Le rock, star-system et société de consommation, livre de David Buxton adapté d’une thèse de doctorat soutenue en 1983, fut publié par La Pensée sauvage, petit éditeur grenoblois, en 1985 ; il est devenu introuvable, sauf dans quelques bibliothèques universitaires et encore. À l’initiative du webmaster, la Web-revue a décidé d’en assurer une nouvelle édition numérique au rythme d’un chapitre par mois. Ce livre se voulait une approche conceptuelle et critique de l’impact idéologique du rock. Des débuts de l’industrie du disque microsillon aux punks et aux vidéo-clips, en passant par l’invention du teenager et l’impact capital de la contre-culture et des nouveaux médias de l’époque, le rock sert de point d’entrée dans la société afin de mieux comprendre d’autres phénomènes sociaux comme la consommation de biens culturels et la technologie. Après les sept premiers chapitres publiés depuis janvier 2014, voici le huitième et dernier chapitre en juillet-août 2014.
Interdit à la reproduction payante.
Note : une partie du chapitre, influencée par les débats autour de la politique culturelle du gouvernement socialiste en France entre 1981 et 1983, a été supprimée, car elle n’est ni pertinente, ni audible de nos jours, qui voient l’effondrement du marché des supports physiques de la musique, et l’accession du rock (comme le jazz avant lui) au statut de « musique du patrimoine ». La figure du chanteur engagé s’est banalisée, « l’engagement » tendant vers l’humanitaire, le civique et le convenu, et parfois même la droite de l’échiquier politique. Plus généralement, la question des rapports entre musique et politique ne se pose plus guère ; après trente ans d’offensive néolibérale, la possibilité d’une « politique culturelle » incluant les formes non savantes est plus éloignée que jamais.
Contenu
Le dilemme de la musique folk
Le marxisme a d’abord eu tendance à s’attaquer au rock (et avant lui, au swing) à cause de ses attaches avec le monde du commerce et à soutenir la musique « folk », considérée comme l’expression d’une perspective idéologique juste. L’idéalisation politique de la musique folk était d’origine bolchevique ; Staline avait la réputation d’aimer la musique folk. Pendant la révolution russe, on utilisait les chants folk et les contes de fées pour gagner à la cause une paysannerie illettrée et pendant les années 1920, la culture rurale était qualifiée de « prolétaire » afin de la faire coïncider avec la théorie marxiste, étant donné que la paysannerie était de loin la classe la plus nombreuse. En 1929, l’Association des Musiciens Prolétaires de Moscou qualifiait la musique folk de « véritable expression de la classe ouvrière ».
La dominance croissante de l’Union soviétique dans la Troisième Internationale a eu pour résultat l’imposition de cette préférence parmi les forces de gauche. La musique était une arme dans les luttes de classe et toute forme de musique avait un engagement de classe. Comme le disait Lénine :
L’art appartient au peuple. Il doit pénétrer avec ses racines les plus profondes au cœur des masses travailleuses. Il doit être intelligible à ces masses et être aimé par elles. Il doit unifier les sentiments, les pensées et la volonté de ces masses ; il doit les élever. [1]
L’orthodoxie marxiste déclarait que la musique populaire commerciale et la musique classique étaient « des outils de la classe dominante » ; la musique folk, d’après Staline, ne se séparait pas du peuple. Le Parti communiste des États-Unis (CPUSA) par exemple a délibérément utilisé la musique folk pendant les années 1930 et 1940 dans sa propagande politique, se conformant ainsi à la stratégie adoptée à cet égard par l’URSS. Les airs populaires (orchestre de danse, swing, jazz, etc.) accueillis avec faveur par les populations urbaines, furent taxés de « mercantilisme capitaliste ». Les diktats du réalisme socialiste, « national dans sa forme, révolutionnaire dans son fondement » poussaient le CPUSA à rechercher une musique folk nationale. Les chansons des hameaux du Sud rural furent choisies, leurs paroles souvent conservatrices transformées en exhortations politiques. Cette forme restait, bien entendu, étrangère et ésotérique pour les habitants des villes qui formaient une part toujours croissante de la population américaine après 1920.
Cette attitude puriste des chanteurs folk a refait surface à la fin des années 1950 et au début des années 1960, associée cette fois à une gauche non communiste plus large, et elle a rencontré cette fois un succès commercial considérable auprès des étudiants. Tandis que le CPUSA était au moins suffisamment consistant pour travailler hors des circuits commerciaux, les chanteurs participant directement à des grèves, et à des réunions politiques (quoiqu’à un moment où les disques et la radio n’avaient pas encore établi leur domination, surtout dans les zones rurales pauvres où le CPUSA militait), les nouveaux artistes folk enregistraient des disques qui avaient du succès. Alors que les anciens chanteurs révolutionnaires des années 1930 gardaient par souci moral un strict anonymat, ceux des années 1960 furent marqués par la personnalisation du chanteur et le star-system.
