvent renoncer à leur orgueil, leurs vies seront épargnées, et ils obtiendront une reconnaissance de leur famille. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle peut persister sous sa forme initiale. L’abandon de l’ancienne loi morale semble aboutir à un désastre civilisationnel, et en même temps, il faut y renoncer. La fidélité de l’agent à cette loi et aux manières d’être qui y correspondent le mène à l’impuissance contre le crime et à l’échec dans sa vie privée. L’hubris caractéristique du détective dans l’univers du noir est désormais un obstacle à sa réussite.
D’un autre côté, la persistance de la famille est mise implicitement sur le même plan que la « surpuissance des enquêteurs ». Il faudrait donc des circonstances quasiment exceptionnelles pour qu’elle se maintienne. Pourtant, on remarque que là où le lien familial et/ou la justice persistent, la religion n’est jamais loin ; il faut de la part des enquêteurs des comportements héroïques, des compétences presque surnaturelles pour que la justice fonctionne, et pour qu’une famille se maintienne, les femmes doivent être prêtes à agir contre leurs intérêts, et savoir pardonner. D’autre part, la surpuissance des enquêteurs se caractérise par leurs capacités quasi extraordinaires et par le rapport spécial qui les lie au divin. Ce rapport est d’autant plus surprenant que les héros de True Detective sont a priori non-croyants : Cohle se dit ouvertement athée, et Antigone, du fait notamment de son rapport conflictuel avec son père, gourou d’un temple new age, apparaît a priori areligieuse.
Siegfried Kracauer avait déjà remarqué, dans son étude classique sur les romans policiers, que le détective s’y voyait régulièrement attribuer un caractère divin. C’était en quelque sorte, d’après Kracauer, la prétention du projet idéologique de ces romans qui en faisait un personnage semblable à Dieu. Une telle figuration n’était possible que dans une société moderne largement dominée par la rationalité, le calcul : « Ce dieu-détective n’est dieu que dans un monde abandonné de Dieu, et qui par conséquent n’est pas authentique » (15). En même temps, le détective incarnait également différentes figures entretenant avec Dieu une relation particulière : le prêtre, qui confesse les criminels dans le secret de la salle d’interrogatoire, ou le moine, méditant seul, non pas tant pour entrer en contact avec le seigneur que pour se trouver lui-même dans l’isolement, — l’intrigue renforce encore fréquemment cette marginalité de l’enquêteur par le célibat. C’est cette relation au mystère, et non un traumatisme passé, justification que le polar donne généralement pour expliquer l’isolement du détective, qui le place en marge de la communauté. Rust Cohle porte toutes ces figures et lorsqu’il sort du coma, il est explicitement représenté comme le Christ, la blouse blanche d’hôpital faisant office de sainte tunique.
Conclusion
Cependant, le roman policier visé par Kracauer prend la société comme une unité « organique » dont l’équilibre symbolique se trouve brusquement rompu par un crime mystérieux, tandis que dans l’univers du noir, on a généralement affaire à un environnement social déjà pris en voie de désintégration. Si par ailleurs, pour des raisons historiques évidentes, je ne peux reprendre ici les explications de Kracauer, je constate que ses observations s’appliquent de façon étonnante aux détectives marginaux de True Detective. Pourquoi, donc, cet héroïsme du détective prend-il la forme d’une personnification du Christ ? Les anciennes valeurs patriarcales sont mises en scène comme dépassées, inopérantes, les vieux repères s’estompent, les conduites individuelles se désorientent, et les criminels sont prêts à briser les plus anciens tabous. Les zones périphériques du premier monde redeviennent presque des « frontières » (et les paysages du bayou peuvent évoquer ceux du Vietnam). Le scénario induit au mieux une méfiance envers les institutions (dans la saison 1, ce n’est pas la police, mais des enquêteurs privés, soupçonnés par la police qui résolvent l’enquête), au pire une faillite totale de la justice (dans la saison 2, l’affaire est résolue, mais on ne sait pas si la vérité va éclater au grand jour, il y a une incertitude quant à la possibilité de rétablir l’ordre). Même les détectives voient leur situation se détériorer, et, dans la saison 2, l’intrigue est si complexe que le spectateur ne peut plus enregistrer les liens de causalité supposés unir les différentes pièces de l’enquête : le chaos renforce l’impression d’impuissance des enquêteurs. La paranoïa manifestée dans l’intrigue (les ploutocrates s’amusent à des orgies sexuelles avec des prostituées, ou à des cérémonies sacrificielles) renvoie à une vision populiste du monde dans laquelle les élites auraient tous les défauts.
