Surfant sur la vague des nouvelles technologies, du numérique et des nouvelles pratiques du net, animateurs de spectacles hybrides, vivants et industrialisés, les DJ sont souvent critiqués sur la dimension artistique de leurs prestations : monophonie des morceaux, prestations pseudo live truquées, plagiats déguisés. Mais ne sont-ils pas tout simplement dans la logique des industries culturelles les vecteurs d’innovation industrielle, les initiateurs de modes de consommation musicale et donc à l’origine du renouvellement de l’offre dans la production musicale populaire industrialisée ?
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Contenu
Historique du métier et du terme DJ
Le métier de DJ ne se limite pas à son activité derrière les platines et bien souvent il cumule plusieurs fonctions : auteur, compositeur, musicien, producteur, remixeur, arrangeur, chanteur ou responsable de label. Un DJ est capable de créer sa propre musique en mélangeant les sons ou musiques d’autres artistes. Il peut utiliser des logiciels de MAO [musique assistée par ordinateur]. C’est le cas de nombreux DJ comme David Guetta (producteur, fondateur du label musical Jack Back) ou Quentin Mosimann (producteur, compositeur, chanteur). Un DJ est aussi une personne qui doit savoir animer la scène ou la piste de danse, souvent sans instruments ni musiciens, et il doit attirer la clientèle et susciter l’intérêt du plus large public possible.
Mais d’où proviennent les DJ ? Dans le livre d’Ulf Poschardt[1], l’histoire du DJ commence avec celle de la radio en 1906. Reginald Fessenden réalise le 24 décembre 1906 la première émission radio de voix et musique, soit la première transmission radio publique à partir de Brant Rock près de Boston aux États-Unis. Son programme comprenait un recueil composé de lectures de l’Évangile selon Saint-Luc, de chants et de solos de violon. En diffusant Largo de Haendel[2], Ulf Poschardt considère Reginald Fessenden comme le premier DJ de l’histoire ce qui d’ailleurs correspond bien à la définition du Larousse qui explique qu’un DJ est un animateur radio chargé de programmer et de présenter des disques de variété et c’est le cas. À l’époque, l’émission radio de Fessenden est surtout entendue par des opérateurs de radio sur des navires de la côte est des États-Unis. Au-delà de la transmission du disque, Poschardt considère que Fessenden avait connaissance qu’il se servait d’un médium, la radio, comme un outil capable de conquérir un large public.
Toutefois, le berceau des deejays se situe en Jamaïque dans les années 1950 avec le reggae et le dancehall. À ce moment-là, le DJ jamaïcain est appelé « commandeur » ou « selecter », c’était celui qui parlait, qui rimait dans le micro sur le rythme (riddim) d’un instrumental. S’il chante, on peut l’appeler singjay. Il faut différencier ces deejays jamaïcains des disc-jockeys dans le hip-hop, par exemple. Bref, en Jamaïque, le DJ se définit comme un toaster (« celui qui grille le pain ») à la différence du disc-jockey (« celui qui chevauche le rythme de la voix »).
Le premier DJ jamaïcain à s’illustrer fut Count Matchuki qui faisait partie du sound system de Sir Coxsone Dodd du label Studio One. Dans les années 1950, le concept des sound systems était populaire dans les ghettos de Kingston. Les sound systems ont une fonction socioculturelle. Ils constituent une tradition authentique de consommation musicale, spécifiquement jamaïcaine. Les premiers sound systems sont nés à la fin des années 1940 et permettaient à ceux qui ne pouvaient pas s’acheter de radio ou de tourne-disques d’écouter les nouveautés musicales. Les sound systems sont donc de grands rassemblements festifs, en plein air qui attirent une large frange de la population jamaïcaine, en particulier celle des quartiers pauvres de Kingston. Les MC [maîtres de cérémonie] [3] improvisent librement sur la musique jouée par les DJ. Les DJ disposent de pressages spécifiques destinés à leurs prestations publiques et interviennent sur la musique qu’ils jouent à l’aide d’effets comme des chambres d’écho. Les sound systems ont aussi un aspect musical au sens professionnalisé et ont commencé à créer des emplois. Les mêmes acteurs du mouvement ont ensuite investi les studios. Les sound systems sont donc à l’origine de la création de l’industrie musicale jamaïcaine.
