La Web-revue : de la Kulturindustrie d’hier aux industries culturelles, créatives et numériques d’aujourd’hui, s’est ouvert un champ interdisciplinaire pour tous ceux dont les recherches interrogent la culture populaire industrialisée et les médias. Cette rubrique propose de suivre les actualités des industries culturelles et numériques du côté des acteurs professionnels, qui sont souvent divisés quant à la bonne stratégie à adopter face à l’innovation constante, d’où des débats « internes » dont doit tenir compte l’approche critique de la Web-revue.
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George A. Romero, le père des zombies, est mort
Le réalisateur de la Nuit des morts-vivants (The Night of the Living Dead) en 1968, George Romero est mort à Los Angeles le 16 juillet. Tourné en noir et blanc avec un budget dérisoire de 114 000 dollars, ce film (qui a rapporté 30 millions de dollars) imagine qu’une cause inconnue redonne vie aux morts, et que ceux-ci, devenus des monstres anthropophages, se mettent à attaquer les vivants pour les dévorer. Il décrit les efforts d’une poignée de survivants, réfugiés dans une maison isolée, pour repousser leurs assauts. Voilà née dans l’extrême marginalité l’omniprésente figure moderne du zombie, et la trame entre autres du jeu vidéo Resident Evil, du film 28 Days Later (Danny Boyle, 2002), et de la série à succès The Walking Dead, toujours en cours.
La deuxième dans la série, Dawn of the Dead (1978), tourné avec 500 000 dollars (somme à peine moins dérisoire), a rapporté 500 millions. Il décrit le même combat de quelques réfugiés contre des morts-vivants, cette fois-ci dans un centre commercial. Entre des films moins génériques, plus ou moins réussis, d’autres dans la série zombie suivront : Le Jour des morts-vivants (1985), Le Territoire des morts (2005), Diary of the Dead (2007) et Survival of the Dead (2008). À partir d’une formule simple, Romero a varié les paramètres d’une critique sociale, non pas annexe, mais intégrée à l’intrigue : des consommateurs zombies (des vivants morts), des inégalités de classe, la militarisation de la société, l’hypercommunicabilité mortifère des réseaux sociaux. À sa mort, Romero a été salué dans les milieux journalistiques comme un grand cinéaste, ce qui eût été impensable pendant la plus grande partie de sa carrière. Nuit des morts-vivants avait déjà été sélectionné en 1999 pour préservation dans le bureau d’enregistrement des films par la Library of Congress, singulier honneur pour un film d’horreur.
(On doit aussi parler de la mort le 28 août à Los Angeles de Tobe Hooper, auteur du cultissime Massacre à la tronçonneuse (The Texas chain saw massacre) en 1974, après être passé par l’enseignement universitaire et par le film amateur. Longtemps méprisé par la critique, mais de plus en plus salué après 2000, Hooper fut acclamé à la Quinzaine de réalisateurs de Cannes en 2014, lors de la sortie d’une version restaurée de son chef d’œuvre, classé X et pratiquement interdit en France jusqu’à 1981. Tourné pour 300 000 dollars, il en a rapporté 30 millions. Précurseur du genre slasher, le film a connu cinq suites, dont Massacre à la tronçonneuse 2, tourné par Hooper en 1986).
Source : « George A. Romero s’efface derrière ses zombies » (Jean-François Rauger), Le Monde, 18 juillet 2017, p. 18 ; https://en.wikipedia.org/wiki/Night_of_the_Living_Dead
https://en.wikipedia.org/wiki/The_Texas_Chain_Saw_Massacre
Contrairement à la dépolitisation dans le passage à l’écran que constate Jason Read (voir son article dans la Web-revue) dans le cas des personnages Marvel, les adaptations de l’univers des comics EC des années 1950 de Romero furent imprégnées d’une indéniable force critique. Les comics (surtout ceux de la marque EC) furent sévèrement critiqués à l’époque par des psychologues et des pédagogues bien-pensants. Après être passé, comme tant d’autres artistes, par le monde de la publicité, Romero s’inscrit bien dans la contre-culture des années 1960 dans son désir de « faire un film très choquant, de pousser le bouchon un peu plus loin ». Pour ce faire, il a déplacé la figure du zombie, jusque-là confinée à Haïti ou à d’autres contrées exotiques, au cœur des États-Unis, où elle incarne le retour du refoulé de la société de consommation.
