La Web-revue : de la Kulturindustrie d’hier aux industries culturelles, créatives et de communication d’aujourd’hui, s’est ouvert un champ interdisciplinaire pour tous ceux dont les recherches interrogent la culture populaire industrialisée et les médias. Cette rubrique propose de suivre les actualités des industries culturelles et numériques du côté des acteurs professionnels, qui sont souvent divisés quant à la bonne stratégie à adopter face à l’innovation constante, d’où des débats « internes » dont doit tenir compte l’approche critique de la Web-revue.
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SPÉCIALE INDUSTRIE PUBLICITAIRE
Technos vs créatifs : la révolution numérique dans l’industrie publicitaire
Malgré une équipe chevronnée de créatifs, la grande agence de publicité Publicis a perdu en 2016 l’un de ses meilleurs clients, McDonald’s, à Omnicom. La raison ? McDonald’s, qui dépense un milliard de dollars en publicité par an, a estimé que Publicis n’était pas assez rapide dans l’exploitation des données pour produire des annonces en ligne, et pour cibler des microtranches de sa base de consommateurs. L’industrie publicitaire est en crise en raison de l’émergence du big data, et très logiquement, les géants de l’industrie comme WPP, Accenture, Omnicom et Publicis cherchent désormais à disposer d’une masse critique d’expertise en technologie numérique. En 2015, Publicis a acheté la société de conseil en informatique Sapient pour 3,7 millions de dollars, après avoir acquis les spécialistes en marketing numérique Digitas en 2007, et Razorfish en 2009. Accenture a acquis Karmarama, une agence britannique à la pointe technique. Et en avril 2017, WPP a racheté Deeplocal, un laboratoire se spécialisant dans le développement de logiciels.
Cela a créé une fissure dans le monde de la publicité entre les nouveaux personnels techniques, et la vieille garde de créatifs (pitchers, rédacteurs, artistes) qui a dominé le champ depuis la Seconde Guerre mondiale. Les informaticiens ont remis en question l’efficacité des spots de télévision, alors que les créatifs ne veulent pas que des ingénieurs interviennent sur leurs pitches taillés sur mesure. L’enjeu pour les agences est de faire travailler ensemble ces deux tribus, les uns en costards, les autres en jeans, les uns mangeant des sandwichs de jambon, les autres des sushis. « On doit trouver la bonne alchimie entre créativité et technologie, ce qui est difficile et fatigant », dit Arthur Sadoun, le président de Publicis depuis janvier 2017. Son prédécesseur historique, Maurice Lévy, s’est inquiété d’une « espèce d’animal Quasimodo/Frankenstein qui ne pourrait fonctionner ».
Ce sont les clients qui mettent la pression sur les agences pour qu’elles changent d’approche, en réclamant plus de transparence quant à l’efficacité des campagnes. En effet, l’Internet et les smartphones constituent un défi pour les agences. Les annonceurs veulent connaître les habitudes des consommateurs en ligne (recherches, échanges avec des amis), afin de mieux les cibler. Parfois, ce sont les annonceurs qui prennent l’initiative. En 2013, Proctor & Gamble, doutant de l’efficacité de ses annonces en ligne, s’est lié avec Sticky, une société suédoise, pour pister les mouvements oculaires des millions de consommateurs utilisant les webcams de cette dernière. Grâce aux données obtenues, Proctor & Gamble a pu imposer des changements (taille et placement du logo) à l’agence Leo Burnett (filiale américaine de Publicis), malgré la résistance des créatifs avec leurs critères esthétiques.
Après la perte du budget McDonald’s, Sadoun a rassemblé en secret une équipe d’informaticiens avec un budget de quelques dizaines de millions de dollars pour dessiner un algorithme intégrant des CV et d’autres données croisées des 80 000 salariés de Publicis, afin de sélectionner la meilleure équipe composée (managers, programmateurs, infographistes, rédacteurs) pour tel ou tel projet ou client. L’algorithme, nommé MARCEL, devrait aussi noter la performance des salariés sur chaque compagne.