Émigré de la Jamaïque à l’adolescence, dans le Bronx de New York, Clive Campbell surnommé Kool Herc (né en 1955), eut l’idée, dans les années 70, d’importer le style caractéristique des fêtes de son pays natal, organisées autour des sound systems. Il crée alors les premières block parties dans la rue rassemblant danseurs et rappeurs. Artisan lui aussi du deejaying, il met en place une seule platine et fait l’animation au micro, puis il s’essaie avec deux platines et amorce ce que sera le mix aujourd’hui. Avec ses platines, sa collection de vinyles, ses enceintes aux basses très puissantes, il produit les breaks musicaux. Le break désigne sur un disque rock, de funk ou de rhythm & blues, une partie instrumentale et rythmique, placée entre deux couplets ou refrains. En enchaînant le même segment joué à partir de deux platines équipées du même disque, Kool Herc possède la capacité de faire durer ces moments particuliers, d’étendre la durée d’un fragment, afin d’attiser l’énergie du public et de jouer avec ses attentes, avant la reprise du prochain couplet. À partir de 1973, Grandmaster Flash et Afrika Bambaataa prennent sa relève et développent leurs propres techniques de mix.
Grandmaster Flash, de son vrai nom Joseph Saddler (né en 1958), met en place un ensemble de techniques de mix qu’il appelle « quick mix theory ». Il apporte plus de précision dans l’enchaînement des breaks et dans la synchronisation du tempo entre deux disques.
Grâce à sa rapidité d’exécution et une technique remarquable de manipulation des disques vinyles, il est capable de remixer en temps réel les disques qu’il diffuse, en sélectionnant de petites portions de ces vinyles, qu’il superpose à d’autres séquences. Grandmaster Flash est aussi considéré comme l’un des inventeurs de la technique du scratch. Le scratch (ou scratching) est un procédé consistant à modifier manuellement la vitesse de lecture d’un disque vinyle placé sous une tête de lecture, en déplaçant la main, alternativement en avant et en arrière. Ce frottement crée un effet sonore, dont le timbre varie selon sa vitesse d’exécution et la pression de la main. Cette manipulation est associée à une modification du volume permettant de conférer un rythme à cette modulation. Avec le scratching, la platine disque passe du statut d’outil de lecture, à celui d’instrument de musique.
Kevin Donovan, connu sous le pseudonyme d’Afrika Bambaataa (né en 1960), apporte une ouverture artistique et esthétique dans le deejaying. Alors que ses confrères jouent principalement du funk, de la soul ou du disco, il inclut dans ses mixes du rock, du jazz, de la new wave ou de la pop électronique européenne, composés par des artistes aussi variés que Aerosmith ou les Rolling Stones. Il enchaîne avec une grande rapidité des fragments de disques de tous horizons, dont la durée de diffusion ne dépasse jamais deux minutes.
Le rôle de la Commission générale de terminologie et de néologie a aussi pour rôle d’enrichir la langue française, de réviser des listes issues de la précédente réglementation, de féminiser les noms de métier, d’élaborer un vocabulaire français des technologies de l’information et de la communication. Cette commission a souhaité mettre fin aux anglicismes, à l’utilisation des mots ou termes empruntés aux langues étrangères, ou ceux créés à partir du français et qui ne sont pas équivalents, ceux qui sont imprécis ou mal adaptés. Les mots d’une langue vivante évoluent perpétuellement et il faut les adapter au fil du temps sur des bases officielles. Les mots choisis par la Commission sont parfois des termes superflus ou réducteurs. Le choix d’une terminologie qui se base sur des règles bien précises ne correspond pas toujours au besoin d’expression de l’usager.
Le 18 octobre 2011, les journalistes de la chaîne LCI s’en étaient amusés de cette francisation des termes du domaine musical et du deejaying. Lors de cette émission, le chroniqueur spécialiste des réseaux sociaux qualifie la Commission « d’usine à blagues » et demande au journaliste présentateur ce que signifie « platiniste ». Le journaliste lui répond avec humour « des fans de Platini[5], ça paraît évident ». Le chroniqueur souligne cette ridicule francisation des termes en relevant la traduction du mot « lipdub » en « mimoclip » ou par « interprétation mimée sur un vidéogramme d’une bande son préexistante et par extension ce vidéogramme lui-même ». Ce qui est évidemment trop long à placer dans le langage de tous les jours.