La même dimension politique est présente dans la série The Walking Dead, mais latente et ambiguë ; Romero lui-même a rejeté cette dernière comme « un soap avec un zombie de temps en temps ». La figure du zombie (ou du vampire, son cousin chic), posée en termes pseudo-scientifiques, est la figure allégorique et masochiste d’une apocalypse venue ou à venir. Figure qui s’est avérée finalement très populaire et très rentable. Le contexte historique ici, c’est le déferlement de la mondialisation néolibérale depuis les années 1980, tout aussi anthropophage à sa façon (des vies, des classes sociales, des régions, des pays entiers).
Quant aux conséquences théoriques générales à tirer de cette consécration tardive (et méritée) de Romero, je donne la parole au théoricien allemand Robert Kurz, fondateur de l’école dite « la critique de la valeur » : « [L]es mouvements contestataires ou subcultures « non commerciaux » furent transformés à terme en ressource de l’industrie culturelle. Ce qui avait débuté comme subversion culturelle et contre-culture constituait, en vérité, une sorte de réserve naturelle pour le capital de l’industrie, qu’il fallait périodiquement brouter ou exploiter, au même titre que la vieille haute culture bourgeoise qui restait, en quelque sorte, encore extérieure. Après la Seconde Guerre mondiale, ces deux ressources allaient perdre leur autonomie relative ; tandis que la haute culture bourgeoise dépérit tout simplement, et ne pouvait plus être utilisée que comme du bois mort, les subcultures, elles, se réduisirent de plus en plus à l’état de pépinières capitalistes »*.
Comme l’affirme Kurz, la question des subcultures populaires restait en dehors de l’horizon d’Adorno et de Horkheimer, plus concernés par le rôle joué par l’industrie culturelle dans le déclin de la haute culture, à une époque où la radio commerciale américaine continuait à diffuser de la musique classique. Selon Olivier Voirol, Adorno a quelque peu nuancé ses arguments dans les années 1960 (référence ci-dessous). Depuis les années 1940, le jazz, tant stigmatisé par Adorno, a été largement reconnu comme une musique savante, et de patrimoine, tout comme sa descendance encore plus barbare, le rock, qu’il eût détesté encore plus. Bob Dylan a reçu le prix Nobel de littérature en 2016, et Mick Jagger, harcelé par la police dans les années 1960, a fini par être anobli en 2003 sur proposition du Premier ministre de l’époque, Tony Blair. Comme Paul McCartney en 1997. Autrefois marginalisés, les grands noms du rock ne comptent plus leurs admirateurs parmi l’establishment néolibéral.
Il s’ensuit un état d’urgence de la valeur d’usage, et la menace d’un lent déclin, selon Kurz. « … [L]e réapprovisionnement en termes de contenu ne se fait plus. Après le dépérissement de la vieille haute culture bourgeoise, la subculture subit le même sort. Il n’existe plus que de pseudo-contre-cultures, elles-mêmes déjà façonnées en fonction des besoins de l’industrie culturelle »**. En l’absence du sang neuf apporté par des contre-cultures « authentiques », résistantes à la récupération immédiate, l’industrie culturelle est condamnée à ressasser, à remixer, et à resucer les créations du passé, sans rapport au vécu.