« Tout artiste est d’abord responsable envers lui-même », déclarait Tom Paxton lors d’une interview, sentiment que partageaient Bob Dylan et Phil Ochs parmi d’autres. [2] Ces stars s’exprimaient essentiellement par leurs enregistrements, alimentant le marché de controverses et de protestations individuelles et rhétoriques. De plus, certains chanteurs folk cherchaient à s’accommoder aux instruments électriques. Au festival de Newport en 1965, Bob Dylan a été hué par certains pour la seule raison qu’il utilisait une guitare électrique (ainsi dit la légende, mais la balance était mauvaise, les musiciens étant (trop) défoncés ?).
Il est vrai cependant que la tradition du folk militant a sûrement joué un rôle en faisant remonter le moral dans les actions collectives : on pense aux chansons du Civil Rights Movement qui militait avec succès pour les droits civiques des Noirs dans le Sud des États-Unis dans les années 1960. Il a aussi laissé une influence marquante sur la musique populaire : toute la tradition des chanteurs-paroliers qui fleurissait vers la fin des années 1960 lui doit beaucoup. En bref, la tradition du folk militant a été une forme populaire parmi d’autres. Mais quant à ses objectifs politiques, ses efforts pour s’imposer comme la seule forme populaire contre d’autres influences comme le jazz, le rhythm and blues et surtout toute musique amplifiée étaient voués à l’échec.
Au début des années 1960, le mouvement folk fut déchiré par des débats entre les puristes qui soulignaient son caractère non commercial et les autres qui voulaient profiter de la nouvelle popularité de la musique folk afin d’étendre leur influence. Car le dilemme était bien là : soit rester en dehors du circuit commercial et maintenir sa pureté de forme, même si la finalité politique était de faire passer un « message » et d’influencer la masse ; soit atteindre un grand public au moyen du circuit commercial et de l’adoption des formes commerciales (notamment le rock avec ses guitares amplifiées).
Au milieu des années 1960, cet argument a perdu de son impact à mesure que des critiques influents comme Jon Landau affirmaient que le rock représentait, en fait, une véritable musique populaire dont les valeurs étaient communes au public et aux musiciens. C’était justement la consommation massive du rock, devenu une forme « folk », qui était soi-disant la preuve d’un changement politique de la jeunesse et donc de l’efficacité du rôle politique de la musique. De plus la consommation de rock était un processus actif, identifiant le consommateur comme partie d’une communauté basée sur le rock. Dans cette optique, la consommation de rock équivalait à la consommation de certaines valeurs progressistes.
Les valeurs des musiciens de rock étaient plutôt bohèmes et individualistes. Mais monter un groupe (comme n’importe quelle entreprise) impliquait un élément de risque, un investissement, notions bourgeoises par excellence. Pendant les années 1960, il a été possible d’être « révolutionnaire » sur le plan des mœurs sans remettre en cause les fondements du système économique. En effet, il y avait beaucoup de confusion sur cette question, car, pour des raisons évidentes, certains secteurs de l’économie capitaliste furent des alliés naturels de la contre-culture lors de sa confrontation avec la moralité traditionnelle. À la fin des années 1960, « l’émancipation sexuelle » de la jeunesse (de toutes les classes) était un fait accompli : l’idéologie bourgeoise a reculé dans un sens (la moralité) pour avancer dans un autre (l’extension du marché). Il s’agissait donc d’un combat « libéral », et non pas « révolutionnaire ».
De par son identification avec la contre-culture dans les années 1960, le musicien de rock était investi d’un radicalisme symbolique. Mais c’est à ce point que la contre-culture se trouvait, comme le mouvement folk quelques années auparavant, devant une contradiction : comment, en effet, séparer le succès d’un artiste en ce qui concerne « son effet idéologique auprès d’un public de masse » de son succès commercial ? À force de réussir à profiter d’un médium pour propager des valeurs soi-disant « révolutionnaires », l’artiste est devenu partie prenante de la classe capitaliste dont il a préalablement critiqué les mœurs. Cette contradiction a été résolue au sein de la contre-culture par une idéologie de la sincérité. Selon Robert Fripp, guitariste du King Crimson :
Il y a deux motivations principales derrière la recherche du succès commercial : premièrement, le désir du fric et deuxièmement, l’occasion de dire ce qu’on veut à autant de gens que possible. Il est évident que des groupes qui provoquent la « réflexion » – les groupes « progressistes » – peuvent être et souvent sont couronnés de succès sur le plan commercial, alors cessons de considérer « commercial » comme un mot grossier. Lorsque des motivations louables produisent de la musique qui se vend bien, espérons qu’au moins en partie c’est parce que les gens souhaitent s’associer à ces motivations et ne la considèrent pas d’être de la camelote juste parce que la camelote se vend bien aussi… La publicité aide à vendre des produits valables aussi bien que de la camelote. [3]
Pour la contre-culture, la contradiction entre la musique en tant qu’arme de la révolution et la richesse fabuleuse qui consacrait le succès commercial (et ipso facto le succès « idéologique ») se posait plutôt au niveau moral qu’au niveau de l’organisation d’une alternative :
