Ci-dessus : Taureau, un mini film produit par Cristal Orange Hotel
Publicitaire à 80%, le mini film [微电影 wei (micro) -dianying (film)] est un quasi genre en Chine, bien que le format s’étende de 90 secondes à 40 minutes. Pour des raisons évidentes, on ne peut pas le traduire par « microfilm » en français, où le terme chinois couvre diversement le spot publicitaire, le clip, le film promotionnel, le (très) court métrage, le moyen métrage, le short film, le film d’entreprise, et dans certains cas la vidéo expérimentale, le sketch et la vidéo gag. D’un ton plus libre que le long métrage qui est soumis à la censure, le mini film chinois attire une nouvelle génération de réalisateurs, professionnels et amateurs, et suscite l’enthousiasme d’un jeune public, qui rappelle l’engouement pour le spot publicitaire en France dans les années 1980. Finalement, certains mini films ont démontré leur capacité à intégrer l’offre de la VOD payante, ce qui pourrait donner dans l’avenir le film publicitaire cofinancé par des annonceurs et des consommateurs.
Contenu
Le mini film chinois
En 2010, une nouvelle forme de publicité, le mini film, a émergé en Chine, qu’on peut définir comme une publicité pour des produits ou des marques, sous forme de court-métrage avec une intrigue. La durée du mini film va de 90 secondes à 40 minutes, et le tournage dure entre une et deux semaines. Le coût de production oscille entre 50 000 RMB (environ 7 000 euros) et 2 millions RMB (environ 280 000 euros), ce qui revient à beaucoup moins cher qu’un spot de 30 secondes pour la télévision.
Réalisés par des amateurs aussi bien que par des professionnels, les mini films sont financés par des agences publicitaires, des marques, des entreprises et des sites d’hébergement de vidéos. « Nous avons principalement deux types des clients », dit Jacky Wang, réalisateur de mini films publicitaires. Premièrement, les agences publicitaires. Ils ont déjà les clients qui veulent mettre leurs publicités sur l’Internet sous forme de mini film. Leurs clients demandent à ces agences de faire le plan et après ces agences nous demandent de filmer et de prendre en charge la production du mini film. Deuxièmement, les marques ou les entreprises nous contactent directement, comme China Unicom et Vtron. Ils stipulent leurs besoins et leurs demandes. Nous proposons des idées. Nous décidons comment tourner le mini film. Nous sommes chargés de chaque étape de la production. Il y a aussi le troisième type de clients qui prennent de plus en plus de pouvoir, les sites web d’hébergement de vidéos, tels que Youku, Tudou, Tencent vidéo, etc. En fait, maintenant, Youku n’est pas seulement un site d’hébergement de vidéos, mais aussi un intermédiaire publicitaire, qui ressemble à une agence publicitaire. Les clients demandent à Youku de placer les mini films et il nous demande de les filmer. Nous servons directement Youku » [1].
Une publicité réalisée par Jacky Wang
Avec des thèmes anecdotiques, des personnages quotidiens, la langue argotique, le décor naturel et la production accessible à tous, le mini film est considéré comme l’expression d’un « désenchantement du cinéma » [2]. Il conteste le professionnalisme établi, et revendique un certain amateurisme. Le mini film voit l’arrivée en masse d’une jeune génération de réalisateurs, qui sont avant tout des cinéphiles. Libéré des contraintes liées à la production de films à grand budget, leur cinéma laisse une large part à l’expérimentation et à l’émergence de nouveau talents, de jeunes acteurs et actrices inexpérimentés. « Nous qui produisons des films depuis plus de trente ans, nous sommes aujourd’hui en passe d’être supplantés par des concurrents amateurs », a dit le président du Shanghai film group [3].
Du « cyberfilm » au « PimaMovie »
Pour désigner les précurseurs du mini film en Chine, on parle de « cyberfilm » ou de « PimaMovie ». Les chercheurs chinois définissent le « cyberfilm » comme un film alternatif non professionnel en vidéo numérique, le plus souvent un court-métrage, qui dure entre 5 à 30 minutes, spécifiquement ou principalement conçu pour la distribution sur Internet[4]. Le cyberfilm se développe tout d’abord aux États-Unis en 2000. Le premier cyberfilm chinois L’Aile d’Ange, un film « interactif » dans la mesure où le réalisateur adaptait le scénario selon les avis des internautes, est sortie le 31 mai 2000 sur le site www.avnow.com.cn.