Le phénomène de starification des DJ
Martin Solveig a fait les premières parties des concerts de Madonna, Tiësto a inauguré les Jeux olympiques d’Athènes en 2004, Charles Schilling a sonorisé les défilés des couturiers Karl Lagerfeld et Louis Vuitton. L’époque des DJ anonymes qui ne faisaient qu’enchaîner les hits des artistes de l’heure est révolue.
Le phénomène des DJ démarre vers la fin des années 1980 avec l’apparition des rave parties. Une rave party est un terme constitué du verbe anglais « to rave » qui signifie en français délirer et du mot « party » qui signifie fête. Une rave party est une fête, parfois clandestine, organisée dans un lieu inhabituel (des champs, une plage, un terrain vague ou un site industriel par exemple) au son de la musique électronique. Le phénomène des raves parties se développe en Europe à partir de la fin des années 80 et connaît son apogée au milieu des années 90. Ces grandes fêtes clandestines popularisent les musiques house et techno venues des États-Unis. Le DJ, étant peu estimé malgré son rôle dans l’émergence de la disco au cours des années 70, puis du hip-hop au cours de la décennie suivante, c’est bel et bien le phénomène des rave parties, ainsi que la popularisation croissante de la musique techno, qui lui assurent un rôle majeur au sein de la culture populaire. Importés en Angleterre en 1988 après le « Summer of love » de l’été 1987 à Ibiza, les rave parties connaissent un premier succès populaire. C’est un DJ légendaire qui a inventé ce qu’on va appeler pendant des années le Balearic Sound. Dénommé DJ Alfredo, il mixe hi-NRG[6] et acid-house américaine. Fortement impressionnés, des DJ comme Danny Rampling, Nick Holloway ou Paul Oakenfold, trois des plus grands DJ anglais à la fin des années 80, rapportent ce son à Londres et cartonnent dans les clubs.
Les raisons de ce succès s’expliquent par l’attrait du public britannique pour les nouvelles tendances de la culture populaire industrialisée, le son de la musique électronique américaine et la propagation rapide et massive de l’ecstasy, une drogue chimique dont les effets empathiques et euphoriques se marient parfaitement avec l’atmosphère de ces fêtes et la puissance rythmique de la house ou de la techno.
Un club va devenir le symbole de cette période où tout semble être permis : le Ku. Depuis 1991, le Ku s’appelle désormais le Privilège. Le club, créé en 1978, réunissait régulièrement de grands artistes ou groupes tels que Freddie Mercury ou Duran Duran. Le Privilège est considéré comme le plus grand club du monde avec sa capacité de 10 000 personnes. Le Space débuta un peu plus tard que les autres en 1989 et se fit rapidement une place de premier rang au milieu des clubs plus anciens en se positionnant au départ comme clubs « after hours ». À Ibiza, on danse sur la house de Chicago ou la techno de Détroit. La house a trouvé sa terre d’accueil en Europe. Dès le début des années 90, les clubs d’Ibiza commençaient à être reconnus sur la scène internationale. Par la suite, le développement combiné du tourisme aux Baléares et de la musique électronique dans le monde entier fit d’Ibiza un lieu rêvé pour venir faire la fête tous les étés aux sons des plus grands DJ de la planète.