L’agence Leo Burnett a créé Greenhouse, une unité de vidéos qui cible les réseaux sociaux. Ses 630 salariés peuvent produire une vidéo pour une fraction du coût et du temps qu’il faut pour tourner un spot de télévision. Ainsi, l’agence a fait 25 vidéos différentes pour la campagne numérique des pneus Firestone. Grâce à son partenariat avec Facebook, Google et d’autres plateformes, elle a dépouillé les posts des utilisateurs pour déterminer les marques de voitures qu’ils conduisaient. Les propriétaires des 4 x 4 et des voitures de sport ont pu voir ainsi des vidéos différentes. Ensuite, l’agence Leo Burnett s’est servie de l’outil GPO de Google pour corréler les visionnements de l’une des vidéos et les visites aux concessionnaires Firestone dans les trente jours suivants. Décidément, on n’arrête pas le progrès. Certains créatifs chez l’agence, sceptiques, renâclent : « On ne parle aujourd’hui que du ciblage et du reciblage. Qui réfléchit à ce à quoi les gens vont rêver ? »
En 1967, au moment de son départ à la retraite, Leo Burnett, le fondateur, avait formule le vœux que l’agence soit renommée si elle devait s’écarter de sa philosophie de base : mettre la créativité au cœur de l’activité. En juin 2017, des créatifs mécontents ont recouvert la plaque de la société avec un papier sur lequel était écrit le nom MARCEL. De retour du Festival de Cannes, au lieu de licencier les coupables, Arthur Sadoun les a félicités. C’est la preuve, a-t-il dit, que l’esprit créatif est toujours vivant dans l’agence. Réflexe de publicitaire : ne jamais laisser passer l’occasion de faire de la com… Mais que pense-t-il réellement de l’avenir de la profession ?
Source : « Advertising’s « Mad Men » bristle at the Digital Revolution » (Nick Kostov, David Gauthier-Villars), The Wall Street Journal, 20 janvier 2018.
Voir sur la publicité et le marketing précédemment dans la Web-revue : Actualités #8, avril 2013 ; Actualités #10, juin 2013 ; Actualités #20, mai 2014 ; Actualités #21, juin 2014 ; Actualités #24, oct. 2014 ; Actualités #25, nov. 2014 ; Actualités #30, avril 2015 ; Actualités #36, nov. 2015 ; Actualités #44, juillet-août 2016.
La publicité dans un monde post-keynésien
Anecdotique, le geste de seigneur d’Arthur Sadoun ne doit pas cacher le fait que l’industrie publicitaire est à la croisée des chemins dans un marché en crise, et dont l’avenir est imprévisible. Si le tournant numérique s’est imposé dans la profession, il n’a pas encore balayé pour autant le travail des créatifs (voir ci-dessous), qui ont des arguments à faire valoir : « qui réfléchit à ce à quoi les gens vont rêver ?» Il est vrai que la mission historique de la publicité était double : s’adresser aux individus avec des profils différents, mais surtout susciter le désir de consommer et de surconsommer à une grande échelle, survie du capitalisme oblige. La publicité moderne a émergé avec la consommation de masse, et a accompagné la démocratisation de celle-ci. Dès ses origines dans les années 1920 aux États-Unis, l’industrie a toujours fait cohabiter des profils scientifiques et artistiques : dans un premier temps, des psychologues, et des rédacteurs et artistes ; ensuite des marketeurs et des informaticiens d’un côté, et des « créatifs » de toute sorte de l’autre. Ces derniers allaient jusqu’aux profils iconoclastes, voire franchement « rebelles ». Le métier de rédacteur publicitaire a longtemps été un gagne-pain pour les diplômés en lettres, parfois avec des ambitions littéraires, qui méprisaient plus ou moins ouvertement la dimension affairiste du milieu (l’auteur Frédéric Beigbeder me vient à l’esprit) [1].