Le « PimaMovie » (Public Relations, I(nformation) T(echnology), Media, Advertising Movie) est né en 2000. Le premier PimaMovie Focus on the moment fut projeté en mai 2000 pour fêter les 100 ans du cinéma chinois. C’était un ensemble de huit courts-métrages de trois minutes filmés par huit réalisateurs connus. La grande différence entre le mini film et le PimaMovie est que le premier est toujours narratif, tandis que le dernier peut englober des genres différents. Par rapport au cyberfilm, le mini film est plus professionnel. Comme pour le cinéma commercial, chaque mini film a droit à une affiche, une bande-annonce, et même un bêtisier.
L’affiche du premier mini film Explosive
Sur le site officiel de Cadillac s’affichait un compte à rebours pour la première diffusion du mini film Explosive. La bande-annonce, le film intégral et les scènes des « coulisses » sont accessibles sur le site.
2010-2013, l’émergence du mini film
En 2010, le premier mini film Explosive recueille 100 millions de vues en un mois. Four Nights, une série de huit mini films produite par Samsung, connaît un gros succès avec 210 millions de vues en décembre 2010, deux mois après sa première diffusion le 15 octobre. De plus, ce mini film a gagné la « Golden Mouse », un prix d’e-marketing créé et doté par l’Université de Pékin. Yin Hong, directeur de l’école de cinéma et de télévision de l’université de Tsinghua, affirmait que les Four Nights devaient inaugurer une ère nouvelle du web film [5].
Selon l’étude effectuée par iResearch en 2012, le marché du mini film en Chine revenait à plus de 10 milliards de RMB ; en 2013, il s’élevait à 20 milliards RMB (2,7 milliards d’euros). L’investissement dans la production du mini film revient à plus de 3,5 milliards RMB. On estime que le marché du mini film en 2017 vaudra 70 milliards RMB. Depuis son émergence en 2009, le diffuseur principal de mini films, Sina Weibo (新浪微博, littéralement « microblog nouvelle vague », un réseau hybride entre Facebook et Twitter qui ne sont pas présents en Chine) se développe à grande vitesse. Selon L’étude sur le développement de Weibo 2012-2013 de Chinalabs.com et de l’université de Zhejiang, le nombre d’utilisateurs de Sina Weibo approche un plafond : en effet, le nombre d’internautes chinois à la fin de décembre 2012 est monté à 560 millions, tandis que le nombre d’utilisateurs de Sina Weibo a atteint 535 millions au premier trimestre 2013.
Figure 1 : Comparaison entre les abonnés de Sina Weibo, Tencent Weibo et les internautes chinois
Source : L’étude sur le développement de Weibo 2012-2013 de Chinalabs.com et l’Université des Media et de la Communication de Zhejiang. En bleu : total des internautes chinois. En vert : abonnés à Sina Weibo. En rouge : abonnés à Tencent Weibo. Chiffres en dizaines de milliers de yuans.
L’étude montre que Sina Weibo est devenu l’outil principal de marketing sur les réseaux sociaux. En 2012, 45% des entreprises y ont placé des publicités, et développé leurs activités de communication sur Sina Weibo, et 48.1% d’entre elles souhaitaient renouveler cette présence l’année suivante. Ce qui attire les annonceurs, c’est le potentiel du marketing viral sur Sina Weibo.
Selon L’étude des consommations sur les réseaux sociaux en Chine 2013 publiée par le CNNIC (China Internet Network Information Center), 70,1% des utilisateurs de Weibo partagent des messages (informations, images et films), dont 32,7% partagent des vidéos, et 53,6% regardent les vidéos partagées.
2014, un tournant dans le développement du mini film
En 2014, l’investissement dans la production du mini film a été de plus de 6 milliards RMB. Le revenu de mini film a atteint 70 milliards RMB, 13 fois plus qu’en 2010 [6]. Le mini film est véritablement entré dans une phase de croissance. Mais Sina Weibo atteint pratiquement la totalité des internautes chinois, et sa croissance est donc désormais plus lente. Pire encore, le nombre d’utilisateurs actifs a baissé sur les deux trimestres fin 2012 et début 2013.