Le phénomène des rave parties dans la culture populaire britannique connaît son apogée entre 1988 et 1994, jusqu’à l’adoption par le gouvernement du Criminal Justice & Public Order Act, une réforme du système juridique permettant d’interdire et de réprimer plus sévèrement ce type de rassemblement public. Début des années 1990, le phénomène des raves parties s’exporte dans de nombreux pays comme la France, les Pays-Bas, l’Allemagne, les États-Unis et les pays scandinaves, dont une partie de la jeunesse apprécie, tout comme les Britanniques, cette sensation de liberté et de nouveauté offerte par ces vastes rassemblements festifs. Dans des pays comme la France ou les États-Unis, les raves parties connaissent des problèmes semblables à ceux de l’Angleterre. Elles subissent de vives réactions de la part des forces politiques, une pression policière régulière ainsi que l’adoption de législations répressives. Le phénomène des raves joue dans l’ensemble de ces pays un rôle de déclencheur. Il représente pour la jeunesse qui le découvre, l’avènement d’une nouvelle culture venant remplacer l’ordre ancien symbolisé par le rock. Il crée de nouvelles vocations chez certains jeunes artistes qui dans chacun de ces pays, débutent une carrière de musicien électronique ou de DJ. Les raves parties clandestines disparaissent vers la fin des années 90 en Europe, au fur et à mesure de la professionnalisation des acteurs de la scène électronique.
En France, Laurent Garnier, Dimitri From Paris ou DJ Deep animent les premières raves et les rares premières soirées dédiées aux genres électroniques organisées dans les discothèques. C’est l’émergence du mouvement French Touch. Laurent Garnier est l’un des premiers à mixer les classiques techno et house de Chicago et Détroit à Paris. Dès 1994, des DJ français commencent à produire et à éditer des titres qui vont grimper rapidement dans les classements des hits britanniques et ne laissent pas indifférents les critiques d’outre-Manche. En 1995, Air, Dimitri from Paris ou les Daft Punk commencent à se faire connaître du public. La même année, l’album Boulevard de St-Germain est encensé par la presse britannique. L’album Homework des Daft Punk assoit le mouvement musical en France et à l’international. Dans la foulée, Étienne de Crécy, Cassius, Alex Gopher participent au courant. Eric Morand, fondateur du label F Communications écrivait déjà en 1994 sur son blouson « We give a French Touch to House music », c’est alors que toute la presse britannique qui relaie ce mouvement et toutes les scènes internationales qui bougent au son des DJ français toujours plus nombreux tels que Vitalic, Sébastien Tellier ou Mr Oizo.
Depuis les années 2000, les DJ sont devenus des producteurs à part entière dans l’industrie musicale populaire, lancent des modes et sont aussi écoutés que n’importe quelle célébrité pop ou rock. Avant les gens ne venaient que pour danser, maintenant ils viennent aussi assister au spectacle du DJ, entendre ses tubes. Pour se démarquer et percer dans le star-system des DJ, la production est devenue un passage obligatoire.
Ce sont les tubes qui permettent aux DJ d’asseoir leur notoriété, d’attirer les foules et de faire augmenter leurs cachets. Des cachets qui peuvent atteindre 30 000 € pour une soirée. C’est le début du phénomène de starification de la profession. Des DJ comme David Guetta, Bob Sinclar ou le groupe Daft Punk ont bien compris ce concept et sont considérés comme des faiseurs de tubes. Les DJ ont connaissance des logiciels de MAO et produisent leur propre son. Sorti le 7 janvier 1997, l’album Homework des Daft Punk s’écoule en moins de deux mois à plus de 2 millions d’exemplaires dans 35 pays différents. Le titre Around the World débarque également dans les charts américains. Un exploit pour un groupe d’origine française. En 2002, le premier album de David Guetta, Just A Little More Love, s’est vendu à 300 000 exemplaires dans le monde. Le single Love Don’t Let Me Go a permis au DJ français d’exploser sur la scène internationale. La même année, le titre, qui a atteint la quatrième place du Top 50, est certifié Disque d’or par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) avec 376 000 exemplaires vendus en France.
La radio et la télévision ont beaucoup contribué à l’introduction des DJ dans le star system. Radio FG, créée en 1981, a été la première radio en France à dédier intégralement sa programmation à la musique électronique ; en ce sens, elle est une pionnière et une référence en matière de radio house/électro en France et à l’étranger. C’est en 1991 que la station se dote d’une identité musicale centrée sur la musique électronique, et devient une des radios pionnières dans le genre avec Galaxie (créée en 1981) et Contact FM (créée en 1982). De nombreux DJ se succèdent à l’antenne comme Laurent Garnier, Jeff Mills ou Carl Cox. Radio FG crée en 1995 l’évènement Global Tekno qui vise à faire accepter la musique électronique au public. Le succès de la première édition en 1995 amènera Radio FG a en produire trois autres, la dernière ayant eu lieu en 2000. Fun Radio a participé à la notoriété des DJ stars tels que David Guetta, Bob Sinclar ou Martin Solveig qui étaient des DJ résidents de la station. D’ailleurs, un DJ figurait parmi les premiers animateurs de la station, il s’agissait du DJ Didier Sinclair. Fun Radio avait permis l’éclosion de nouveaux talents en organisant le concours Fun DJ Sélection qui permet au lauréat de devenir DJ résident sur Fun Radio. Il y a eu trois éditions entre 2008 et 2010.