Le musicien de rock qui réfléchit sérieusement à l’idée de tactique révolutionnaire est tout de suite confronté à toute une série de problèmes moraux. Si vous devez être efficace, il est probable que vous ferez également un succès commercial et que vous serez tenté de faire de ce succès votre seule motivation. Si le système ne vous a rien donné, il est facile de dire « écrase-le » : il est beaucoup plus difficile d’écraser un système qui vous a apporté, en tant qu’individu, un niveau de luxe personnel. [4]
Évidemment, cet appel à la solidarité entre les musiciens et le public a rarement dépassé la nécessité de cibler un public pour les besoins du marketing. Sur un plan strictement matériel, une quelconque « identification » avec le public ne pouvait qu’être une simulation. Le promoteur Bill Graham rappelle : « Un artiste montait sur scène et disait : « Rassemblons, luttons, partageons et communiquons ». Puis il montait dans son jet personnel et volait vers son île pour jouer avec sa machine d’enregistrement à 16 pistes. C’était de l’hypocrisie… ». [5]
Le rock et la contre-culture
À partir de 1970, après la mauvaise expérience du festival d’Altamont (où le public fut terrorisé par une bande de Hells Angels que les Rolling Stones avaient embauchés en tant que gardes du corps, aboutissant à l’assassinat d’un jeune Noir, voir le documentaire troublant Gimme Shelter (1970) des frères Maysles), la crédibilité « radicale » des musiciens de rock commençait à être mise en question. Si les invocations morales ne suffisaient manifestement plus, on passa néanmoins à côté d’une discussion politique à la faveur d’une incantation « magique » de la créativité libre, s’appuyant sur une vision romantique de la créativité du peuple. Dans cette optique, la créativité libre de toutes les contraintes rigides de la société, devait dépasser les solutions d’ordre politique, forcément bureaucratisées à l’avance. Un théoricien français de la contre-culture, Jean-Jacques Lebel, après avoir sévèrement critiqué « le star-system pourri », continuait dans IT :
Peut-être la musique devrait-elle être jouée dans des situations moins répressives. Pas dans une situation amuseur/amusé, supérieur/inférieur où l’un est en «haut» (sur scène) et l’autre en « bas» (dans le public). Peut-être devrions-nous essayer d’autres possibilités comme des grands cercles où, au lieu d’être séparés, les musiciens et les auditeurs peuvent être, jouer et danser ensemble. Des réunions et des rituels tribaux. Communication et jouissance totales. Pas des festivals commerciaux contrôlés par des capitalistes qui n’arrivent pas à comprendre les besoins du peuple (les musiciens aussi bien que le public) qu’ils exploitent. [6]
Également dans IT, Mick Farren affirmait :
Le système semble avoir peur de la couleur, de la brillance, de l’énergie jouissante. Il a peur du rassemblement des gens… [7]
Pourquoi la reconnaissance du besoin de changer la structure de la production de la musique rock n’a-t-elle pas abouti à la moindre expérimentation alternative dans les marges du système tant critiqué ? Les arguments d’Adorno, malgré la force de sa condamnation de la culture de masse, n’étaient d’aucune utilité pour qui voulait intervenir au sein de la musique populaire. Cette critique de la part d’Adorno, à savoir que c’est la production de la musique en tant que marchandise qui détermine, à son tour, une conscience sociale soporifique à cause de l’homogénéisation exigée par une économie capitaliste, fut complétée par une autre perspective dans la tradition de l’École de Frankfurt : celle de Walter Benjamin. Benjamin affirma que la technologie de la production de masse était une force progressiste, car elle brisait l’autorité et « l’aura » de l’art ; l’art devenait, en conséquence, un processus collectif plutôt qu’individuel. Pour Benjamin, la technologie des médias de masse produit un moyen d’expression socialisé, ouvrant ainsi la possibilité d’une lutte culturelle au sujet du « sens » des produits culturels.
Un des soucis d’Adorno était d’expliquer le manque d’opposition à l’ordre capitaliste (pendant les années 1940-60) aux États-Unis : à cette fin, il a souligné l’extrême efficacité idéologique de la culture de masse comme force d’intégration conformiste. Mais la venue de la contre-culture, force active d’une culture « alternative », a renouvelé l’intérêt pour les arguments de Benjamin qui semblaient correspondre, sinon à la télévision et au cinéma, du moins au rock. À l’instar de Benjamin, le journaliste et écrivain britannique Dave Laing affirmait (notamment dans The Sound of our Time, 1969) que les formes culturelles capitalistes avaient des éléments libérateurs aussi bien que des éléments répressifs ; le rock était donc un compromis arraché au conflit entre les machinations commerciales et les aspirations des jeunes. Laing concluait que les médias de masse étaient un lieu de lutte culturelle ; les artistes et le public pourraient lutter pour le contrôle du sens des symboles culturels.
Mais on risque ainsi de politiser superficiellement l’idée de la consommation « active ». Une fois le contrôle sur le code établi, il ne reste qu’à consommer les produits ainsi investis. L’aspect politique de cette position dépend, comme pour la contre-culture, de la capacité de la musique à provoquer un changement des esprits dans le bon sens, notion totalement utopique et mécaniste. Quant à la position d’Adorno, c’était justement contre la conscience « soporifique » provoquée par la musique commerciale que les partisans du rock déclaraient agir.