Figure 2 : le taux de croissance de Sina Weibo 2012-2013
Source : L’Étude de développement de Weibo 2012-2013 de Chinalabs.com et l’Université de Média et Communication de Zhejiang. Chiffres en centaines de milliers.
Les thèmes du mini film
Le thème du mini film reste toujours simple et compréhensible. La primauté est donnée aux gens ordinaires et à la vie courante. L’amour (y compris l’amour des couples, l’intimité familiale et l’amitié), la poursuite d’un rêve et la nostalgie de la jeunesse sont les trois grands thèmes du mini film [7].
Les mini films affichent parfois un engagement social. Les marques qui financent ces films aiment affirmer leur conscience sociale en se mettant au service d’une cause. En l’absence de censure nationale, les mini films s’intéressent aux sujets sensibles tels que l’homosexualité, le fossé entre les générations, les « leftover women » (les vieilles filles), la vie des prostituées, les problèmes des handicapés, et les sept péchés capitaux (l’acédie, l’orgueil, la gourmandise, la luxure, l’avarice, la colère et l’envie) [8]. Par exemple, une série de 12 mini films produite par Cristal Orange Hotel (un love hotel en Chine) qui a attiré 40 millions de vues en 2011, décrit l’érotisme des douze signes astrologiques. Le mini film Bed Affair (180 millions de clics en 2012) raconte la disparition d’un condom qui provoque la séparation d’un couple.
Taureau, produit par Cristal Orange Hotel
Même si les mini films cherchent le plus souvent à fidéliser le public en traitant des sujets sensibles, ils restent attachés à certains genres tels que le burlesque, l’animation et la comédie romantique. Beaucoup de mini films sont des sketchs, comme le mini film-gag, basé sur une seule idée et une chute. « Un bon mini film doit être non seulement significatif, mais intéressant. Sinon, il n’a aucune valeur », dit Jacky Wang [9].
Les personnages dans le mini film
En raison de la brièveté du mini film, le nombre de personnages est forcément réduit. Par exemple, A Bed Affair a trois personnages (un couple et un voleur). Route 66 décrit le voyage de deux personnages, la chanteuse Karen Mok et un photographe. On n’a pas besoin de détailler les traits sociaux ou psychologiques des personnages, qui sont facilement identifiables.
Dans les mini films publicitaires, les caractéristiques des personnages doivent correspondre à l’image de la marque. Le protagoniste Yanzu (joué par Daniel Wu) du mini film Explosive représente l’image glamour de la marque Cadillac. Aussi, la position sociale et le goût des personnages doivent s’accorder aux audiences ciblées. A Bed Affair, produit par la marque de matelas De Rucci, vise les couples aisés de la classe moyenne.
Le récit dans le mini film
Le mini film ne suit pas le modèle traditionnel de scénarisation en trois actes (exposition, développement et dénouement) [10], et l’exposition et le dénouement sont souvent comprimées, voire retranchées en faveur d’une chute [11]. Le réalisateur se sert de voix off, de sous-titres, de musique et de décors pour exposer le contexte, et le dénouement est souvent laissé ouvert, afin que le spectateur puisse imaginer une fin à sa guise [12]. Ce type de scénario traduit la technique d’expression traditionnelle appelée 留白liubai (laissé blanc ou laissé vide, comme dans un tableau où certains espaces sont volontairement laissés vierges par l’artiste) [13]. Les vides font intégralement partie de l’œuvre.
Par ailleurs, la construction du scénario est moins linéaire, et on revendique l’effet de la déconstruction spatiale et temporelle. Toute l’intrigue peut se situer dans le passé ou, plus rarement, dans le futur, mais dans la plupart des cas, il s’agit d’un va-et-vient entre passé et présent. Souvent, le mini film commence dans le présent, avant de lancer un flash- back qui raconte les souvenirs du personnage. Le dénouement est souvent limité à une scène ouverte qui marque les esprits.