Les vidéoclips jouent aussi un rôle majeur dans la starification des DJ. Le clip Around the World des Daft Punk en est un exemple. Le clip a été réalisé par Michel Gondry, connu pour ses longs métrages tels que La Science des rêves (2006) ou L’Écume des jours (2013). Le clip présente des robots marchant en rond sur une plate-forme représentant un disque vinyle, des athlètes montant et descendant des escaliers, des femmes déguisées en nageuses de natation synchronisée montant et descendant un autre jeu d’escaliers, des squelettes dansant au centre de la plate-forme et des momies dansant au rythme de la ligne rythmique de la chanson. Cet ensemble chorégraphique se veut une représentation visuelle de la chanson ; les différents personnages représentent un instrument (ou une piste) spécifique.
Selon Michel Gondry, les robots correspondent à la voix chantée, le physique et la rapidité des athlètes symbolisent la ligne de basse ascendante ou descendante de la musique, la féminité des nageuses synchronisées représente le clavier, les squelettes servent pour les guitares et les momies pour la boîte à rythmes.
Pour leur deuxième album, Discovery, les clips des quatre premiers singles des Daft Punk (One More Time, Aerodynamic, Digital Love et Harder, Better, Faster, Stronger) représentent les quatre premiers chapitres du film d’animation Insterstella 5555 : The 5tory of the 5ecret 5tar 5ystem et le titre Something About Us, le neuvième chapitre. Le film d’animation est réalisé par Leiji Matsumoto, le créateur d’Albator. Le résultat final, fruit de la collaboration entre Leiji Matsumoto et Daft Punk, est un long-métrage d’une richesse fascinante à l’image de la luxuriance sonique de l’album Discovery.
David Guetta a attendu son troisième album, Pop Life, pour se mettre en scène dans ses propres vidéoclips. Les vidéoclips du DJ s’apparentent à des courts films. Dans Love Is Gone, le clip met en scène une serveuse employée d’un restaurant qui vient de se disputer avec son compagnon et qui va mettre l’ambiance à sa manière dans le restaurant. L’actrice et mannequin Kelly Thybaud joue le rôle de la serveuse. On la retrouve dans les autres clips de l’album Pop Life, dont Baby When The Light, Delirious et Tomorrow Can Wait. Par ses vidéoclips, David Guetta donne une visibilité aux DJ au contraire des Daft Punk qui préfèrent conserver le mystère concernant leur identité.
Plus audacieux, le DJ français Bob Sinclar met en scène Jean-Claude Van Damme dans le vidéoclip de son titre Kiss My Eyes, tiré de son troisième album intitulé III. Bob Sinclar voulait mettre en scène un couple connu à la fois en France et à l’international dansant le tango. Bob Sinclar a convaincu Jean-Claude Van Damme, célèbre acteur belge mondialement connu pour ses films d’art martiaux, et sa femme Gladys Portugues de participer à son clip. Dans le vidéoclip, Jean-Claude Van Damme et sa charmante compagne s’adonnent à un tango dévastateur dans un hôtel désertique.
La musique électronique populaire va acquérir ses lettres de noblesse en 1998. Lors des Victoires de la musique de 1998, la catégorie Victoire de l’album de musiques électroniques, groove, dance de l’année voit le jour. Le DJ Laurent Garnier fut le premier à être récompensé grâce à son album 30. Au moment de sa récompense, Laurent Garnier déclare : « je voudrais simplement remercier les Victoires de la musique pour la création de cette nouvelle catégorie en espérant que la qualité des nominés continuera à donner une image plus juste de la musique électronique et de ce qui est vraiment la dance music. Juste pour finir, j’espère simplement que cette Victoire permettra à la techno de s’exprimer plus librement sans subir l’incompréhension et la répression rencontrées ces dernières années ».