La seule proposition concrète que j’ai pu déceler après avoir lu tous les numéros d’Actuel (France), IT (Grande-Bretagne) et Rolling Stone (États-Unis), trois grands magazines de l’underground, se trouve dans IT, 131 (1972) où deux directeurs d’un studio d’enregistrement indépendant proposent un système de distribution alternatif avec trois possibilités : l’investissement par des particuliers dans les studios indépendants, le financement par les autorités publiques (Arts Council Fund), la taxation de l’industrie et la redistribution des fonds parmi les sociétés indépendantes. Mais nulle part ces idées ne sont reprises et discutées.
Certes, il y a eu des initiatives privées de la part de l’underground. On ne cachait pas ses ambitions : sous l’influence de McLuhan, celui-ci rêvait de projets ayant à leur base les nouvelles technologies de communication. Ainsi le groupe lié au journal IT et au club UFO a parlé d’un consortium de la télévision, d’une radio pirate et d’une commission des arts alternatif. L’influence de la contre-culture était derrière plusieurs maisons de disques indépendantes comme Virgin et Charisma (Grande-Bretagne). Plus tard, l’existence d’un système de distribution indépendant (Rough Trade) fut indispensable pour la diffusion du courant punk en Grande Bretagne. Le problème des sociétés de production ou de distribution indépendantes n’est pas le fait qu’elles soient privées en soi, mais qu’elles soient soumises à la longue à la logique du marché, à savoir la rentabilisation du capital investi. Sinon elles sont vouées à l’échec : il n’y a pas de place pour longtemps pour une société qui place les idéaux alternatifs avant la croissance et la recherche de bénéfices. Même un système de distribution indépendant comme Rough Trade n’a pu privilégier les courants marginaux que pendant une période brève de confusion et de créativité intense : lorsque tout est rentré dans l’ordre, ce sont les critères commerciaux qui s’imposaient de nouveau. [8]
Mises à part ces initiatives privées, qui ne changent rien au système existant, la seule idée qui vienne de la contre-culture en ce qui concerne l’organisation alternative de la musique, c’est plutôt le mariage d’un hédonisme gâté et d’un antimercantilisme primaire qu’une théorie. Nous parlons ici de la demande de concerts gratuits, prenant le relais des idées d’Emmet Grogan et les Diggers de San Francisco qui ont essayé de mettre en œuvre un marché d’échange gratuit. Mais l’élément d’échange manquait. Le promoteur Bill Graham se souvient :
Les kids venaient à moi pour demander de l’argent et je leur demandais pourquoi. Ils disaient : « Pour voir le concert ». Je leur disais que le concert était un luxe qu’il fallait payer. « Ça devrait être gratuit, mec », Alors, je leur demandais : « Qu’est-ce qu’il fait, votre père ? ». « Boulanger ». « Alors, donnez-moi son adresse. Je veux du pain gratuit ». « Quoi, vous êtes bien dans la tête ? ». Ils ne pouvaient pas s’entendre avec la réalité. [9]
Au mieux, l’idée des concerts gratuits ne pouvait aboutir qu’à des manifestations irrégulières de générosité de la part des musiciens. Cette idée exigeait, implicitement, que la représentation soit du travail non payé, une solution d’autant plus absurde que la plupart des groupes au-dessous du niveau des superstars vivotaient au mieux.
Face à cette indigence politique, on peut donc conclure qu’a existé, au sein de la contre-culture, un blocage fondamental envers la réalisation de formes alternatives dans l’organisation sociale de la musique. Il est insuffisant, voire tautologique d’expliquer ce fait après coup par une faiblesse morale soit des musiciens avides d’argent, soit d’une contre-culture embourgeoisée. Il faut chercher les raisons de ce blocage dans les rapports de force à l’époque entre le public, les musiciens, les maisons de disques et l’État.
Les musiciens et la contre-culture
Des propositions plus sérieuses auraient demandé la participation et la coopération des musiciens. Or, à une époque où l’industrie musicale connaissait un essor principalement dû au courant « progressif » composé de musiciens adhérant aux idées de la contre-culture, ceux-ci restaient réticents, surtout après tant d’années de sacrifices.
