Pour lire l’histoire du Père Noël selon Coca-Cola (archives Coca-Cola)
Qui a vraiment inventé le Père Noël ?
Héliotrope. — Lorsque les parents reçoivent des amis qu’ils vont loger chez eux, l’enfant sent son cœur battre d’espoir plus fort qu’au soir de Noël. Ce n’est pas à cause des cadeaux qu’il attendrait, mais parce que la vie est transformée. Le parfum que la dame invitée pose sur la commode pendant qu’il la regarde ouvrir ses valises a déjà un parfum de souvenir, même s’il le respire pour la première fois. Les valises portant les étiquettes de l’hôtel Suvretta et de Madonna di Campiglio sont des coffres où les joyaux d’Aladin et d’Ali Baba, enveloppés dans des tissus précieux — les kimonos des invités —, semblent amenés des caravansérails de Suisse et du Tyrol du Sud dans de douillets Sleeping-cars pour qu’on les contemple béatement. Et, semblable aux fées des contes qui parlent aux enfants, la dame s’adresse à lui avec sérieux, sans condescendance. […]
Adorno T.W., Minima Moralia Réflexions sur la vie mutilée, troisième partie 1946-1947, Paris, Éditions Payot & Rivages, collection « Critique de la politique Payot» (traduit de l’allemand par Éliane Kaufholz et Jean-René Ladmiral), 2001, p. 190.
Noël, c’est graphiquement une charte de couleurs : rouge, vert, blanc. Mais comme toute fête, c’est un phénomène de société avec ses rituels religieux, familiaux et économiques. En 2013, les Français dépenseront en moyenne 531 euros : 302 euros de ces dépenses seront alloués aux cadeaux et 175 euros à la nourriture (lemonde.fr). Face aux débordements d’avant la crise, prenant en compte les remontrances écologiques sur le gaspillage d’énergie, nombre de communes rognent sur un budget Noël lié au coût prohibitif des devis avancés par les sociétés qui installaient les illuminations pour respecter les normes draconiennes de sécurité. Le webmaster, dans un billet de bonne humeur critique, vous propose de voir ou revoir quelques films qui ont marqué à Hollywood la prégnance de cette fête dans sa mythologie en direction des enfants et des grands enfants que nous serions (ainsi que quelques séries ou sitcoms TV), nous plongeant finalement au cœur d’une autre facette des industries culturelles.
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Contenu
La place de Noël dans la mythologie hollywoodienne
Et s’il n’y avait pas de neige à Noël dans White Christmas (1954) ?
Noël blanc (White Christmas) est un film musical comprenant la chanson d’Irving Berlin au titre éponyme, un des standards de la chanson de Noël américaine pour ses crooners. Film sorti le 14 octobre 1954 réalisé par Michael Curtiz avec Bing Crosby et Danny Kaye.
Deux meneurs de revue célèbres, chanteurs, danseurs et amis, montent un spectacle dans un hôtel tenu — comme de bien entendu — par leur ex-général d’armée durant la Deuxième Guerre mondiale pour l’aider à se renflouer. Avec la complicité de deux sœurs, chanteuses elles aussi, ils comptent célébrer un « Noël blanc » dans le Vermont. Mais l’hôtel est menacé de faillite faute de neige… Heureusement, la neige tombera à l’issue du spectacle.
Un film hollywoodien vétéran, qui a fait date, un peu rétro aujourd’hui entre ringardise et glamour, mais dont le fil conducteur flirte avec le contre-exemple en jouant astucieusement sur le cliché et le faux suspense de la neige à Noël.
Entre valeurs traditionnelles religieuses et/ou burlesque et/ou fantastique
Et si la fête de Noël était anéantie par Le Grinch (2000) ?
Qui ne connait pas le Grinch, à part certains abonnés de la Web-revue ? Réalisé par Ron Howard avec le grimacier (c’est un compliment) Jim Carrey, Le Grinch nous conte l’histoire d’un vilain bonhomme tout vert qui, après une histoire sentimentale où il en a pris plein la touffe, devint aigri au possible et se cacha en haut d’une montagne… Ce nouveau soir de Noël qui se prépare à Whoville (Chouville en français) est une nouvelle fois de trop !
Revêtu du costume du Père Noël, déguisant son chien en renne pour le traîneau qu’il s’est construit, le Grinch se promet de détruire Noël et de gâcher la nuit du réveillon en volant tous les cadeaux… Mais le cœur pur d’une petite fille qui sait que l’esprit de Noël ne se réduit pas aux jouets, chants, parades et autres présents, pourra-t-il faire changer les choses ? Le film balance entre retour aux valeurs traditionnelles et religieuses de Noël et le burlesque délirant — très américain aussi — de son personnage principal.