En 1998, Laurent Garnier devient le premier DJ à se produire sur la scène de l’Olympia à Paris. Toujours en 1998, aux États-Unis, les catégories Meilleur enregistrement dance et Meilleur remix de l’année font leur apparition aux Grammy Awards. David Guetta a remporté deux fois le prix du Meilleur remix et le groupe Daft Punk a remporté une fois le prix du Meilleur enregistrement dance.
Les DJ se produisent également en plein air. L’un des festivals de musique électronique qui va hisser les DJ au sommet est la Love Parade. Créée en 1989 par Dr Motte, Danielle de Picciotto et Westbam, la première Love Parade a été inventée après la chute du mur de Berlin et la réunification allemande. Depuis, elle se tenait tous les étés pour célébrer l’amour plutôt que la division entre les peuples.
Depuis 1989, seize Love Parade se sont déroulées en plein cœur de Berlin. L’évènement techno, assurée par des grands DJ, rassemble environ 1 million de personnes. Forte de son succès et d’une affluence record, la Love Parade était devenue le deuxième plus grand rassemblement musical du monde après le Carnaval de Rio. Lors de l’édition 2010, 511 personnes se blessent et 20 personnes trouvent la mort lors de mouvements de foules dans un tunnel menant au lieu du festival. À la suite de ce drame, les organisateurs ont annoncé que la Love Parade n’aurait plus lieu après cette édition.
En 1993, les premiers teknivals furent organisés en France. Un teknival est un festival qui réunit plusieurs dizaines, voire centaines, de sound systems pendant plusieurs jours sur un site, à l’écart des agglomérations, pour donner des concerts amplifiés de musique électronique. Il n’y a pas d’organisation centralisée ni officielle, juste quelques sound systems qui choisissent un lieu et invitent les autres à les rejoindre. Chacun s’installe sur une parcelle, y pose son système de sonorisation, délimite un dancefloor et fait jouer ses artistes. D’année en année, ces évènements se multiplient un peu partout en France. Certaines dates s’officialisent de façons récurrentes à l’encontre des pouvoirs publics. Ainsi, un teknival est organisé le premier mai aux alentours de Paris et un autre mi-août à proximité des plages du Sud. Ce mouvement prend vite de l’importance en répondant à un besoin grandissant de la population à se divertir le week-end en participant à des rassemblements festifs, gratuits et ouverts à tous.
Dans le courant des années 2000, une importante médiatisation du mouvement vient bouleverser le nombre de participants, les faisant passer de quelques milliers à plus de 40 000 (teknival de Cambrai 2013). À la fin des années 90, ces rassemblements rencontrent des problématiques sanitaires et sont réprimés par l’État. Les teknivals ont ensuite tendance à s’officialiser avec la loi sur la sécurité quotidienne votée le 29 mai 2001.
En 1998, l’association Technopol crée la Techno Parade, avec la participation de l’ancien ministre de la Culture Jack Lang, afin de revendiquer l’existence de la culture électronique. Jack Lang confie dans une interview en 2009 : « à l’époque la musique techno était diabolisée, excommuniée, les concerts ou les raves étaient souvent interdites et donc j’avais voulu créer cet évènement en m’inspirant un tout petit peu de Berlin, mais à la française ». L’évènement se déroule tous les ans à Paris, le deuxième samedi de septembre. La première édition a rassemblé 130 000 personnes. À présent, le défilé de chars rassemble environ 400 000 personnes chaque année.
De nos jours, de plus en plus de DJ se font une place dans des festivals populaires comme les Vieilles Charrues, les Francofolies ou le Printemps de Bourges. En 2011, les Vieilles Charrues accueillent David Guetta. Le DJ a transformé Carhaix en dance club géant, livrant un spectacle devant 50 000 personnes.