L’absence relative des classes moyennes nous place devant une société polarisée et accentue l’impression de déséquilibre, de dislocation sociale. L’aspect mystique de l’univers fictionnel emprunté au Southern Gothic, utile au maintien du suspens, peut aussi avoir comme effet de défigurer et d’escamoter la matérialité de cette polarisation. On remarque par ailleurs que les nouvelles technologies, qui symbolisent d’ordinaire la communication, les réseaux, etc. sont absentes de True Detective, ce qui est une façon de mettre en relief la déchirure du lien social. Lorsqu’elles sont là, leur présence ne sert qu’à amplifier l’impression de déliaison, elles ne signifient que l’échec de la communication (Velcoro utilise un smartphone pour envoyer un dernier message à son fils, qu’il échoue finalement à transmettre), la solitude (Marty utilise un ordinateur portable pour naviguer sur un site de rencontres, tandis qu’il mange un plat individuel). La distance que manifestent les détectives à l’égard des habitants du coin — le mépris distant qu’affiche Cohle envers les fidèles de la messe itinérante — est également symptomatique de cette déliaison, et on peut en arriver à se demander si les victimes potentielles du crime méritent seulement d’être protégées. Cette même déliaison s’illustre encore par les origines sociales des méchants : ils sont le produit d’unions consanguines entre membres de riches familles dynastiques, autrement dit le résultat de l’absence radicale de mélange social. Or ces phénomènes de retour à la barbarie sont engendrés par l’individualisme radical, l’égoïsme cynique des ploutocrates supposés représenter des institutions respectables. Du strict point de vue des liens de parentés, ils sont leur descendance. Ce qui rend quasiment impossible la justice et contribue à détruire les liens familiaux, c’est un libéralisme excessif, sans limites, le libertarisme de ces personnages de ploutocrates. Or si le personnage du héros est souvent construit négativement face à celui du méchant, contre l’individualisme radical et l’anomie qui en découle, ne faut-il pas une figure religieuse ou mythique, prête à se sacrifier pour des valeurs collectives ? Pour protéger les femmes face à la « loi des hommes », ne faut-il pas une Antigone ? En parlant de la Louisiane, et de la genèse de True Detective, Pizzolatto déclare : « c’était un endroit très rural, très religieux, très superstitieux, très jugeant, et en grandissant j’ai commencé à voir ça comme un signe de peur et d’impuissance […] je pense que comme beaucoup d’auteurs, mon point de départ fut une insatisfaction quant à la réalité à laquelle j’étais confronté. Alors on compose une alternative, et on essaie de pousser l’expérience le plus loin possible […] Cohle était bien plus proche de moi » [que Marty], « en ce qui concerne les choses qu’il ne peut tolérer, son intégrité » (16).