Ce mariage de raison est peut-être en train de se défaire. La période dite des « Trentes Glorieuses » (ou « fordiste », ou encore « keynésienne ») après la Seconde Guerre mondiale, marquée par la croissance soutenue et constante, a consacré la domination des créatifs, et la stratégie d’arrosage intuitive largement dépendante des médias de masse. On disait couramment dans la profession que la moitié de l’argent dépensé en publicité était en pure perte, prix à payer pour s’adresser au grand public, et généralement accepté par les annonceurs, d’autant que, dans un marché en expansion, ils pouvaient transférer les frais aux consommateurs. En période de crise structurelle durable, la donne a changé.
Cela dit, il faut se méfier de l’explication darwinienne avancée par ceux qui fétichisent, consciemment ou non, le numérique (c’est le déterminisme technologique que combat la Web-revue). Le tournant « scientifique » dans le monde publicitaire intervient dans un contexte politico-économique décidément post-keynésien, caractérisé par la redistribution de la richesse vers le haut, et la redistribution du risque vers le bas. Historiquement, l’élimination des risques ordinaires de la vie grâce aux politiques sociales (santé, emploi, éducation, retraite) a été la précondition ouvrant la voie à la consommation de masse. L’éradication graduelle de la protection sociale, et le déplacement du risque vers les classes moyennes et inférieures a forcément des conséquences pour la publicité. La précarité et l’inégalité produites mécaniquement par la politique néolibérale ont leur propre rationalité, comme la dette étudiante massive aux États-Unis (ce qui nous pend au nez en France) :
Impitoyablement, les salariés sont de plus en plus enfermés dans l’entretien des dettes, hantés par la peur de tomber sous la barre de la contrainte de survie. Cela a mené à un sens de crise permanente dans de larges secteurs de la population. […] Il en résulte une vie constamment asséchée de liquidités, privée des possibilités de s’investir de nouveau, ou de changer de cap. La vie devient une série de moments de survie, d’une participation forcée dans un jeu dont l’issue a été devancée par une dette envers le passé qui ne pourra jamais être acquittée [2].
C’est dans ce contexte de dette généralisée qu’on peut mieux comprendre le recours « scientifique » (et désespéré ?) aux algorithmes et aux géolocalisations, les deux appliqués au profil d’un consommateur individuel. Il s’agit d’impulser directement la vente en rapprochant dans le temps le message publicitaire, le consommateur et le point de vente. Finit l’arrosage, finit le gâchis ; on surveille ses marges, et on cible avec acharnement numérique le consommateur solvable, et enclin à acheter le produit (sur la foi des données comportementales). Le lien fort historique entre l’industrie publicitaire et les industries culturelles pourrait se desserrer, alors que la publicité ne saurait jamais être plus « scientifique » que l’économie bancale dont elle fait partie.
[1] Le roman de Frédéric Beigbeder, 99 francs (2000) s’appuie sur son expérience pour dresser un portrait cynique et parfois hilarant des créatifs de l’industrie publicitaire. Le livre, qui « dépassait les bornes » (la cocaïne est omniprésente), a valu à l’auteur d’être renvoyé de l’agence Young & Rubicon, ce qui était sans doute l’effet recherché.
[2] Martijn Konings, « The Time of Finance », Los Angeles Review of Books, 28 décembre 2017.
Médias éditoriaux et non éditoriaux
La publicité change d’ère, et les marques s’adresseront de moins en moins aux individus massifiés à coups d’affichage ou de spots télévisés. La fin de l’âge d’or de la télévision est, selon Maria Mercanti-Guérin, coauteure de Publicité digitale (Dunod, 2016), « un moment historique, mais c’est bien l’arbre qui cache la forêt. La numérisation des grands médias est telle que rien, ou presque, ne permet plus de distinguer les deux mondes. » La télévision se fond dans le Web, et bientôt la bascule vers les ordinateurs et les mobiles sera totale : l’Internet représente plus de la moitié des investissements à l’échelle mondiale. En France, la publicité numérique a déjà 34,4 % du marché publicitaire (+ 12 % en un an, à 4,1 milliards d’euros), et l’écart se creuse avec les autres supports.