L’image controversée du DJ star
Avril 2012, Le Petit Journal de Canal Plus, présenté par Yann Barthès n’hésite pas à tacler David Guetta. Le présentateur demande : « David Guetta seul sur scène, c’est quoi exactement le spectacle ? » Et face aux réactions des spectateurs qui plébiscitent le lever de bras du DJ, Yann Barthès s’y met aussi en parodiant le DJ. « Dans une salle grande comme Bercy, ils ont regardé un mec les bras en l’air pendant toute une soirée ! » s’exclame-t-il. Sébastien Cauet, animateur de télévision et de radio qualifie David Guetta de « roi du hold-up à l’envers, c’est lui qui a les bras en l’air et c’est lui qui prend le pognon » dans son one-man-show. Les DJ stars sont souvent la proie des médias. Ces derniers remettent en cause la ridicule starification du métier et son exercice. Par exemple, les Guignols de l’info n’épargnent pas David Guetta qui le qualifient de DJ monophonique, c’est-à-dire, le fait de produire très peu de notes dans sa musique à l’image du sketch du piano avec une touche ou avec le jeu Simon.
Voir la vidéo des Guignols sur YouTube
David Guetta, sans conteste le DJ le plus critiqué, est le plus gros vendeur de disques français à l’étranger. Quand une polémique éclate autour de lui, les médias emploient des termes durs à l’encontre du DJ français. Septembre 2011, un DJ suisse accuse David Guetta d’avoir plagié un de ses sons. Voici.fr titre l’article de la polémique « copié, collé, mixé ». De quoi faire passer David Guetta pour un opportuniste ou un plagiaire.
Récemment, les médias se sont emparés de la polémique autour de David Guetta sur un concert qu’il doit donner à Marseille le 23 juin. Selon l’article du site de l’Express du 14 février 2013, la mairie de Marseille débloquerait une subvention de 400 000 euros pour faire venir le DJ français. Quelles sont les raisons de cette polémique ? Tout d’abord, le coût des billets pour le concert. Le moins cher coûte 44 euros. Le plus cher 59 euros. Tous les Marseillais ne pourront pas profiter de ce concert payant et certains estiment que la ville fait un cadeau à une entreprise privée en l’occurrence à la société Adam Concerts qui organise l’évènement. Plus de 25 000 personnes ont signé une pétition sur Internet pour empêcher la venue de David Guetta. Les internautes ont la possibilité de laisser un commentaire à la fin des articles.
On se rend compte que les internautes sont les premiers à donner une image négative des DJ stars. Dans l’article de l’Express, on peut lire « je n’arrive pas à comprendre ! Guetta n’est pas une star, moi aussi j’arrive à faire tourner des 45 ou 33 tours et de crier tous ensemble ! » ou « encore des brouettes d’argent public pour des spectacles de qualité et d’intérêt discutables ». Les internautes sont à l’affût de la moindre erreur du DJ, comme on peut constater sur une des vidéos YouTube qui décrypte l’incompétence de David Guetta lors de ses prestations en live, comme jouer avec des platines éteintes ou utiliser des sets pré-enregistrés. Aujourd’hui, cette vidéo a été visionnée plus de 700 000 fois.
À travers ces critiques, on y retrouve la sempiternelle question : les DJ sont-ils des musiciens ou artistes à part entière ? Certes, le DJ recycle des sons, mais il apporterait sa touche personnelle, car il manipulerait et transformerait les sons, essayant différentes combinaisons au niveau de la musique diffusée et réfléchissant à la manière de mixer les sons entre eux. Le DJ n’en demeure pas moins un salarié artiste du spectacle. À cet égard, dans un arrêt du 14 octobre 2009 n°08-42908, la Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré qu’un platiniste était un artiste du spectacle, soumis à une présomption de salariat, en vertu de l’article L.7121-3 du Code du travail.
La place stratégique des DJ entre spectacle vivant, industrie du disque et diffusion sur le net
Les DJ se sont fait une place dans l’industrie du disque et du spectacle. On voit des DJ à la télévision, à la programmation des festivals et leurs titres sont diffusés à la radio. Certains DJ se sont hissés au statut de star et collaborent avec des chanteurs internationaux tels que Madonna ou Lady Gaga. La profession est aussi devenue plus glamour. Face à cet engouement des DJ, le métier s’est professionnalisé. Les DJ réputés sont maintenant suivis par des agences de booking, des écoles proposent des formations pour devenir un DJ professionnel et obtenir un diplôme reconnu par l’État. De plus en plus de femmes s’intéressent également aux platines.