On a vu que l’angoisse de perte de la masculinité subie par les personnages de « détectives patriarcaux » renvoie, par les associations d’idées auxquelles procède la série, au « malaise » de l’Amérique blanche (déclassement économique, déclin des valeurs traditionnelles vécu sur le mode d’un déclin de la grandeur américaine, etc.). Il semble que pour Pizzolatto, la solution ne soit pas pour cette Amérique d’insister — la solitude, la désorientation de ces personnages sont des témoignages d’une existence dirigée par des valeurs qui ne sont plus fonctionnelles socialement, qui ne sont plus efficaces pour guider l’action, pour maintenir ou conserver le lien —, mais de renoncer à une partie de sa fierté. Il faut aussi qu’elle accepte d’être guidée par une figure différente d’elle, celle du détective marginal, en rupture totale avec les valeurs locales. Bien sûr, Cohle ne serait rien sans Marty, qui s’est sacrifié pour lui devant Childress, qui fait avancer son fauteuil roulant dans une scène finale représentant avant tout la réconciliation fraternelle entre les deux personnages. Néanmoins, dans les séquences où il est interrogé par les enquêteurs qui ont repris leur ancienne affaire, Marty ne parle pratiquement que de Cohle. Ces scènes d’interrogatoire sont en revanche pour Cohle un média grâce auquel il peut exprimer son propre discours sur le monde (un peu à la manière d’un youtubeur, le cadrage, la bande-son derrière ses répliques peuvent évoquer cette forme caractéristique). Il faut en déduire que le héros, c’est quand même Cohle. Marty n’est évidemment pas subordonné à Cohle, comme Watson pouvait l’être à Sherlock Holmes, mais il n’est pas non plus tout à fait traité comme son égal.
Après avoir accompli leur devoir, face à l’inachèvement de la procédure, les enquêteurs justifient la non-poursuite de leur action en affirmant : « on a eu le nôtre », « j’ai fait ma part ». Contre le crime, la seule solution est un individualisme responsable. D’ailleurs, avec qui pourrait-on faire alliance si tout le monde est potentiellement suspect ? Confronté à l’impossibilité d’une action véritablement positive et collective contre la criminalité, et à l’incapacité de l’imaginer, il faut s’en remettre aux prodiges de l’individu seul ou d’une poignée d’individus isolés. Si chacun prend ses responsabilités et agit à sa micro-échelle, nous pourrons peut-être mettre un terme à la stagnation, sortir du catastrophisme et reprendre un peu espoir. Les dernières paroles de Cohle, « C’est le plus vieux combat du monde, la lumière contre les ténèbres… au début il n’y avait que des ténèbres… la lumière est en train de gagner » peuvent se lire comme un déblocage d’historicité et comme le retour à une vision plus progressive de l’histoire. Autrement, on aura au moins conservé son intégrité. Notons tout de même qu’il y a quelque chose d’utopique à voir un flic issu des classes moyennes locales, légèrement borné comme Marty reconnaître comme autorité la parole d’un intellectuel solitaire comme Cohle. Finalement, un tel projet peut concilier des individus opposés, mais à ce stade, il paraît difficile de déterminer son contenu.
Notes
[1] Pierre Macherey, Pour une théorie de la production littéraire, ENS éditions, Lyon 2014 (édition originale, 1966).
[2] David Buxton, De « Bonanza » à « Miami Vice » : Forme et idéologie dans les séries télévisées, L’Espace Européen, La Garenne-Colombes, 1991.
[3] Algirdas Julien Greimas, Du Sens, Seuil, 2012, p. 135-55.
[4] Fredric Jameson, « Foreword to A. J. Greimas’ On Meaning : Selected writings in semiotic theory », in The Ideologies of Theory, London, Verso, 2008, p. 515-34. Voir aussi du même auteur, L’inconscient politique, Saggio Casino, coll. « Questions théoriques », 2012, p. 54-55.
[5] En France (Slate, L’Obs, Télérama, Les Inrocks) comme aux États-Unis (New York Post, Washington Post, USA Today, Time, Wall Street Journal), la plupart des journalistes sont tombées d’accord pour dire que la saison 2 était un échec, ou du moins qu’elle était moins réussie que la saison 1. Cet échec est diversement imputé au casting, au choix de situer l’action en Californie (Pizzolatto maîtriserait mieux les codes du southern gothic que ceux du film noir californien), à la pauvreté des personnages et des dialogues, au changement de réalisateur. Michael Lombardo, directeur de la programmation de HBO, a pris sur lui cet échec. Impatient de réitérer le succès de la saison 1, il déclare ne pas avoir laissé suffisamment de temps au showrunner pour l’écriture.