On peut toujours discuter des mérites de telle ou telle création populaire, sans céder à des jugements prescripteurs. Il est plus important dans le contexte actuel de réaffirmer que l’industrie culturelle est « l’instrument le plus sensible du contrôle social » (Adorno et Horkheimer), argument plus politique qu’esthétiquement normatif. Il n’est plus de forme culturelle qu’on ne peut détourner à des fins publicitaires ou commerciales. Ce qu’Adorno et Horkheimer décrivent, parfois malgré eux (l’incompréhension d’Adorno à propos du jazz fait écran à l’argument), c’est la relation vampirique entre l’industrie culturelle et la culture, que cette dernière soit populaire ou savante. Par-dessus tout, ils présagent le moment actuel où, mondialisation et privatisation obligent, toute distinction entre économie et culture s’est effondrée. Place aux zombies et aux psychopathes…
* Robert Kurz, « L’industrie culturelle au XXI siècle », Illusio, 12/13, 2014. Théorie critique de la crise, Les Bords de l’eau, Bordeaux, p. 56. Pour une très bonne introduction à Kurz, voir l’article d’Anselm Jappe ici.
** idem, p. 57 . Le texte d’Adorno et Horkheimer en question : Kulturindustrie, Éditions Allia, 2012, ou « La production industrielle des biens industriels » dans La Dialectique de la raison, Gallimard, 1974 (traduction par Éliane Kaufholz, publication originale en 1947). Sur l’actualisation politique du concept « industrie culturelle », lire Enzo Traverso, « Adorno et les antimonies de l’industrie culturelle« , Communications, 91, 2012/2 ; Olivier Voirol, « Retour sur l’industrie culturelle« , Réseaux, 166, 2012, pp. 125-57.
Voir dans la Web-revue « »The Walking Dead » : survivre en milieu apocalytique » d’Anne-Lise Melquiond. Voir aussi l’entrée sur The Walking Dead, Actualités #26, décembre 2014. Lire le post intéressant du philosophe marxiste Jason Read sur les films de zombies (en anglais). Pour une appréciation politique de Romero venant de l’extrême gauche, voir le texte (en anglais) du blogeur Louis Proyect, https://louisproyect.org/2017/07/17/george-romero-1940-2017-zombie-politics/
Les algorithmes et la crise financière à venir
Dix ans après l’éclatement de la crise financière de 2007 (dite de « subprimes », ou de prêts à haut risque), de nouvelles menaces pointent à l’horizon. La dette du monde entier, publique et privée, est passée de 190 % à 230 % de l’ensemble des PIB (produit intérieur brut) entre 2001 et 2017. Même si la mouture définitive d’une nouvelle loi n’a pas encore été votée, l’administration Trump a néanmoins signé un décret le 3 février supprimant la loi Dodd-Frank de 2010, accusée d’avoir trop bridée les banques, en restreignant le crédit immobilier.
Même si les régulateurs ont appris de la crise de 2007, notamment en limitant l’effet de levier (où une entreprise rachète une autre, plus grande, avec des crédits dépassant largement sa propre valeur), le capital-investissement n’est pas un monde homogène. Le danger principal vient des algorithmes, qui pourraient rendre une prochaine bulle extrêmement imprévisible, en raison des « flash crashs », désormais un phénomène récurrent sur les marchés financiers. Le 21 juin 2017, sur le marché de l’éther, une monnaie virtuelle comme bitcoin, une baisse de presque 5% s’est produite en 450 millisecondes. Le 26 juin, le prix de l’once d’or a soudain chuté de 1,6% avec des volumes d’échange qui ont décuplé pendant une minute (1,8 million d’onces échangées, plus que l’ensemble des réserves d’or de la Finlande). Le flash crash le plus célèbre a vu l’indice Dow Jones (New York) plonger de 5% en vingt minutes le 6 mai 2010, avant de rebondir.
Tous ces incidents, sans conséquence durable pour l’instant, sont dus aux algorithmes qui programment des ordres d’achat et de vente automatiquement, jouant sur les mini-irrégularités des cours pendant des nanosecondes pour dégager un microbénéfice démultiplié. Déjà sur le flash crash de 2010, une enquête de la Securities and Exchange Commission, avait pointé du doigt la responsabilité du courtage informatique, qui accentue des erreurs humaines.