Ceci ne veut pas dire que les musiciens étaient satisfaits d’accepter le statu quo. Au contraire, ce qui a rendu les musiciens réceptifs aux discours de la contre-culture, c’était leur volonté de changer les rapports de force à l’intérieur des maisons de disques. La contre-culture leur a fourni un discours d’escorte afin de s’affirmer à la fois au niveau des gains et de l’indépendance musicale. Au début du « beat boom » britannique des années 1960, l’exploitation des musiciens était immense. Keith Moon, batteur des Who, se rappelait :
C’était dur pour les groupes à l’époque, malgré leur succès apparent. Il y avait tant de groupes que les agents signaient avec n’importe qui. On nous a envoyé dans des endroits inconnus, d’un côté du pays une nuit, de l’autre côté la nuit suivante, le tout pour 30 £ la nuit [pour le groupe]. Mais nous les dépensions à payer le voyage. La plupart de notre argent de poche donc a dû être emprunté auprès des agents et remboursé avec intérêt. En fait, on n’a rien gagné du tout… Et quand les agents étaient payés pour notre travail, ils gardaient la plupart de l’argent pour se rembourser : il nous restait 10-20 £ par semaine. Les agents, les managers et les maisons de disques avaient tout arrangé entre eux alors que nous nous endettions de plus en plus. [10]
Manfred Mann, leader d’un groupe pop britannique, affirmait de son côté :
Les gens nous ont traités comme du bétail. Il n’y avait aucun respect pour les musiciens. Les maisons de disques ont bien profité de la situation et leurs cadres avaient un autre train de vie que nous. Ils nous ont méprisé bien qu’ils aient été dépendants de nous et ne nous ont guère payés ». [11]
Les artistes à succès ont cherché donc à exercer plus de contrôle sur la production de leur marchandise. Certes, certains musiciens se montraient concernés par le triste état des autres : ainsi, un des buts de la maison de disques Apple, fondée par les Beatles en 1967, était d’encourager activement la créativité des artistes marginaux. Mais Apple est tombé en faillite, victime d’une trop grande ambition et d’une gestion qui laissait à désirer. Néanmoins, d’autres petites sociétés de production, se fondant sur la production d’un seul grand artiste, ont fleuri. Ces artistes se sont transformés en propriétaires directs de leurs produits, entretenant des rapports de petit capital à grand capital avec les grandes maisons qui s’assuraient, par contrat, leur distribution, source de bénéfices plus stables. Typiquement, on a vu cela comme une avance progressiste possible à l’intérieur de la contre-culture : « En ne renouvelant pas [leur contrat avec Decca], les Rolling Stones se sont mis en position d’avoir l’autogestion (workers’ control) de leur propre production. » [12}
D’autres artistes qui ont choisi de rester avec leur maison de disques ont pu, selon leur niveau de succès commercial, négocier un taux de droits d’auteur beaucoup plus avantageux que pendant les années 1960. À titre d’exemple, alors que les Monkees avaient accepté des droits de 1,25% en 1967 (en retour, il est vrai, d’une grande promotion), et alors que les droits des artistes dépassaient rarement 5 %, une grande star comme Paul McCartney a pu obtenir d’EMI en 1977 des droits estimés à 22,5 %, pourcentage qui se justifiait seulement par un énorme volume de ventes.
D’autre part, à une époque où un marché en pleine expansion leur échappait, les maisons de disques furent contraintes, voire satisfaites d’abandonner aux groupes une grande part du contrôle de la production des disques, d’autant plus que les groupes, tout en prenant la responsabilité quasi entière de leur production, réalisaient de bonnes ventes. Dans une industrie en expansion, tout le monde a profité de sa part de gâteau. Les valeurs alternatives, assumées par des musiciens en révolte contre un mercantilisme aliénant et dominateur, sont paradoxalement devenues « commerciales » elles-mêmes. Plutôt que de se trouver contraints par les besoins et les exigences du marché, le nouveau pouvoir d’auto-expression des musiciens a répondu aux besoins mêmes du marché, celui-ci étant dominé désormais par un vaste public qui partageait ces valeurs.
Revenons à notre question centrale. Pourquoi a-t-on pensé et pense-t-on toujours à la musique populaire presque uniquement en termes de consommation ? Pourquoi est-il si difficile d’intervenir politiquement dans le domaine de la musique autrement qu’en termes symboliques (le chanteur engagé) ? Cette dernière question suggère que le domaine de la musique populaire (elle-même un sous-domaine de la production culturelle) est protégé contre une intervention de l’État au sein de l’imaginaire social.
Dans son analyse des préconditions matérielles à l’apparition d’un star-system cinématographique (non moins valable pour notre argument), le sociologue italien Francesco Alberoni [13] commence son analyse par une supposition de base ; ceux qui détiennent le pouvoir dans la société sont évalués presque exclusivement selon les conséquences directes ou indirectes de leurs actions visant à la réalisation des finalités sociales, mais les stars sont évaluées d’une façon complètement différente. Autrement dit, les stars, qui suscitent un intérêt considérable, mais dont le pouvoir politique est faible ou inexistant, sont soumises à des critères d’évaluation spécifiques. La société moderne, à travers l’établissement d’un système de droit et d’une bureaucratie, se protège contre le pouvoir charismatique qui peut se transformer en pouvoir politique et donc bouleverser les institutions existantes.
Pour Max Weber [14], le charisme est une force créative et irrationnelle bouleversant les règles traditionnelles ou légales qui régissent un ordre existant. Le charisme est une force révolutionnaire dans les systèmes traditionnels de domination. Cependant, si le pouvoir charismatique s’installe de façon permanente, il devient routinier, intégré dans le système traditionnel. Pour Weber, le charisme s’oppose à une structure bureaucratique, rationnellement analysable, et tend à disparaître au fur et à mesure qu’une autorité bureaucratique s’impose. Mais contrairement à ce qu’a pensé Weber, on peut soutenir que le charisme a survécu dans les sociétés bureaucratiques modernes en étant structurellement rendu routinier dans un domaine particulier, celui des industries culturelles et le star-system. Dans ce domaine, le charisme est considéré comme étant institutionnellement non important d’un point de vue politique.