La mise en scène du mini film
Selon Jacky Wang, réalisateur de mini films publicitaires : « Chaque prise de vue est l’occasion d’une véritable mise en scène. La composition des plans est soigneusement étudiée, l’entrée et la sortie du champ de chaque personnage sont planifiées, chaque gestuelle est prévue. Il y a bien scénarisation et mise en place de dispositifs qui soulignent l’adéquation parfaite de la durée allouée à l’enregistrement de l’action filmée. La caméra bouge beaucoup. Les panoramiques et les travellings sont utilisés pour suivre les personnages ou pour suivre et décrire les échanges entre personnages dans un même lieu » [14].
Dans Explosive, on voit de nombreux gros plans de l’acteur Daniel Wu et de la voiture Cadillac
Les mini films évitent des plans séquences, des plans éloignés, des plongées et des contre-plongées [15]. On recourt à des plans rapprochés et des gros plans pour mettre en évidence les protagonistes et les produits. Mais même si les produits (un lit, une glace) sont présents dans le film, les logos des marques ne sont pas mis en avant. Dans A Bed Affair, qui dure 36 minutes, le lit est le décor principal, mais le logo de la marque De Rucci n’est présent que dans deux scènes de 10 secondes.
Dive In, produit par la marque de glaces Cornetto
en dessous : A Bed Affair, produit par la marque de matelas De Rucci
Le langage du mini film
Le langage du mini film est caractérisé par l’économie, la concision et la précision, de manière journalistique, voire télégraphique [16]. Il recourt à de petites phrases et évite de longues conversations. La langue parlée et l’argot nourrissent les dialogues, parasités par des bruits extérieurs et émaillés d’accents locaux ou de dictions particulières, ce qui donne une présence vivante à la voix.
Les sous-titres, les voix off et même la musique sont très importants pour faire avancer l’intrigue, et faciliter la compréhension. Le mini film Route 66, par exemple, contient un reportage de cinq secondes : « On est toujours sans nouvelles de l’actrice mondialement connue, Karen Mok », accompagné par des sous-titres « Breaking News : freewheeled (sic) Karen Mok has been seen in (sic) Cadillac SUV on Route 66 », et par une incise en arrière plan « In Search of Freedom ». Ces cinq secondes introduisent le personnage Karen Mok (qui est réellement une chanteuse connue en Chine), et la marque Cadillac, informent que l’intrigue se passe aux États-Unis (Route 66), et dévoilent le thème (la liberté).
Le marché du mini film publicitaire en Chine
Depuis 1979, date du réveil de l’industrie publicitaire en Chine, la publicité télévisée est privilégiée par rapport aux autres médias (radio, presse). La publicité télévisée représenterait presque la moitié des chiffres d’affaires publicitaires. En 2003, le total des revenus de la publicité diffusée sur les médias a atteint 55 078 milliards RMB, dont 46.31% (25 504 milliards) provenaient de la télévision (2005) [17]. Cependant, depuis 2010, avec le développement de nouvelles technologies, la publicité télévisée a perdu de son impact.
La télévision comptait pour 80% des parts du marché publicitaire en 2010. Le taux de pénétration est très élevé (96%) et fait de ce média le support de choix pour les annonceurs chinois. Cependant, son audience tend à s’éroder et il reste relativement très coûteux pour un retour sur investissement jugé assez médiocre.
Selon l’étude en 2010 de CVSC-TNS Research (CTR), le plus grand institut de marketing en Chine, le rythme de croissance de la publicité télévisée s’est beaucoup ralenti, et pour la première fois, il était plus faible que celui des autres formes de publicité (2011) [18]. Une enquête pour savoir comment les audiences perçoivent la publicité télévisée, réalisée en 2012 par Ding Hanqing, professeur à l’Institut de Presse de l’Université populaire de Chine, montre que 11,48% adorent ou aiment bien la publicité télévisée, 62,93% l’aiment moyennement, 3,37% ne l’aiment pas ou la détestent, et 20,22% sont indifférents. Par ailleurs, 53.93% déclarent ne pas avoir regardé la télévision pendant une semaine.
Le sondage de Think & Beyond Media Consultant pour la période de janvier-mars 2015 montre une érosion globale du nombre de téléspectateurs [19]. Les chaînes provinciales n’atteignent plus que 9,01% d’audience cumulée, contre 9,57% dans la dernière vague (janvier-mars 2014). La chute est encore plus sensible dans le cas des stations nationales (CCTV) qui passent de 7,08% à 6.65%. Pour la première fois depuis 2010, la diffusion des publicités télévisées connaît un taux de croissance négatif, -5.5% contre 1.79% de l’an dernier, et 17.06% à la même période de 2011. La télévision, et avec elle le traditionnel spot de 30 secondes entament leur déclin.