Un prochain crash sous l’effet de l’intelligence artificielle appliquée – car c’est de cela qu’on parle – ne manquera pas d’influer, directement ou indirectement, sur les contenus de l’industrie culturelle, en prolongeant par exemple les thèmes des films comme Terminator, et en inventant d’autres. Quoi qu’il en soit, les diverses figures déclinant l’apocalypse pressentie (la fin du capitalisme = la fin du monde) ont de beaux jours devant elles, en l’absence de projets politiques réellement alternatifs, et désirables.
Sources : « Les germes de la prochaine tempête financière » (Éric Albert, Isabelle Chaperon, Stéphane Lauer), Le Monde, 9-10 juillet 2017, supplément Éco & Entreprise, pp. 2-3 ; « Dans l’attente du prochain choc économique » (éditorial), ibid, p. 26.
Les traders automates préfigurent la notion transhumaniste de la Singularité, le point de non-retour où les machines intelligentes se libèreraient des contraintes imposées par leurs créateurs humains, et se programmeraient elles-mêmes. Dans l’idéologie (délirante) de la Silicon Valley, incarnée par le prophète futuriste Ray Kurzweil, directeur d’ingénierie chez Google, cela passe par le désir assumé d’un marché entièrement rationalisé par la machine, sans État, sans irrégularités, sans crises. Un capitalisme cybernétique, virtuel et éternel. Certes, la plupart des spécialistes en intelligence artificielle ne partagent ni la vision de Kurzweil, ni son optimisme, mais l’idée d’un dépassement de l’intelligence humaine est inscrite dans la logique même de la recherche dans ce domaine.
Dans Le Capital, Marx avait déjà parlé de la valeur comme un « sujet automate »* (automatisches Subjekt) dans sa transformation cyclique et continue de capital-argent en capital-marchandise, et de nouveau en capital-argent (A-M-A’). La domination d’un agent social n’est que la traduction politique et juridique de ce mécanisme. De nos jours, la dette elle-même est une marchandise fongible sur les marchés financiers, soit le cycle A-A’, sans passer par la production matérielle. Une expérience dans la pensée se suggère : celle des échanges de valeurs fictives à l’infini, sans intervention humaine à aucun niveau, où la distinction entre capital-argent et capital-marchandise n’a plus cours. On est, bien sûr, dans la science-fiction…
Pour le critique américain Fredric Jameson, tout cela fait partie de la logique ultime du capital financier, qui tend vers une autonomie absolue par rapport au réel, d’où le dépassement du projet moderniste dans un monde « postmoderne », qui voit la culture (voire la vie !) totalement colonisée par le rapport marchand. Au point où il n’y aurait plus de « dehors » ; c’est la définition même de la subsomption réelle au capital**. Comme l’écrit Jameson : « C’est ce que le capital financier amène à l’existence : un jeu d’entités monétaires qui n’ont besoin ni de la production (comme le capital) ni de la consommation (comme l’argent), qui peuvent suprêmement, comme dans le cyberespace, vivre de leurs métabolismes internes, et circuler sans la moindre référence à l’idée de contenu dans l’ancien sens »***.
* Le Capital 1, chapitre IV, PUF, 1983 (traduction Lefebvre), p. 173. Le membre de phrase contenant ce terme ne figure pas dans la première traduction de Roy (1872).
** Jason Read, The Micro-Politics of Capital. Marx and the Prehistory of the Present, State University of New York Press, 2003, p. 133 (et chapitre 3 dans l’ensemble).
*** Fredric Jameson, « Culture and Finance Capital », Critical Inquiry, 24 : 1, automne 1997, p. 265 (je traduis), repris dans The Cultural Turn : Selected Writings on the Postmodern, 1983-1997, Verso (London, New York), 1998, 2009. Texte important dont la première version se trouve désormais en ligne : http://sydney.edu.au/arts/slam/downloads/documents/novel_studies/sem1_2017/2_May_Reading1.pdf. Lire aussi dans la Web-revue, la présentation de Jameson par Thierry Labica.