Il importe pour tout système politique que des personnalités dites charismatiques occupent un espace institutionnellement et « idéologiquement » non politique. Cette exigence fonctionnelle va dans les deux sens : si le système politique se protège de bouleversements charismatiques inattendus, il doit aussi garantir l’existence des centres de pouvoir autonomes où le pouvoir charismatique peut s’exercer sans menace d’intervention de l’État. En effet, l’intervention de directives étatiques portant sur la protection et le statut des « travailleurs culturels » saperait l’aura charismatique des personnalités de ce domaine.
Pourquoi alors suppose-t-on la nécessité d’un domaine charismatique ? Parce que ce domaine (celui des industries culturelles) relève du désir social sous sa forme pure, étant donné qu’il s’agit d’une enclave de la société qui n’est pas bureaucratisée et ordonnée, où le rêve est encore possible. Structurellement, le star-system est une image-miroir de la société moderne, centralisée et bureaucratique, un modèle inversé du Panoptique de Jeremy Bentham (1748-1832). Alors que dans ce dernier (postulé comme diagramme abstrait de l’État centralisé moderne par Foucault dans Surveiller et Punir), un surveillant invisible devait surveiller à partir d’une tour centrale un grand nombre de gens, la star, incapable de voir au-dehors et exposée dans son plus intime détail, est l’objet du regard ininterrompu d’une foule anonyme, une masse qui est totalement « libre » d’y projeter ses désirs (voir le chapitre 2). Le star-system devient donc un espace social qui peut positivement canaliser le désir et la demande sociale.
Le rapport entre le pouvoir politique et le pouvoir charismatique peut se résumer ainsi : un employé de banque, par exemple, est jugé dans l’optique des critères particuliers qui dépendent du genre de travail qu’il fait. Mais il peut aussi se donner dans sa vie de consommateur d’autres critères d’évaluation, c’est-à-dire qu’il peut admirer David Bowie (comme une personne « charismatique ») par exemple, ou même s’identifier avec l’image « rebelle » d’un groupe punk, sans pour autant cesser de remplir ses obligations vis-à-vis de la banque, ou de la société dans l’ensemble. Dans une société de consommation avancée, ces deux critères d’évaluation, remplaçant une société plus globalement moraliste, sont presque de rigueur. Vieux routier rebelle de la musique rock et, comme tant d’autres musiciens à succès, exilé du fisc, Keith Richards s’explique ainsi : « Nous ne faisons pas partie de l’establishment. Jusqu’à la fin des années 1970, l’establishment a tout fait pour avoir notre peau. Nous sommes établis dans le domaine du disque, mais nous ne sommes pas en cheville avec les pouvoirs en place. Nous sommes établis au sein du domaine anti-establishment. » [15}
Vecteur du désir social, le star-system, de par sa nature, est un domaine « anti-establishment », si on comprend ce terme dans son sens étroitement politique. Car une discipline de consommation, conséquence « positive » du star-system, ne peut être imposée par le pouvoir, mais doit fleurir en dehors des contraintes normalement associées à la discipline politique. Pendant les années 1960, on a interprété cette liberté relative comme une victoire politique (contre la moralité puritaine exigée par l’étape précédente de capitalisme), d’où la confusion sur l’importance politique du rock.
Cet argument est important. Il implique que le charisme des stars de rock est hautement spécifique et ne peut se transférer directement dans la sphère politique. Il explique aussi pourquoi la gauche a tenté d’exploiter ce pouvoir charismatique pour ses propres fins et a implicitement accepté que la sphère de la musique pop reste en dehors de toute intervention publique. En effet, une politique culturelle qui protège les formes marginales ou expérimentales, qui compense les insuffisances du circuit commercial s’oppose à une exploitation de la popularité des grandes stars pour faire passer un message.
Un message politique ?
L’obsession du contenu « anti-establishment », fréquente dans les disques de rock des années 1960, masquait toute analyse des rapports sociaux à la fois dans la production et la consommation des produits culturels. Cyniquement, quoi de plus simple que l’artiste, en manque de sujet, profite de l’actualité et d’un public de masse identifiable par son goût partagé pour certaines valeurs alternatives ? Ce problème est posé à sa manière par Keith Richards. Commentant la chanson Chicago (sur les émeutes pendant la convention du Parti démocrate en 1968) par Crosby, Stills, Nash et Young, il l’a décrit comme « un bon sujet d’actualité » :
Interviewer : « Qui vend des disques ? »
Richards : « Bien sûr. Le maire Daley est une bonne cible. Mais il y en a un million d’autres comme lui aux États-Unis. Pourquoi en attaquer un seul ? Bien sûr, c’est un trouduc, tout le monde le sait… Combien de fois peut-on utiliser ces mots : la justice, la liberté ? C’est comme de la margarine, mec. On peut l’emballer et la vendre ». [16]
