Pour la 3e année consécutive, Romaine Lubrique et SavoirsCom1 se sont associés pour célébrer l’entrée de nouveaux auteurs dans le domaine public au 1er janvier 2016.
Les membres du collectif ont sélectionné 31 œuvres que vous découvrirez en allant sur le site aventdudomainepublic.org, où chaque jour du mois de décembre 2015 une nouvelle notice a été « libérée ».
L’an dernier, Jean Giraudoux, Edvard Munch ou Vassily Kandinski avaient été les vedettes du domaine public en 2015. La promotion 2016 a été tout aussi riche en œuvres célèbres ou à redécouvrir : le Journal d’Anne Franck, Maurice Ravel, Christophe (l’auteur de La Famille Fenouillard, du Sapeur Camembert et du Savant Cosinus), René Lalique, Franklin Roosevelt… Mais aussi, des personnages plus douteux comme Drieu La Rochelle ou Hitler !
La sélection 2015 a en effet été plus délicate que les autres années du fait que c’est l’année 1945 qui fait référence pour le calcul de la durée des droits. Parmi les nouveaux entrants, se trouvent donc logiquement de nombreux auteurs s’étant plus ou moins compromis dans les exactions de la Seconde Guerre. Ils ne pouvaient être totalement écartés du calendrier, d’autant que leur arrivée dans le domaine public soulève d’intéressantes polémiques sur la légitimité de les republier. Le collectif en a donc retenu quelques-uns qu’il a jugés particulièrement emblématiques.
Du fait que 30 ans de prorogation sont accordés aux ayants droit des auteurs déclarés « Morts pour la France », plusieurs résistants célèbres, en revanche, ne rejoindront pas le domaine public en 2016. C’est notamment le cas de Robert Desnos, mort en déportation.
2016 marque aussi un tournant parce que de nombreux événements et débats ont récemment fait avancer la cause du domaine public. Rapport Reda au niveau européen, vote de la loi sur la liberté de création en France, ou encore consultation citoyenne organisée pour le projet de loi pour une République numérique ont été autant d’occasions d’obliger les responsables politiques et le législateur à entendre la revendication des défenseurs des biens communs de la connaissance.
Malheureusement, comme en atteste le retrait du désormais célèbre article 8, beaucoup de ces tentatives n’ont pu aboutir ou ont été fortement réduites par le jeu des amendements. Malgré ces revers et la pression toujours plus forte des éditeurs et des ayants droit, la revendication d’un droit d’accès, de partage et d’exploitation de au patrimoine commun se fait cependant de mieux en mieux entendre. Dépassant les coulisses de la loi, elle trouve aujourd’hui un écho dans les médias et prend une dimension internationale, comme en témoigne l’initiative d’un collectif québécois qui propose son propre calendrier de l’avent du domaine public, fondé sur le délai de 50 ans en cours au Canada. Cela ne peut que nous inciter à persévérer !
Article 8
Objectif : Protéger les ressources communes à tous appartenant au domaine public contre les pratiques d’appropriation qui conduisent à en interdire l’accès.
Explication : aujourd’hui, des pratiques abusives consistent à revendiquer des droits sur des choses qui appartiennent au domaine public. Afin de mettre fin à ces abus, il sera désormais possible pour des associations agréées d’intenter une action en justice pour défendre le périmètre de ce domaine public et faire cesser toute tentative de réappropriation exclusive.
Exemple : des associations agréées pourront agir contre certains sites qui interdisent la reproduction numérique d’œuvres appartenant au domaine public et faire supprimer les clauses des conditions générales d’utilisation illicites. La rédaction de cet article est provisoire et à consolider dans le cadre de la concertation avec les experts et les parties prenantes, avant décision de maintien. Article 8 – Définition positive du domaine commun informationnel.
I. Relèvent du domaine commun informationnel :
- Les informations, faits, idées, principes, méthodes, découvertes, dès lors qu’ils ont fait l’objet d’une divulgation publique licite, notamment dans le respect du secret industriel et commercial et du droit à la protection de la vie privée, et qu’ils ne sont pas protégés par un droit spécifique, tel qu’un droit de propriété ou une obligation contractuelle ou extracontractuelle ;
- Les œuvres, dessins, modèles, inventions, bases de données, protégés par le code de la propriété intellectuelle, dont la durée de protection légale, à l’exception du droit moral des auteurs, a expiré ;
- Les informations issues des documents administratifs diffusés publiquement par les personnes mentionnées à l’article 1 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et dans les conditions précisées à l’article 7 de la même loi, sans préjudice des dispositions des articles 9, 10, 14 et 15 de ladite loi. Les choses qui composent le domaine commun informationnel sont des choses communes au sens de l’article 714 du Code civil. Elles ne peuvent, en tant que telles, faire l’objet d’une exclusivité, ni d’une restriction de l’usage commun à tous, autre que l’exercice du droit moral. Les associations agréées ayant pour objet la diffusion des savoirs ou la défense des choses communes ont qualité pour agir aux fins de faire cesser toute atteinte au domaine commun informationnel. Cet agrément est attribué dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État. Il est valable pour une durée limitée, et peut être abrogé lorsque l’association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer.
II. Au troisième alinéa de l’article L.411-1 du code de la propriété intellectuelle, après les mots « protection des innovations, », il est inséré les mots : « pour la promotion de l’innovation collaborative et du domaine commun informationnel ».
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