Sur le transhumanisme, voir Actualités #28, février 2015. Sur l’intelligence artificielle, Actualités #53, mai 2017 ; Actualités #40, mars 2016 ; Actualités #33, juillet-août 2015. Sur la dette et le capital fictif, Actualités #32, juin 2015. Sur les inquiétudes à propos de l’apprentissage automatique, Actualités #37, décembre 2015.
Facebook : vers un monde meilleur ?
Un habitant de la Terre sur quatre est désormais abonné à Facebook : le 27 juin, celui-ci a passé le cap des deux milliards d’utilisateurs. Jamais aucune entreprise de média ou de télécommunications n’a rassemblé autant d’individus. Le premier journal anglophone au monde, le Times of India a 20 millions de lecteurs payants, et l’ensemble des opérateurs de câble et de téléphone aux États-Unis ne dépasse pas les 100 millions d’abonnés. Pour le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, il s’agit non seulement de connecter le monde, mais aussi de « donner le pouvoir aux gens de construire des communautés pour un monde plus proche ». Autrement dit, un projet idéologique qui ne dit pas son nom, qui fait écho lointain du « village planétaire » de McLuhan : une organisation sociale encadrée par Facebook, et emballée dans une vision ouverte, humaniste et bienveillante.
Facebook n’est plus un simple réseau, un transporteur d’information, mais est devenu un média qui produit de l’information, la trie, la met en scène, et la censure ; de plus en plus, il propose (et impose) un regard sur le monde. 4500 personnes sont employées pour supprimer plus de 60 000 messages par mois, jugés inappropriés ou choquants, par Facebook de son propre chef, ou suite à la demande des autorités dans un pays.
Facebook vient de se lancer dans l’achat et la production de contenus (droits sportifs, séries télévisées, films) visant les jeunes de 17 à 30 ans. Le discours humaniste de Zuckerberg accompagne donc une stratégie plus terre à terre : siphonner de la manne publicitaire aux chaînes de télévision. Google et Facebook captent déjà à eux seuls plus de la moitié du marché publicitaire américain (et plus encore en Europe). Au deuxième trimestre 2017, les bénéfices de Facebook sont montés à 3,89 milliards de dollars (3 milliards au premier trimestre) pour un chiffre d’affaires de 9,32 milliards (8 milliards au premier trimestre).
Devenus eux aussi des quasi-médias, et donc de futurs rivaux, Google, Apple, Netflix et Amazon investissent également dans le contenu, d’abord dans le divertissement, et peut-être un jour dans l’information.
Sources : « D’un monde connecté à un monde meilleur » (Philippe Escande), Le Monde, 29 juin 2017, supplément Éco & Entreprise, p. 1 ;
https://francais.rt.com/international/31007-regles-secretes-censure-facebook ; https://www.blogdumoderateur.com/facebook-q2-2017/
Sur la fondation caritative de Zuckerberg, voir Actualités #38, janv. 2016. Sur les relations entre Facebook et la presse d’information, Actualités #54, juin 2017.
Le jeu vidéo sous surveillance en Chine
Le groupe Tencent, connu notamment pour son réseau social Wechat (800 millions d’abonnés), vient d’annoncer qu’il allait limiter le temps de jeu pour les mineurs de son jeu phare L’Honneur des rois (Wangzhe rongyai, voir vidéo ci-dessous). Avec 200 millions d’inscrits, dont plus de 50 millions de joueurs qui s’y adonnent quotidiennement, ce jeu vidéo heroic fantasy sur mobile est le plus populaire au monde actuellement. Depuis le 4 juillet, les enfants de moins de 12 ans sont limités à une heure de jeu par jour, et les moins de 18 ans, deux heures.
La décision intervient après des critiques parues dans la presse, qui accusaient les jeux de Tencent, jugés trop addictifs, de pervertir la jeunesse. Le Quotidien du peuple, porte-parole officieuse du Parti communiste chinois, a publié des articles accusant Tencent de manquer de responsabilité. En mai, le ministère de la Culture avait mis en place des règles imposant aux éditeurs de limiter la durée de jeu pour les mineurs.