Le marché de la publicité en Chine
Selon l’Association de publicité en Chine, le marché publicitaire chinois est devenu, depuis mai 2014, le deuxième au monde. Le chiffre d’affaires généré par l’activité publicitaire est passé en dix ans (entre 2003 et 2013) de 107 000 à 502 000 milliards RMB (59 milliards d’euros).
Le marché publicitaire chinois présente des caractéristiques spécifiques, qui sont autant d’atouts pour les annonceurs. D’abord, la grande tolérance des consommateurs vis-à-vis de la publicité [20]. L’enquête de PwC montre que 78% des internautes chinois se disent prêts à cliquer sur une publicité en ligne, tandis que seulement 29% des Européens le sont. En plus, 58% se disent d’accord pour partager des informations personnelles en échange d’une rétribution, tels que des cadeaux, ou des applications gratuites, contre moins d’un tiers en Europe.
L’investissement publicitaire est en augmentation dans tous les médias, mais cette croissance est principalement soutenue par la publicité sur Internet. Selon le Rapport statistique no. 37 sur le développement d’Internet en Chine publié en 2016 par le CNNIC (China Internet Network Information Center), la Chine compte 688 millions d’internautes, très bien connectés et prêts à consommer.
L’environnement numérique est encombré, segmenté et évolue rapidement. L’intérêt des entreprises pour ce média est grandissant. Cette forte hausse est corrélée au développement d’Internet sur les mobiles, et à la hausse du taux d’équipement. Avec 24 millions de smartphones vendus durant le 3e trimestre 2011, et une courbe de croissance encore à ses débuts, la Chine s’installe comme le premier marché mondial de mobinautes, assurant un avenir prometteur pour la publicité mobile [21].
La Chine, numéro 2 mondial de la publicité mobile
Selon eMarketer, en 2015, la Chine, qui comptabilise 20% du total des dépenses mondiales en publicité mobile, a dépassé la Grande-Bretagne et est devenue le deuxième marché du monde derrière les États-Unis. En 2014, la Chine a franchi déjà une évolution historique lorsque son marché de la publicité mobile a dépassé celui de la publicité télévisée. À la fin du mois de décembre 2015, le nombre d’utilisateurs d’Internet mobile en Chine a atteint 620 millions, et le taux de pénétration d’Internet mobile 90.1%. En 2016, le marché chinois devrait encore croître au moment où les dépenses en publicités télévisées seront dépassées par celles en publicités numériques.
Pourquoi le marché de la publicité mobile s’est-il développé si rapidement en Chine ? « Par rapport aux marchés développés comme ceux des États-Unis et d’Europe, la consommation des médias traditionnels en Chine est relativement récente. Alors migrer vers le numérique et le mobile demande moins de changements dans les habitudes, et se produit beaucoup plus rapidement. Les marketeurs ne font que suivre les pratiques des consommateurs », explique Haixia Wang, vice-président des études chez eMarketer [22].
Selon le N° 35 Rapport statistique sur le développement d’Internet en Chine du CNNIC (2015), à la fin du mois de décembre 2014, le téléphone mobile a dépassé l’ordinateur pour la première fois, et est devenu le premier écran pour regarder les vidéos en ligne. 71.9% des internautes regardent les vidéos sur le mobile, tandis que 71.2% les regardent sur l’ordinateur. Le taux d’utilisation de l’ordinateur continue à baisser depuis 2012. Parallèlement, celui du téléphone mobile monte progressivement. Les applications sur mobile dépassent les web sites d’Internet, et deviennent le canal de diffusion le plus important du mini film depuis 2014.
Figure 3 : taux de l’utilisation des terminaux mobiles 2014
Source : CNNIC. À gauche, de haut en bois : ordinateur, téléphone mobile, tablette, TV, autres.
Figure 4 : taux de l’utilisation des terminaux mobiles 2012-2014
Source : CNNIC. À gauche : ordinateur. À droite : téléphone mobile.