« Les investissements des annonceurs vont là où les consommateurs passent leurs temps et font leurs courses », analyse Vincent Letang, directeur de la prévision de Magna. Selon lui, le nouvel ordre oppose les médias éditoriaux (vidéo, audio et presse écrite) aux médias non éditoriaux (moteurs de recherche, réseaux sociaux). Les premiers stagnent, tandis que les seconds progressent à un rythme soutenu. Cinq plates-formes dominent au niveau mondial : Facebook, Google (États-Unis), Baïdu, Alibaba et Tencent (Chine). Elles captent environ les trois quarts des investissements numériques, et un peu plus de 80 % de leur croissance. En soustrayant la Chine où ils sont interdits, Google et Facebook s’arrogent 85 % du gâteau, et 90 % de sa progression. Il s’agit d’un quasi-duopole qui menace le rapport symbiotique entre médias et publicité.
Dès le début des années 2000, l’annonce « bannière » sur des sites en ligne avait déjà largement perdu toute efficacité. Depuis, le mobile, les réseaux sociaux, les robots cliqueurs et les bloqueurs de publicité ont enfoncé le clou. De nos jours, les cadors de la profession ne jurent plus que sur « l’identité utilisateur », qui permet de géolocaliser et de cibler en temps réel les individus, ouvrant la voie à la personnalisation de la publicité à grande échelle. Les données à usage de marketing sont devenues un marché juteux, et une pléthore de sociétés prospère grâce à l’automatisation des achats d’espaces publicitaires.
Mais les dérapages à répétition (fake news, etc.) sur les réseaux sociaux, et l’absence là de transparence ont laissé des traces. Certains parlent même de pratiques frauduleuses. Les marques sont en train de reprendre les choses en main. Désormais, les annonceurs exigent des comptes sur la façon dont leur argent est dépensé, ainsi que sur leur visibilité. Et les plus grands budgets mondiaux disposent maintenant de leur propre plate-forme d’achat média, et même des sites de marketing direct. Le marketing se réinvente avec la transformation numérique des entreprises. « Il ne s’agit plus de construire et de nourrir les marques par la seule publicité. L’expérience client est le nouveau savoir-faire à maîtriser », dit Pascal Delorme, directeur exécutif digital France et Benelux d’Accenture, le leader mondial du service informatique.
De nouveaux visages de la publicité se dessinent, alors que les assistants vocaux entrent dans les foyers, et que la réalité virtuelle se branche sur la vente. Les vertus du modèle dit « omnicanal » dans un marché instable, fébrile et imprévisible incitent les marques à la prudence ; elles ne débrancheront pas la télévision dans l’immédiat. Directrice du CELSA (information-communication, Paris 4), Karine Berthelot-Guiet l’observe : « On voit cohabiter la réclame numérique la plus basique avec des contenus dépublicitarisés sophistiqués, tandis que le film à grand spectacle fait son retour, décliné pour le cinéma, le petit écran et le Web ».
Source : « La publicité tourne la page » (Nadine Bayle), Le Monde, 30 janvier 2018, supplément Éco & Entreprise, p. 6-7.
L’employé ambassadeur
Ce ne sont plus les blogueurs, youtubeurs et célébrités avec des millions de followers qui comptent pour les marques. L’employé de base avec son audience à lui est devenu l’influenceur le plus tendance sur le Web. Les marques sont de plus en plus nombreuses à lancer des programmes d’employee agency, qui transforment certains de leurs collaborateurs en porte-drapeaux numériques. Plus crédible qu’un service de communication, l’employé agent (homme ou femme) fait désormais figure de candidat idéal pour stimuler en ligne la réputation et les ventes de son entreprise. Celle-ci l’invite à partager sur Facebook, Twitter, Instagram ou Linkedin des contenus, fournis ou du moins validés, autour de l’actualité ou des centres d’intérêt de son employeur. L’employé, qui incarne de « vraies gens », devient ainsi « un média de la marque », selon la formule de Guillaume Mikowski, président de Brainsonic, à l’origine de l’outil de partage Sociabble utilisé par Auriège, Toshiba, BNP Paribas et Groupama.