Si Tencent a dû s’incliner devant le pouvoir politique, ses investisseurs ont peu apprécié le geste, et le jour de l’annonce, le titre a perdu 5 % en Bourse. L’Honneur des rois représente à lui seul près de la moitié du chiffre d’affaires généré par le groupe dans les jeux en ligne, soit plus de 10 % de ses revenus. Cette panique morale est symptomatique d’un régime mariant parti unique, économie de commande, et économie de marché dans une synthèse instable, où le pouvoir politique doit périodiquement faire des exemples du secteur privé pour réaffirmer son autorité.
Sources : « Le Chinois Tencent victime du succès de ses jeux vidéo » (Simon Leplâtr), Le Monde, 7 juillet 2017, supplément Éco & Entreprise, p. 8 ; http://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/01/07/l-honneur-des-rois-le-jeu-sur-mobile-aux-50-millions-d-adeptes_5059217_4408996.html
Sur la censure en Chine, Actualités #27, janv. 2015. Article dans la web-revue sur le marché de la vidéo en ligne en Chine ici.
L’avant-dernière saison de « Game of Thrones »
Forte de sept épisodes, la saison 7, diffusée en juillet-août, est l’avant-dernière de la saga. Les deux showrunners, D. B. Weiss et David Benioff, travaillent sur cinq séries dérivées en préparation, ce qui explique le retard pris sur la saison 7, et en toute probabilité sur la saison 8, qui pourrait n’être diffusée qu’en 2019. Selon le directeur de la programmation de HBO, Casey Bloys, « la période de diffusion sera donnée quand l’avancée de l’écriture sera suffisante ».
Le budget de la saison 7 a été plus important que celui des saisons précédentes. Les chiffres sont confidentiels, mais on prétend de bonne source qu’il a augmenté de 40 %, alors que le prix d’un épisode était déjà de 10 millions de dollars, ce qui le ramène désormais à 14 millions. « Cette inflation de moyens se verra à l’écran, dit Robert McLachlan, directeur de la photographie. Avant , nous avions une ou deux séquences vraiment folles par saison, un ou deux épisodes majeurs. Cette année, environ la moitié d’entre eux sont énormes ». On en jugera…
L’augmentation du budget s’explique aussi par une renégociation du salaire des stars pour les saisons 7 et 8, habituelle vers la fin d’une série quand l’engagement des acteurs principaux devient primordial (le contre-exemple à cet égard, c’est la fin lamentable des X-Files en l’absence de David Duchovny (Fox Mulder) après une dispute à propos du montant de son salaire). Ainsi, les salaires des acteurs « principaux » de Game of Thrones sont passés de 300 000 dollars par épisode à environ 500 000 (plus ou moins selon les contrats). Or dans Game of Thrones, ceux-ci sont nombreux. À titre de comparaison, les deux acteurs principaux de The Walking Dead viennent de renégocier leur contrat pour les saisons 6, 7, et 8, passant à 650 000 dollars l’épisode.
Cela veut dire que ceux-ci seront désormais plus présents à l’écran, aux dépens des personnages secondaires pléthoriques qui font partie de l’ADN de la série. « Les scénarios se concentrent sur eux, explique Kit Harington (Jon Snow), et il y a moins de nouveaux personnages. Par ailleurs, et c’est ce que les fans attendaient depuis longtemps, ils vont se croiser davantage ». Les dernières saisons feront jurisprudence quant à une fin satisfaisante d’une série à personnages multiples, après le ratage partiel (aux yeux des fans) de The Sopranos, et total de Lost.
Source : « »Game of Thrones », la fin approche » (Cédric Melon), Télécâblesat Hebdo, #1419, 10 juillet 2017, pp. 8-9.
Lire les autres articles de la rubrique.
Professeur des universités – Paris Nanterre – Département information-communication
Dernier livre : « Les séries télévisées – forme, idéologie et mode de production », L’Harmattan, collection « Champs visuels » (2010)