Le rapport monte également que 32.4% des internautes passent plus de deux heures à regarder les vidéos sur l’ordinateur, contre 20.9% sur tablette et 16.8% sur téléphone mobile. À noter cependant que 18.4% des internautes préfèrent regarder les vidéos durant moins de 10 minutes tandis que, sur téléphone mobile, 25.6% préfèrent les vidéos de moins de 30 minutes. Pour un mini film qui dure moins de 20 minutes, le téléphone mobile est donc un premier choix.
Selon le SMART rapport annuel sur les Millennial Media, 2014, les publicités vidéo sont cinq fois plus efficaces que les bannières traditionnelles. 22% des publicités mobiles en 2014 sont des vidéos, contre 18% en 2013. En tête des contenus les plus efficaces, on trouve les publicités vidéo portant sur les services technologiques et commerciaux, qui ont un taux d’engagement de 822% par rapport aux bannières traditionnelles. La vente au détail affiche un taux de 628% et le secteur des télécommunications de 617%.
Selon le 2014-2015 China Mobile Advertising Industry Research Report d’iiMedia Research Group sur le marché de la publicité numérique, 94,04% des publicités sont diffusées par des applications mobiles, 2.92% par SMS et MMS, 2,61% par App Store et 0,43% par site web pour mobiles. Ce rapport montre aussi que les publicités en application mobile ont recueilli le plus fort taux de clics.
La stratégie de développement du mini film sur smartphone
La stratégie de développement du mini film sur smartphone concerne l’application vidéo (Youku) et l’application de messagerie instantanée (WeChat). Ces deux applications fonctionnent aussi comme une plateforme entre annonceurs et consommateurs.
Youku entretient des relations avec des fournisseurs de biens et de services variés, situés tant en amont qu’en aval, ou à la périphérie de son activité propre qui est de concevoir, de produire et de diffuser des mini films. Cette dépendance à la fois technologique, culturelle et économique explique la politique de concentration chez Youku, qui a racheté Tudou en 2014. Il s’agit d’une concentration verticale afin de contrôler les diverses étapes d’une filière de production-distribution. Dans le circuit du développement d’un mini film, Youku est responsable de la production, de la distribution et de la diffusion. Aussi, il s’agit d’une concentration diagonale si l’on additionne des activités diverses depuis 2013, quand Youku a créé une structure qui fonctionne comme une agence de communication.
Grâce au code QR (créé par l’entreprise japonaise Denzo-Wave en 1994, et en licence libre depuis 1999), qui permet le transfert des vidéos entre terminaux, l’accès au mini film se généralise. Depuis 2014, le code QR permet le log in sur plusieurs écrans ; en scannant son code personnel avec la webcam, on peut se connecter sur smartphone ou sur tablette. WeChat (ou weixin (微信) en chinois) profite de cette possibilité accrue de partager des mini films, et dépasse son concurrent Youku. Il possède trois avantages principaux. Premièrement, le grand nombre d’utilisateurs de l’application WeChat constitue le public potentiel du mini film. Deuxièmement, les utilisateurs actifs de WeChat (Tencent Holdings) correspondent à la cible du mini film. Troisièmement, les fonctions « moments » (service similaire au fil d’information de Facebook) et « abonnement » (communication privée entre marques, médias, institutions, personnalités d’un côté et followers de l’autre) de WeChat renforcent l’interactivité entre marques et consommateurs. Selon le Rapport sur le comportement des utilisateurs quant aux applications sur les réseaux sociaux en Chine 2014 (CNNIC), 77% utilisent la fonction « moments » tous les jours, et le volume de contenus partagés (photos, vidéos, articles), trois milliards par jour, est bien élevé.
Ces deux plateformes sont les intermédiaires qui facilitent les interactions entre annonceurs et clients. Ainsi, les bénéfices d’un agent appartenant à un groupe dépendent du nombre d’agents de l’autre groupe. Ce phénomène correspond à un « effet de réseau ». En accueillant des mini films de qualité, Youku fait augmenter le nombre d’utilisateurs de l’application, alors que le grand nombre des utilisateurs de l’application attire à la fois de nouveaux usagers et des annonceurs.