[6] Les compétences que l’on attend de ces agentes, la force physique ou le stoïcisme émotionnel par exemple, ne sont pas celles que l’on attend ordinairement d’une femme. Puisque la criminalité nous apparaît comme un phénomène essentiellement masculin, la femme détective doit toujours démontrer qu’elle est capable d’effectuer le travail d’un homme. Les premiers épisodes des séries mettant en scène des femmes détectives décrivent généralement son inaptitude à être une « femme féminine ». Mais la démonstration des compétences de la femme détective exige encore la juxtaposition de son personnage à celui d’une femme vulnérable et victime du crime (c’est le rôle que joue ici la sœur d’Antigone) qu’elle aura précisément pour fonction de protéger. Pour la démarquer de cette victime potentielle sans défense, on montrera qu’elle peut opérer dans un monde d’hommes sans être atteinte physiquement ou émotionnellement, en résistant par exemple à un commentaire déplacé (ce sera le cas à deux ou trois reprises dans la saison 2), ou en insistant sur son intégration au groupe de mecs. L’absence de ce dernier type de séquence témoigne de la marginalité d’Antigone. Voir Annie Manion, « Between victimhood and power : the female detectives of television’s crime dramas », LA Review of Books, 22/06/2015, [en ligne] <url :https://lareviewofbooks.org/article/between-victimhood-and-power-watching-the-female-detectives-of-televisions-crime-dramas/>
[7] Bernard Strainchamps, Laurent Grumbach, « Courage, triomphe, rédemption. Interview de Nic Pizzolatto », 02/09/2011, [en ligne] <url :https://fr.feedbooks.com/interview/6/courage-triomphe-rédemption>
[8] Margie Burns, « A Good Rose Is Hard to Find: Southern Gothic as Signs of Social Dislocation in Faulkner and O’Connor » in Image & Ideology in Modern/Post-Modern Discourse, David B. Downing, Suzan Bazargan, SUNY Press, New York, 1991, p. 105-23. Disponible sur : <url :file:///Users/a/Downloads/A_Good_Rose_Is_Hard_to_Find_Southern_Got.pdf>
[9] François Hartog, « Présentisme et émancipation. Entretien avec François Hartog », Vacarme, 53, automne 2010, [en ligne] <url :https://vacarme.org/article1953.html>
[10] Black Mountain est une référence à la société militaire privée Blackwater. Elle employait en Irak, en 2007, plus de 180 000 contractants, un nombre supérieur aux soldats réguliers de l’armée américaine, et était chargée en particulier de la protection des diplomates américains. En septembre 2007, à Bagdad, cinq « mercenaires » de Blackwater ont ouvert le feu sur des civils désarmés, provoquant 17 morts et 24 blessés. Ces mercenaires, rémunérés à hauteur de 1200$ par jour, furent condamnés pour meurtre. En 2009, l’administration Obama rompit le contrat qui unissait Blackwater au département d’État. Erik Prince, son fondateur, s’est récemment illustré en proposant un partenariat entre les gouvernements européens et des entreprises similaires à Blackwater dans le cadre de la gestion de leurs frontières. Par ailleurs, sa sœur, Betsy DeVos, mariée à l’un des héritiers du milliardaire Richard DeVos, ex-présidente du parti républicain au Michigan et fervente militante des écoles privées et religieuses, est aujourd’hui secrétaire à l’Éducation au sein de l’administration du président Trump.
[11] La ville de Vinci est inspirée de la zone industrielle de Vernon, dirigée par une dynastie politique, qui concentre 1800 affaires, pour 112 habitants. Vernon offre aux entreprises qui s’y installent des avantages fiscaux et de faibles coûts en énergie grâce à sa propre centrale et compagnie électrique. John B. Leonis, le fondateur de la ville, fut un des leaders politiques de Vernon durant quarante-cinq ans. Son petit fils exerça durant cinquante années en tant que maire, puis comme conseiller municipal, jusqu’à ce qu’il soit contraint de quitter son poste après une condamnation pour fraude. Malkenhorst, un autre politicien local, qui exerça à divers postes durant une trentaine d’ années (avant d’être le retraité de la fonction publique le mieux payé de tout l’État de Californie), reconnut lors d’un procès avoir utilisé de l’argent public afin de partir en voyage pour jouer au golf. Il conserva tout de même sa pension de retraite. Outre leurs salaires mirobolants, les responsables de la ville sont également connus pour embaucher leurs proches. En 2011, suite à des décennies de corruption, l’assemblée constituante de Californie a tenté de dissoudre et d’annexer Vernon au comté de Los Angeles, sans succès.