Peut-on s’emparer de Noël avec L’étrange Noël de M. Jack (1993) ?
L’étrange Noël de M. Jack reprend la même problématique traditionnelle sur les « vraies » valeurs de Noël, mais sur un mode fantastique à la sauce Tim Burton et Disney truffée de chansons.
Jack Skellington, roi des citrouilles et guide d’Halloween-ville, s’ennuie : depuis des siècles, il en a assez de préparer la même fête d’Halloween qui revient chaque année, et il rêve de changement. C’est alors qu’il a l’idée de s’emparer de la fête de Noël… tout en découvrant lui aussi l’esprit de cette fête.
Et toujours la dialectique du bien et du mal avec Les Gremlins (1984)
Les Gremlins, film de Joe Dante, raconte l’histoire d’un homme qui pour Noël offre comme animal de compagnie à son fils un Mogwaï, bestiole toute mignonne et toute gentille qui se multiplie au contact de l’eau et qui, s’il mange après minuit, se transforme en gremlin. Le film se déroulant donc durant les fêtes de Noël, on se souviendra de la scène où les gremlins vont regarder Blanche Neige au cinéma, ou encore la scène de la cuisine qui éloigne le film de son image de film familial vers le gore où la mère tue ces sales gosses de gremlins, notamment dans un hachoir…
Les comédies romantiques et dramatiques
Un classique de la comédie américaine : The Shop around the Corner (1939)
Ernst Lubitsch a été vénéré par la nouvelle Vague, notamment François Truffaut qui démarque dans « Jules et Jim » la « Lubitsch touch » de « Sérénade à trois ». Même s’il est vrai que la « Lubitsch touch » a été inventée comme slogan par l’instance marketing d’un studio hollywoodien pour vendre un de ses réalisateurs attitrés comme le soulignait T. W. Adorno et Hanns Eisler dans « Musique de cinéma », « The Shop around the Corner » (« Rendez-vous »), peut se déguster pendant les fêtes de Noël comme un des classiques de la comédie romantique de l’âge d’or hollywoodien… dont la fin se déroule comme de juste le soir du réveillon.
On connaît l’argument : avant la Seconde Guerre mondiale, en Hongrie, dans une boutique de cadeaux au coin de la rue, le chef des ventes Kralik (James Stewart), homme tranquille et discret, profite de ses heures de loisir pour correspondre avec une « chère inconnue », dont il est tombé amoureux sans jamais l’avoir rencontrée. Bientôt arrive une nouvelle vendeuse, Klara (Margaret Sullavan). Les deux jeunes gens se détestent immédiatement. Pourtant, ils découvriront qu’ils s’écrivent sans le savoir…
Ce film fera l’objet d’un remake en 1998 avec Tom Hanks et Meg Ryan : Vous avez un mess@ge qui transposera l’échange épistolaire en échange de mails.
Voici un extrait de la fin du film de Lubitsch où le patron de la boutique, après ses déboires conjugaux, se retrouve seul à la fermeture le soir de Noël avec le dernier employé engagé en tant que coursier, un tout jeune homme de 17 ans, seul lui aussi, car loin de sa famille. Ils vont finalement passer le réveillon ensemble dans une de ces réconciliations de classes — à Noël qui plus est — comme savait les mijoter le Hollywood des grands studios !
Une comédie dramatique : la Vie est belle (1946) de Frank Capra
Le jeune Georges Bailey (James Stewart) a des rêves d’aventure. Mais le décès de son père l’oblige à rester dans sa petite ville natale pour reprendre l’entreprise familiale de prêts à la construction. George doit lutter contre le banquier Potter (Lionel Barrymore) afin de venir en aide aux déshérités. Après une nouvelle bataille qui le mène à la faillite, il songe à se suicider le soir de Noël abandonnant sa femme (Donna Reed) et ses enfants. Mais la vie de George va connaître une révélation quand Dieu lui envoie un ange gardien.
Une fois de plus un scénario diabolique où ce conte de Noël — que bien des américains continuent de regarder durant les fêtes — a recours à une sorte de raisonnement par l’absurde. L’optimisme de la conclusion — comédie dramatique oblige — ne fait pas oublier la brutalité de certaines séquences qui ont précédé, car la dimension politique n’est pas absente de ce film, même si on a pu parler de cinéma populiste (Jean-Loup Bourget) à propos de Capra.
Et dans les séries TV ?