Sur les réseaux sociaux tels que WeChat et Youku, on retrouve l’effet de club, où il s’agit d’influencer le comportement des utilisateurs par leurs pairs [23]. Le grand nombre d’utilisateurs actifs donne de la valeur à WeChat, et fait augmenter les abonnements des marques.
Youku a fait des bénéfices pour la première fois à la fin de 2013, sept ans après son émergence. Évidemment, la gratuité des plateformes fait que celles-ci ne consacrent pas assez au développement du mini film. Même si la chaîne de diffusion du mini film se transforme, le modèle tarifaire unidirectionnelle n’a pas changé.
Exemples de mini films en VOD payante sur le Web
L’incertitude quant au modèle d’affaires du mini film freine toujours son développement. Xia Rui, président d’UMG Média, affirme que 80% des revenus de mini film proviennent des annonceurs [24].
En décembre 2013, Youku a lancé, pour la première fois, une offre de VOD payante du mini film Hip Hop Trilogy pendant deux semaines. Pour les abonnés à Youku, qui paient chaque mois 20 RMB (2,70€), l’accès au mini film était gratuit. Pour les non-abonnés, il fallait payer 10 RMB (1,35€). En douze jours, ce mini film a accueilli 3,6 millions de vues. Le nombre de membres abonnés a augmenté de 20% par jour. Plus que 80% des utilisateurs payants disent que ce mini film méritait de l’être.
En 2014, De Rucci, une marque de literie connue en Chine, a lancé le mini film payant de 27 minutes A Bed Affair sur les sites Youku, LeTV, Ku6, Sohu Vidéo et 56. Quatre jours seulement après sa sortie, le nombre de clics a dépassé 10 millions, et en une semaine, 20 millions. Les revenus en ligne ont atteint plus de 10 millions RMB (1,35 millions d’euros).
Le succès commercial de ces deux mini films démontre qu’un marché payant pour le genre dans l’avenir n’est pas irréaliste. Du fait que l’application et le box de Youku fonctionnent exactement comme le site web Youku, il est envisageable d’intégrer la télévision connectée. Le taux de pénétration de la télévision connectée a atteint 75% au premier trimestre 2015. Selon le 35e Rapport du CNNIC (2014), 58,5% des téléspectateurs (principalement des jeunes) consomment des vidéos en ligne sur la télévision connectée. Mais seulement 11,7% des internautes ont recouru à la VOD payante, et ce, très peu ; le piratage constitue un frein important pour le développement de la VOD en Chine.
Conclusion
La production du mini film est soumise en premier lieu aux critères de rentabilité, à savoir sa valeur sur le marché publicitaire chinois. Mais le noyau de sa stratégie de marketing est le développement de l’identité de la marque. Sur les smartphones, l’application mobile des vidéos de Youku facilite la diffusion du mini film, et l’application de messagerie instantanée WeChat renforce l’interactivité entre la marque et les audiences. Le modèle tarifaire reste encore unidirectionnel. Mais sur la télévision connectée, avec les services VOD payants, le modèle tarifaire du mini film pourrait devenir bidirectionnel, financé à la fois par les annonceurs et les consommateurs.
Extraits d’un mémoire de recherche présenté à l’université de Paris-Nanterre en juin 2016 par Li Huisi (李慧思), étudiante en M2 ICEN, sous la direction de David Buxton. Originaire de Guangzhou (Canton), elle a étudié à Guangzhou Huamei International School, avant de venir en France en 2010, où elle a fait des études en linguistique (Paris 5) et en journalisme (Paris 2). Elle est actuellement assistante de communication dans une agence de voyages.
Références
[1] Entretiens personnels avec Jacky WANG, 25 nov. 2014 et 20 fév. 2016.
[2] YANG Xiaolin, 微电影艺术导论 (Introduction to Art of mini film), China Film Press, Beijing, 2015, p. 3
[3] FRAISSE Manon, Chinawood : futur Hollywood chinois ? https://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/chinawood-futur-hollywood-chinois-manon-fraisse/, dernière consultation: 08/04/2016.
[4] YANG Xiaolin, 微电影艺术导论 (Introduction to Art of Mini Film), China Film Press, Beijing, 2015, p. 26.