Autrefois, les DJ étaient considérés comme de vulgaires passeurs de disques. Aujourd’hui, ce sont des acteurs importants d’une industrie dans les métiers de la nuit. Non seulement ils doivent savoir ambiancer le public par leur sélection musicale, mais ils doivent aussi savoir animer derrière un micro. Il faut souligner que Les DJ ont été les premiers à sauver le disque vinyle face au succès du CD durant les années 80. Mais ils sont également les premiers à abandonner le disque vinyle au profit du MP3 au début des années 2000. Les DJ ont été des moteurs d’innovation industrielle dans la musique populaire industrialisée, car ils ont su s’adapter à l’évolution des technologies numériques et ont été parmi les premiers à s’intéresser au marché de la musique en ligne.
L’arrivée des réseaux sociaux ajoute une compétence supplémentaire au DJ : la communication. Pour n’importe quel DJ, savoir utiliser les réseaux sociaux est devenu un atout important dans sa promotion et pour conquérir plus de fans. Fini les éreintantes et intensives distributions de flyers dans la rue.
Surfant sur la vague des nouvelles technologies, du numérique et des nouvelles pratiques du Net, animateurs d’événement festifs, les DJ sont souvent critiqués sur l’éventuelle dimension artistique de leurs prestations : monophonie des morceaux, prestations pseudo-live truquées, plagiats déguisés. Mais ne sont-ils pas – ni plus ni moins – dans la logique des industries culturelles les vecteurs d’innovation industrielle, les initiateurs de modes de consommation musicale et donc à l’origine du renouvellement de l’offre dans la production musicale populaire industrialisée ?
Notes et références
[1] Ulf Poschardt est un écrivain et journaliste allemand. Il est professeur invité d’esthétique de la communication à l’université des arts de Berlin
[2] Georg Friedrich Haendel est un compositeur allemand, naturalisé britannique, né en 1685 et mort en 1759
[3] MC : au sens strict, le terme maître de cérémonie (en anglais Master of Ceremony) désigne la personne qui dirige une ou des cérémonies, une fête, une soirée ou un spectacle. Dans le milieu du rap, ce terme désigne le chanteur (ou le rappeur). Le plus souvent, seules les initiales MC sont utilisées. Le rappeur français MC Solaar est un bon exemple de cet usage.
[4] Source : JORF n° 0241 du 16 octobre 2011 page 17524 texte n°28
[5] Platini, ancien footballeur international français et actuel président de l’UEFA
[6] Hi-NRG : abréviation de High Energy. La Hi-NRG est un style de musique électronique né à San Francisco, New York et londres en 1981. C’est une musique énergique, avec des sons staccato, où la basse syncopée est très souvent appuyée par un clap sonore. Essentiellement composée de synthétiseurs et de boîtes à rythmes, elle est programmée à l’aide de séquenceurs analogiques. La Hi-NRG est très souvent associée aux clubs gay et à une image de travesti.
Bibliographie
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- BOURREAU, Marc, LABARTHE-PIOL, Benjamin, Le peer to peer et la crise de l’industrie du disque, une perspective historique, Réseaux n°125, mars 2004.
- PETIAU, Anne, L’enracinement social de la musique techno, Sociétés n°72, 2001
- POSCHARDT, Ulf, DJ culture, Edition Kargo, 1998
- RICHARD, Raphael, L’histoire des DJ, Camion blanc, 2009
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Webographie
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SOUMOUNTHONG Emmanuel, « La place stratégique des DJ dans le spectacle vivant et industrialisé – Emmanuel SOUMOUNTHONG », Articles [en ligne], Web-revue des industries culturelles et numériques, 2013, mis en ligne le 1er novembre 2013. URL : https://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/place-strategique-DJ-spectacle-vivant-industrialise/
Etudiant dans le master Communication Rédactionnelle Dédiée au Multimédia (CRDM) à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense au département des Sciences de l’Information et de la Communication.