La Famille Addams (1964-1966)
La Famille Addams (The Addams Family) est une sitcom américaine en 64 épisodes de 26 minutes, créée par David Levy d’après les personnages imaginés par Charles Addams, diffusée du 18 septembre 1964 au 8 avril 1966 sur le réseau ABC.
Cette série TV, ne nous renvoie-t-elle pas, elle aussi, derrière la façade burlesque et fantastique, aux vraies valeurs de la famille américaine qui culminent à Noël ? Voici un épisode intitulé Noël chez les Addams
Extrait de l’épisode n°11 de la série NCIS, « Le fantôme de Noël/Silent Night », saison 6, 2008
Traditionnellement aux États-Unis, l’épisode d’une série diffusé dans la semaine avant Noël (qui clôt la première partie de la série avant la reprise au printemps) est un prétexte pour une intrigue atypique intégrant une thématique rattachée à la saison des fêtes. Dans cet épisode de « NCIS », l’ambiance au siège est glauque. Pas de trêve pour les membres de l’équipe de policiers de la marine.
Ils enquêtent sur le meurtre atroce d’un couple la veille de Noêl : « pas de joyeux matin de Noël pour les Taylor ». Pas de trêve non plus dans la guerre larvée entre Tony (Italo-Américain) et Ziva (Israëlienne). Seule Abby, la laborantine fantasque, fait la fête dans un bon esprit, comme une enfant. Elle est ravie de tomber sur un « Santa Claus », plus vrai que nature, en réalité le psychiatre Dr. Prior, sur le point de partir à l’hôpital pour enfants en service commandé, et nettement moins ravi. « Vous avez des joues roses », dit-elle. « Ho ho ho, joyeux Noël », répond-t-il, sans enthousiasme.
Extrait de l’épisode n°10 de la sitcom Community, « Chansons de Noël régionales », saison 3 (2011-2012)
Jeff est avocat. Mais il doit retourner à l’université car son certificat a été invalidé. Entre les femmes au foyer fraîchement divorcées et ceux qui reprennent les études pour garder leur esprit actif, Jeff intègre une bande de joyeux drilles qui découvre les joies de la vie sur le campus. Ils en apprennent plus sur eux-mêmes que sur les cours qu’ils suivent… Last but not least, un rap à Noël. Donald McKinley Glover tient le rôle de Troy Barnes. Il est également rappeur, plutôt connu sous le nom de Childish Gambino.
Abed Nadir (Danny Pudi), lui, est officiellement à Greendale pour suivre des cours de management dans le but de diriger le stand de falafels de son père, un immigré palestinien, mais il profite des aventures du groupe pour assouvir sa passion pour le cinéma, les séries télés et la culture populaire en général.
« Troy & Abed’s Jehovah Witness » Témoin de Jéhovah, Troy ne fête pas Noël. Abed lui suggère d’entrer dans l’esprit de la fête en « espion », afin de la subvertir de l’intérieur. C’est le prétexte d’un rap… de Noël !
Bonus/archive
The Night Before Christmas, Edison (1908)
Produit par Thomas Edison en 1908, ce film fait partie de la collection Silent Films.
Un des premiers films de l’histoire du cinéma qui décline en 9 mn les codes de la nuit de Noël autour du personnage du Père Noël
Monogrammes. — Dans ma petite enfance je vis les premiers préposés au balayage de la neige vêtus d’habits élimés. Comme je posais des questions, on me répondit que c’étaient des hommes sans travail auxquels on donnait cette occupation pour qu’ils gagnent leur pain. Il est donc juste qu’ils doivent balayer la neige, m’écriai-je furieux et, sans rien y comprendre, je me mis à pleurer. Adorno T.W., Minima Moralia Réflexions sur la vie mutilée, troisième partie 1946-1947, Paris, Éditions Payot & Rivages, collection « Critique de la politique Payot» (traduit de l’allemand par Éliane Kaufholz et Jean-René Ladmiral), 2001, p. 204.
Lire d’autres articles de Marc Hiver (le webmaster)
LE WEBMASTER, « Noël – de la neige à Hollywood – billet du webmaster », Articles [en ligne], Web-revue des industries culturelles et numériques, 2013, mis en ligne le 1er décembre 2013. URL : « https://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/https://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/noel-neige-hollywood-marc-hiver/ »
Philosophe, spécialiste des sciences de l’information et de la communication, d’Adorno et des industries culturelles
Dernier livre : « Adorno et les industries culturelles – communication, musique et cinéma »,
L’Harmattan, collection « communication et civilisation »