[12] Dans son article sur The Wire, Fredric Jameson explique qu’une asocialité radicale est, du moins dans la culture populaire, la seule manière de figurer le maléfique aujourd’hui. Les normes aujourd’hui hégémoniques dans nos sociétés tendent à tolérer ou à inclure de plus en plus de comportements ou de pratiques jugées autrefois marginales, perverses, c’est-à-dire à ne plus les reconnaître comme différentes. Or c’est dans cette réserve de comportements exclus, de différences, que les auteurs puisaient le contenu social de leurs personnages de méchants, le maléfique dans la fiction de crime n’était que la figuration de ces différences. Si la différence, ce qui est socialement maléfique disparaît, comment produire un personnage de méchant ? Il ne reste que deux représentations du mal, le terroriste et le serial killer, toutes deux asociales, et True Detective ne vient pas le démentir. En parlant de Childress, Pizzolatto dit : « Même si c’est du réalisme, et que c’est un être humain, il faut qu’il soit maléfique, qu’il ait quelque chose qui ne soit pas de ce monde. Un homme avec une machette, en slip de bain, c’est quelque chose qui me ferait peur, très peur. » Un homme si peu civilisé, si étranger à notre univers symbolique est si asocial qu’il possède effectivement quelque chose qui n’est pas de notre monde. Voir : Fredric Jameson, « Realism and Utopia in The Wire », Criticism, 52, no. 3-4, Summer/Fall 2010, pp. 367-68. [en ligne] <url :https://muse.jhu.edu/article/447304> , et Pierre Serisier, « La Master Class de Nic Pizzolatto (VF) », 23/04/2014, <url :https://www.dailymotion.com/video/x1tal1z>
Ne peut-on pas prolonger cette réflexion en observant cette asocialité comme le contrepoint à l’essor de la communication comme valeur positive ? On pense alors à Philippe Breton : si toutes les valeurs deviennent discutables, et que tout relève désormais de l’argumentation, la communication devient une valeur positive, et ce d’autant plus qu’elle est pragmatique et sans contenu, non moraliste. Dans un contexte de déclin des grandes idéologies, de crise des valeurs traditionnelles et de leur contenu, et puisque nous ne pouvons pas nous passer d’un système de valeurs, elle devient même un repère. Dans ces conditions, l’asocialité peut logiquement devenir « maléfique ». Philippe Breton, L’Utopie de la communication, La Découverte, « Poches/Essais », 1997, p. 93-4
[13] Claude Lévi-Strauss, « La structure des mythes », Anthropologie structurale tome 1, Plon, 2012. Également [en ligne] <url :https://litgloss.buffalo.edu/levistrauss/text.php>
[14] Marie Maillos, « L’homme contre la nature dans True Detective », Entrelacs, Hors-série n° 4, 2016, [en ligne] <url :https://journals.openedition.org/entrelacs/2137>
[15] Siegfried Kracauer, Le roman policier, Petite Bibliothèque Payot, 2011, p. 96 (édition allemande, 1971).
[16] Dan Harmon, « Drama Master Class : Nic Pizzolatto, creator of True Detective », 11/06/2014, <url :https://www.youtube.com/watch?v=Gn9Bfl042wA&t=2508s>
GUETTACHE Youssef, « « True Detective » : variations sur la crise du mythe patriarcal – Youssef GUETTACHE», Articles [En ligne], Web-revue des industries culturelles et numériques, 2018, mis en ligne le 1er décembre 2018. URL : https://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/forme-et-ideologie-dans-true-detective-youssef-guettache/
Youssef Guettache est doctorant en information-communication à l’université de Paris Nanterre. Sa thèse, dirigée par David Buxton, porte sur les séries d’anthologie feuilletonnantes.