En outre, les chansons « contestataires », empruntées des traditions radicales de la musique folk, sont vite devenues une mode à exploiter. Malgré l’engagement réel de certains artistes, on pouvait douter de la sincérité de beaucoup d’autres, ce qui tendait à miner l’impact politique de tout le genre. La chanson Too many people (1966) par les Hollies, traitant de la surpopulation, a été décrite ainsi par le manager du groupe : « Je suppose que [la chanson] sera controversée, mais cela ne fait jamais de mal. Cela fait de la pub et lorsqu’il s’agit d’un disque, vous ne faites que vendre un produit ». [17]
Le contexte dans lequel on a fait passer des chansons « contestataires » a souvent miné les intentions de l’auteur. Diffusé par la BBC en 1965, la chanson de Donovan contre la guerre (Universal Soldier) a été ponctuée par des cris et des imitations de fusils par des disc-jockeys qui l’ont ainsi intégrée dans l’ambiance bon enfant de la radio commerciale. [18]
Il est significatif de noter que dans un sondage effectué sur 1 200 lycéens de Detroit entre 1967-69, les sociologues John Robinson et Paul Hirsch (article en ligne) ont remarqué que la chanson dite contestataire était plutôt populaire dans la classe moyenne blanche. Les jeunes d’origine ouvrière préféraient les « tubes » tandis que les Noirs exprimaient une préférence pour le rhythm and blues, et le soul. De plus, moins de 30 % des jeunes interrogés ont pu identifier correctement le message d’une chanson contestataire. En dehors des jeunes issus de la classe moyenne, ce pourcentage est tombé à 10 % ; globalement, 70 % ont affirmé être plus attirés par la musique plutôt que par les paroles. [19]
Une trop grande insistance sur le commentaire social à travers les paroles peut s’inscrire dans une vision ethnocentrique de la musique populaire. Ainsi, certains critiques rock ont attaqué la musique soul des Noirs en raison de son manque de substance édifiante. Les commentaires de Ralph Gleason sont typiques : « Aujourd’hui [la musique noire] n’est plus que style sans contenu. Quand James Brown chante « lt’s a Man’s World » ou qu’Aaron Neville chante « Tell it like it is », il se sert d’une phrase et d’une seule phrase pour travailler ». [20] Cette attitude comprend mal la musique soul qui cherche à exprimer des émotions puissantes par la répétition et la suspension de la cohérence du langage.
Cet exemple suggère que les effets politiques d’une forme populaire sont beaucoup plus complexes qu’une lecture sans médiation du contenu manifeste d’une chanson pourrait le laisser croire. Cependant, si on entend « la politique » comme l’existence des stratégies et des propositions plutôt qu’une rhétorique symbolique, il faut constater que le rock, malgré la réputation qu’il a acquise pendant les années 1960, reste un domaine incroyablement sous-politisé.
La méfiance de l’État
Le rock, comme les autres formes de musique populaire, reste un des derniers bastions de la libre entreprise, du capitalisme sous sa forme pure. Autrement dit, il reste totalement dans le domaine du secteur privé. Dans une société où existe non seulement un consensus pour une économie mixte (attaquée actuellement par les forces néo-libérales), mais encore une reconnaissance générale de la valeur sociale des interventions publiques afin d’empêcher les excès du marché, il aurait été normal de réclamer une politique culturelle incluant la musique pop. Les avantages d’une sphère publique (même modeste) semblent évidents : protection minimale contre les ravages du mercantilisme (loyers etc.), garantie des formes marginales ou expérimentales, locaux de prix modeste pour les musiciens et le public. Or il n’en fut rien.
Au lieu d’exiger ce qui aurait été un acquis et une possible rampe de lancement pour d’autres progrès culturels, la contre-culture se bornait à appeler de façon volontariste et utopique au dépassement du capitalisme, posé sous la forme d’un choix moral de la part de chacun et chacune. Chez la nouvelle gauche, la notion omniprésente et essentielle d’un « système » à changer a empêché toute considération particulière et toute politique dans le domaine de la musique, pour ne pas parler d’autres sphères de la société. Pour la gauche « psychédélique », c’était l’État plutôt qu’un régime de libre entreprise qui méritait l’anathème. Jim Haynes, rédacteur d’IT et fondateur des Arts Labs commentait :
Trop de gens sont hypnotisés par l’environnement économique. Le capitalisme, à l’état de concept, n’est pas si mauvais. Vraiment, si je veux par exemple faire un journal, je peux réunir les gens nécessaires et dire « OK, allons-y ! ». IT et Arts Lab sont des entreprises capitalistes. Ce qui est mauvais, c’est le fait d’exploiter les gens, non pas l’institution elle-même… Personne n’était exploité au Lab ni à IT… Le problème de l’Europe de l’Est, actuellement, c’est que toute initiative individuelle est entravée. C’est catastrophique !… Pour pouvoir réellement changer quelque chose, il faut d’abord mettre les gens sur la bonne voie. On ne peut le faire qu’individuellement en parlant à chacun. (21]