Une étude du cabinet IDC suggère que de tels posts ont 24 fois plus de chances de générer des partages que ceux des marques sur les réseaux sociaux. « La pub traditionnelle est rejetée, ce n’est plus la folie autour des influenceurs, et les grandes plates-formes sociales demandent des efforts techniques et financiers accrus pour toucher la bonne audience », explique Florent Hernandez, créateur de Sociallymap (dont les clients comptent Adidas et Yves Rocher Italie). En janvier, Facebook a annoncé le recentrage de son fil d’actualité sur les posts des proches, et la portée des contenus institutionnels s’est effondrée brusquement. Recourir à une armée d’ambassadeurs internes permettrait de contourner partiellement ce problème pour les entreprises ; sinon, il faudra envisager d’acheter plus d’espace publicitaire avec un budget média plus important. Le danger, comme l’a suggéré François Guillot, directeur associé d’Angie + 1, c’est de transformer les salariés VRP, tous concurrents, en boutons-poussoirs de contenus prémâchés, et de tomber dans « l’effet perroquet ». Des hommes-sandwichs numériques (des e-hommes-sandwichs) ? Y faut-il un nouveau master dédié ?
Source : « L’employé ambassadeur, nouvelle star des réseaux sociaux » (Nadine Bayle), Le Monde, ibid.
L’avenir du marketing : la fin des « silos » créatifs
Dans une intervention écrite pour Advertising Age (qui est en même temps une publicité pour son institution), Wendy Zajack, ancienne marketeuse devenue directrice des programmes en marketing intégré, design management et communication à l’université de Georgetown (Washington DC), affirme que les technologies numériques et les réseaux sociaux ont bouleversé les habitudes de l’industrie publicitaire. Autrefois, dit-elle, il y avait trois disciplines créatives au sein de l’industrie : marketing, publicité, et design, où chacun travaillait dans son « silo », sauf à des moments importants (un lancement majeur de produit ou de marque).
Selon Zajack, on doit reconnaître qu’avec la multiplication de nouveaux canaux, les messages publicitaires sont moins efficaces qu’avant. Il faudra donc restructurer les équipes, au risque de provoquer des guerres de territoire. Elle cite l’exemple positif de Hilton qui a récemment créé une nouvelle structure qui rassemble les services des marques, du marketing, et des clients en une seule division. Enfin, selon elle, il faudra que la profession fasse un effort supplémentaire pour s’ouvrir aux avancées technologiques dans les domaines d’intelligence artificielle et de réalité virtuelle. Ce, pour bâtir une industrie plus forte, plus efficace.
Source : « Breakdown of creative silos will save marketing » (Wendy Zajack), Advertising Age, 7 févr. 2018.
Twitter affiche enfin un bénéfice
Après avoir passé la deuxième moitié de 2017 dans l’obligation d’expliquer comment des comptes russes (comprenant des automates) ont pu influencer la campagne présidentielle américaine de 2016, Twitter a rebondi à la surprise des analystes. La société a fait des efforts pour supprimer des faux comptes (des fermes de robots etc.), des spams et des posts malveillants. La stratégie de son président Jack Dorsey est d’élargir sa fonctionnalité vers des vidéos en direct (informations, événements sportifs). La focalisation sur la vidéo, et un nouvel algorithme qui donne la priorité aux posts les plus pertinents pour les usagers ont poussé ces derniers à passer plus de temps sur la plateforme, ce qui la rend plus intéressant aux annonceurs. « Ils ont beaucoup progressé, dit Richard Greenfield, analyste chez BTIG, le produit a été dramatiquement amélioré. Ils font mieux pour montrer les bons tweets aux bons usagers au bon moment. »
Dans le dernier trimestre de 2017, le chiffre d’affaires est monté à 731,6 millions de dollars, en hausse des prévisions moyennes de 686,4 millions, grâce à des ventes des données, et des annonces liées aux vidéos. Le bénéfice net a été 91,1 millions, contre une perte de 167,1 millions pour la période correspondante il y a un an. La valeur des actions a augmenté de 47% en 2017.