[5] Sina Ent., 《4夜奇谭》点击破2.1亿 开创网络电影元年 (Avec 210 millions vues, Four Nights inaugure une ère nouvelle de cyberfilm), http://ent.Sina.com.cn/m/c/2010-12-10/20443174108.shtml, (10/12/2010, dernière consultation : 01/04/2016).
[6] Information Communication Press, « Le marché du mini film va atteindre 100 milliards dans trois ans », (http://www.chinanews.com/it/2014/09-25/6629204.shtml, 25/09/2014, dernière consultation: 01/05/2015).
[7] ZHENG Youqi, « 微电影的叙事艺术特征略论 (Narrative Art Features of mini-film) » dans Hundred Schools in Arts, no.2012(6), 2012.
[8] YANG Xiaolin, 微电影艺术导论 (Introduction to Art of mini-film), China Film Press, Beijing, 2015
[9] Entretiens personnels avec Jacky WANG.
[10] SUN Chang, 微电影剧本创作研究 (The Research of Mini-film script writing, 2012, Northeast Normal University, Changchun
[11] ZHENG Youqi, « 微电影的叙事艺术特征略论 (Narrative Art Features of Mini-Film) » dans : Hundred schools in Arts, no.2012(6), 2012
[12] LI Cun, « 见微知著:微电影文学意象的深表达 (Deep expression in literature image of Mini-film)» dans WENYIPINGLUN, no.2013 (1), 2013.
[13] YANG Xiaolin, 微电影艺术导论 (Introduction to Art of Mini-film), China Film Press, Beijing, 2015, p.66.
[14] Entretiens personnels avec Jacky WANG.
[15] ZHANG Gaowei, « 论微电影的叙事艺术 (Narrative Art of Mini-film) » dans Beauty, no. 2011(7), 2011.
[16] SONG Lili, « 艺术终结之后:对微电影美学特征的再思考(After the End of Art : Rethinking of aesthetics of mini- film) » dans XINWENJIE, no. 2013(4), 2013.
[17] LUO Ziming, GAO Lihua et CONG Yan, Modern Advertising, Tsinghua University Press, Pékin, 2005.
[18] WU Dong, « Le lancement et la concurrence de publicité télévisée en 2010 » (10/07/2011, dernière consultation : 01/04/2016, http://www.emarketing.net.cn/magazine/article.jsp?aid=1861).
[19] Think & Beyond Media Consutant, « Face au dur défi, quel est le futur de publicité télévisée traditionnelle ? » (30/04/2015, dernière consultation : 01/05/2016, http://www.a.com.cn/info/domestic/2015/0430/282110.html).
[20] GRESILLON Gabriel, « Publicité : la Chine devient le deuxième marché mondial », (http://www.lesechos.fr/14/07/2014/lesechos.fr/0203640817923_publicite—la-chine-devient-le-deuxieme-marche-mondial.htm, 14/07/2014, dernière consultation : 15/04/2016).
[21]CASAUCAU Morgane, HAMONIC Marie, JESTIN Claire et TROCHU Manon, Publicité chinoise, http://manon-trochu.fr/IMG/portfolio/EDITION/La%20Chine%20et%20la%20publicit%C3%A9.pdf, dernière consultation : 15/04/2016).
[22] Media Buying, « Mobile Internet Ad Spend in China to Almost Double This Year » (http://www.emarketer.com/Article/Mobile-Internet-Ad-Spend-China-Almost-Double-This-Year/1012296, 01/04/2015, dernière consultation: 16/04/2016).
[23] PARENT Romain et CHANAL Valérie, Quels business models pour les plateformes Web 2.0 ? Les apports de la théorie des marchés bi-faces, 2009, Grenoble : Laboratoire Umanlab, p. 8.
[24] Cultural Fortune, « Can SVOD of mini film keep the audience ? » (http://www.whcf.com.cn/Item/Show.asp?m=1&d=3103, 06/11/2014, dernière consultation : 08/04/2016).
LI, Huisi « Le mini film publicitaire en Chine», Articles [En ligne], Web-revue des industries culturelles et numériques, 2016, mis en ligne le 1er septembre 2016. URL : https://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/mini-film-publicitaire-chine-li-huisi/
Etudiante en master 2 recherche infocom (ICEN) Université Paris Nanterre