Si les institutions alternatives devaient s’établir d’une façon plus permanente et ne pas succomber aux exigences du marché (s’adapter ou périr), il fallait le soutien de la seule institution capable d’affronter la domination des maisons de disques multinationales : l’État. Cette incapacité à donner naissance à une politique culturelle basée sur une alliance entre l’État et des groupes privés indépendants pour permettre à des formes culturelles marginales de s’exprimer d’une façon plus permanente peut s’expliquer par la vision trop unilatérale et monolithique de l’État qu’a eue la contre-culture. Pour Charles Reich, il s’agissait d’un « État corporate », une seule vaste entité dont tout le monde était membre involontaire : « Normalement, nous considérons les unités de l’État corporate comme le gouvernement fédéral, une société qui fabrique des automobiles et une fondation privée comme s’ils étaient séparés les uns des autres. Cela n’est pas le cas cependant… [Il y a eu] une disparition de la frontière entre le public et le privé. Dans l’État corporate, la plupart des fonctions « publiques » du gouvernement sont, en fait, réalisées par le secteur « privé» de l’économie. Et la plupart des fonctions du gouvernement sont des services réalisés pour le secteur privé ». [22]
Cette vision, passablement confuse, avait pour conséquence de montrer l’appareil d’État comme étant uniquement répressif. Il n’existait presque aucun numéro de journaux de l’underground qui ne racontait pas une histoire de répression étatique, surtout de la part de la police : ainsi on voyait régulièrement des articles sur les descentes de la police dans les rédactions, les arrestations pour possession de drogues « douces », la censure sur la radio ou la télévision pour ne pas parler de l’intervention de l’année au Viet Nam. En effet, le harcèlement policier de l’underground était bien réel, ce qui empêchait une vision plus nuancée de l’équilibre de forces entre les diverses institutions sociales. Malgré les critiques des multinationales, on préférait regarder vers le secteur privé (radio FM, télévision « libre », maisons de disques indépendantes, presse underground, etc.) comme planche de salut, sans considération du rapport de forces au sein du secteur privé, problème qui tendait à disparaître dans l’espoir imprécis d’un changement de consciences. La British Free Radio Association, s’opposant au conservatisme de la BBC (« la police des cerveaux »), a appelé en 1969 à un système dans lequel chaque directeur de station radiophonique aurait la même liberté qu’un propriétaire de journal.
D’autre part, les appels des journalistes de la contre-culture comme Mick Farren à un rapprochement quasi magique de la jeunesse cachent mal l’impuissance frustrée d’un public de consommateurs. Le radicalisme du rock était largement symbolique, s’appuyant sur un investissement de sens par le consommateur dans une marchandise déjà produite. Il est signifiant que les seules réclamations concrètes de l’époque concernaient le prix des disques et des concerts, et la qualité de la musique, autrement dit des réclamations purement consuméristes. Ainsi, en réponse à la mise en œuvre par les Rolling Stones de leur propre maison de disques, un article dans IT (1970) affirmait :
Qu’est-ce que peut faire un pauvre garçon ? (référence à la chanson Street Fighting Man par les Rolling Stones – DB). Eh bien, s’il est star, il peut former sa propre société avec le fric qu’il a fait avec ses ventes de disques ces dernières années et puis entreprendre une action positive : sortir des disques à bas prix contre le système de prix strictement réglé au sein de l’industrie. [23]
Notes
[1] Cité in Serge Denisoff, Great Day Coming, University of Illinois Press (Chicago), 1971, p. 15.
[2] ibid., p. 174.
[3] IT, 63, Aug 29-Sept 12, 1969.
[4] ibid., p. 14.
[5] Tony Palmer, All You Need is Love, Futura (London), 1977, p. 247.
[6] IT, 103, May 6 -20, 1971, p. 10.
[7] Mick Farren, « Why Bother ? », IT, 123, 10-24 Feb 1972, p. 17.
[8] New Musical Express, 14 Aug. 1982, p. 8. A partir de 1981, les ventes moyennes des disques « indépendants » en Grande-Bretagne sont tombées de 20 000 à 5000 avec des « succès » à 50 000. Le distributeur Rough Trade s’intéresse désormais aux derniers.
[9] cité in Palmer, op. cit., pp. 246-7.
[10] ibid., p. 249.
[11] ibid., pp. 249-50.
[12] IT, 86, Aug 27-Sept 10, 1970.
[13] Francesco Alberoni, « L’Élite irresponsable : théorie et recherche sociologique sur le divismo« , Ikon, 12, 40-1, 1962, pp. 45-62.
[14] Max Weber, Économie et société, tome 1, Plon, 1971, passim.
[15] Interview in Rock & Folk, juin 1982.
[16] Interview in Rolling Stone, 89, Aug 19, 1971.
[17] cité in Richard Mabey, The Pop Process, Hutchinson (London), 1969, p. 153.
[18] ibid., p. 152.
[19] P. Hirsch, « Sociological approaches to the pop music phenomenon« , American Behavioural Scientist, 14, 1971.
[20] cité in Ian Hoare (dir), The Soul Book,Eyre-Methuen (London), 1975, p. 119.
[21] Interview in Actuel (Paris), 13, 1969.
[22] Charles Reich, The Greening of America, Random House (New York), 1970, p. 91.
LIRE/IMPRIMER LE CHAPITRE 8 AU FORMAT PDF :
BUXTON David, « Le Rock – chapitre 8 : le rock et le politique – David BUXTON », Articles [en ligne], Web-revue des industries culturelles et numériques, 2014, mis en ligne le 1er juillet 2014. URL : https://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/le-rock-chapitre-8-rock-politique-david-buxton/
Professeur des universités – Paris Nanterre – Département information-communication
Dernier livre : « Les séries télévisées – forme, idéologie et mode de production », L’Harmattan, collection « Champs visuels » (2010)