Twitter pourrait bénéficier de la décision récente de Facebook de privilégier des posts des « amis » à ceux des médias et des marques. Cela devrait encourager des annonceurs à investir davantage dans Twitter. Mais d’après eMarketer, la part de la publicité numérique mondiale de Twitter ne dépasse pas 0,8 % actuellement (par rapport à 18,4 % pour Facebook, et 31,3 % pour Google). L’écueil principal pour les annonceurs est le manque de transparence quant au nombre d’usagers quotidiens, que Twitter refuse de dévoiler. Les analystes ont prédit en moyenne une hausse de ceux-ci à 333 millions, mais James Cakmak, analyste chez Monness Crespi Hardt & Co, estime qu’il n’y a pas plus de 125 millions d’usagers quotidiens (par rapport à 1,4 milliard pour Facebook). « Sans plus de transparence sur ce point, il y a plus de questions que de réponses [pour les annonceurs] », dit-il.
Source : « Twitter posts a profit for the first time » (Bloomberg News), Advertising Age, fév. 8, 2018.
Sur Twitter dans la Web-revue : Actualités #47, nov. 2016 ; Actualités #40, mars 2016.
Google veut éradiquer des publicités en ligne intrusives
Le 15 février, Google a commencé à utiliser son navigateur Chrome (60 % du marché) pour supprimer des annonces jugées énervantes ou nuisibles. L’idée de base est de rendre la publicité numérique plus supportable, en ciblant des sites qui accueillent des vidéos en lecture automatique, des pop-up, des annonces clignotantes ou avec couleurs criardes, ou qui surplombent la page. Le but ultime est de convaincre les internautes de supprimer leurs bloqueurs de publicité, qui privent les éditeurs (et donc Google) de revenus. Le vice-président de Google, Rahul Roy-Chowdhury, a déclaré dans son blog que la société cherche à maintenir le Web en bonne santé, en filtrant tout élément toxique qui gâche l’expérience en ligne.
L’intention qui se veut altruiste ne convainc pas tout le monde. Des critiques ont fait remarquer que les critères de nocivité acceptent bien les annonces pre-roll qui accompagnent obligatoirement beaucoup de vidéos sur YouTube, filiale de Google. Des accusations de pratiques déloyales, voire illégales (self-dealing) dans le cas de Google ne sont pas nouvelles. En juin 2017, l’Union européenne lui a imposé une amende de 2,4 milliards d’euros pour avoir trafiqué l’affichage des recherches en ligne vers ses propres liens commerciaux. Plus récemment, la News Media Alliance a réclamé une enquête du Congress sur l’habitude de Google de profiter de son format de pages accélérées pour mobiles en échange d’un traitement de faveur dans l’affichage des recherches.
Selon Sean Blanchfield, président de PageFair, une start-up qui veut aider les éditeurs à contourner les bloqueurs de publicités : « Le trafic passe par Google Search, les usagers passent par Google Chrome, la monétisation passe par Google Ads. Les éditeurs ont l’impression d’opérer dans une économie à la tâche (gig economy) contrôlée par Google ».
Source : « Critics wary as Google’s Chrome begins an ad crackdown » (Ryan Nakashima), dépêche d’Associated Press, 14 fév. 2018.
Voir aussi sur cette question dans la Web-revue, Actualités #41, avril 2016 ; Actualités #36, novembre 2015.
Lire les autres articles de la rubrique.
Professeur des universités – Paris Nanterre – Département information-communication
Dernier livre : « Les séries télévisées – forme, idéologie et mode de production », L’Harmattan, collection « Champs visuels » (2010)