La Web-revue : de la Kulturindustrie d’hier aux industries culturelles, créatives et numériques d’aujourd’hui, s’est ouvert un champ interdisciplinaire pour tous ceux dont les recherches interrogent la culture populaire industrialisée et les médias. Cette rubrique propose de suivre les actualités des industries culturelles et numériques du côté des acteurs professionnels, qui sont souvent divisés quant à la bonne stratégie à adopter face à l’innovation constante, d’où des débats « internes » dont doit tenir compte l’approche critique de la Web-revue.
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La fabrique de chansons de plus en plus industrielle
Même en tenant compte des revenus provenant des concerts, et des droits annexes, l’industrie musicale (qui valait 15 milliards de dollars en 2014) a perdu la moitié de son chiffre d’affaires depuis les années 1990. Vu rétrospectivement, le succès relatif, mais de plus en plus menacé, d’iTunes a été une victoire pyrrhique : alors qu’on vendait autrefois des albums sur support physique (CD) à 15 dollars, on doit maintenant vendre (dans le meilleur scénario) des chansons individuelles en ligne à 99 cents, ce qui représente déjà une baisse de revenus de l’ordre de 46%. Quant aux revenus engendrés par des sites de streaming, partagés de manière opaque entre éditeurs et interprètes, ils sont encore plus réduits. Interviewée dans un livre remarqué sur l’industrie écrit par le journaliste du New Yorker John Seabrook (The Song Machine, 2015, sorti en français, 2016*), la chanteuse country Rosanne Cash prétend n’avoir touché que 104 $ pour 600 000 écoutes en ligne. Le modèle d’affaires fondé sur la vente massive de disques enregistrés n’a pas résisté à la disponibilité numérique gratuite ou peu coûteuse, mais l’industrie ne dépend pas moins de la production continue de tubes internationaux chantés en anglais pour survivre, ou pour ralentir son agonie.
La question de l’apport créatif des uns et des autres est essentielle ici. Contrairement à la théorie de la longue traine avancée par Chris Anderson dans la revue Wired en 2004, la numérisation favorise la concentration des revenus. En 2015, rapporte Seabrook, 77% des profits de l’industrie musicale furent réalisés par 1% des artistes. Un tel niveau de concentration fragilise l’industrie, d’autant que les artistes en question sont eux-mêmes dépendants d’un petit nombre de compositeurs, qui seuls sont capables de fabriquer des tubes année après année.
Dans l’enquête de Seabrook, il s’avère que l’origine de la pop internationale d’aujourd’hui est suédoise, à savoir les studios Cheiron à Stockholm, fondés en 1992 par le producteur Denniz PoP (Dag Krister Volle), qui a écrit le tube « We’ve got it goin’ on » pour le boy band The Backstreet Boys. PoP est mort jeune d’un cancer de l’estomac en 1998, et son studio a fermé en 2000, mais son legs a été repris et amplifié par son protégé Max Martin (Martin Sandberg), à qui on doit le premier tube de Britney Spears (« Baby one more time »), sorti en 1998. Pour la petite histoire, le refrain « hit me baby one more time », loin d’être un hymne sadomasochiste dans l’air du temps, signifiait, dans l’anglais un peu approximatif de Martin, « envoie-moi un mail, bébé, encore un ». L’usage non idiomatique du sens argotique de baby – déjà vieillot – est responsable du mémorable contresens dans le tube pop-reggae des Suédois Ace of Base en 1993 (écrit par Denniz PoP) : « All that she wants is another baby », où le contexte indique qu’il s’agit d’un nouveau petit ami, et non pas un autre enfant.
Qu’importe, les paroles sont assez secondaires dans ce genre de production. Pendant l’été 2016, Martin, créateur de tubes pour Katy Perry, Pink et surtout Taylor Swift, a coécrit son 21e numéro 1 dans les charts américains : « Can’t feel my face » par The Weeknd (sic). Seuls John Lennon (26) et Paul McCartney (32), collectivement ou individuellement, ont fait mieux. Avec ses pairs, les Norvégiens de Stargate (qui ont écrit la plupart des tubes de Rihanna), et l’Américain Dr Luke (Lukasz Gottwald), qui a écrit pour Nicki Minaj et Miley Cyrus, Martin fait partie d’un petit nombre de compositeurs responsables (coupables ?) de la plupart des hits depuis le début du millénium. Que des Scandinaves y figurent en bonne place n’est pas surprenant, étant donné que c’est le groupe suédois en costumes satinés, Abba, qui a esquissé la formule de la pop internationale dans les années 1970 : à la fois entraînant et mécanique, émotionnelle et sans âme, avec des mélodies efficaces sans racines nationales marquées.
Selon Seabrook, il existe historiquement deux grandes traditions de variété internationale : une branche qui descend de la pop music européenne, et une autre qui descend du R & B (rhythm and blues) noir. « Les premiers sont dotés de mélodies plus longues, progressives, avec une distinction couplet-refrain plus nette, et sont peaufinés dans les moindres détails. Les seconds possèdent un groove rythmique surmonté d’une accroche mélodique chantée, le « hook » qui est répété tout au long du morceau. Cette distinction entre pop et R & B, qui aux États-Unis est autant une affaire de couleur de peau que de musique, est moins marquée en Suède. […] Max Martin et ses acolytes suédois ont inventé un hybride transgenre : une pop music dotée d’un feeling du R & B […], grâce aux méthodes de travail développées à Stockholm dans les années 1990 au sein des Cheiron Studios ».
Quelles sont ces méthodes de travail ? Tout simplement, selon Seabrook, une division accentuée des tâches, comme dans l’écriture des séries télévisées, ce qui rend collaboratif le processus de composition : « Personne n’est propriétaire de son travail. Les auteurs compositeurs se voient assignés différentes parties de morceaux : […] un refrain, un pont ou un hook ». Le chanteur suédois E-Type : « J’ai l’impression d’être dans un atelier d’un maître italien du XVe ou XVIe siècle. Un assistant réalise les mains, un autre s’occupe des pieds, et l’autre d’encore autre chose ».
En fait, l’écriture et la production des chansons sont devenues complètement rationalisées. La voix est assemblée numériquement, syllabe par syllabe, à partir de nombreuses prises de notes à différentes hauteurs (comping), qui donnent – artificiellement – le feeling R & B. Toute une équipe compose à partir d’une même base instrumentale (track and hook), avec une mélodiste topliner, la chanteuse, qui partage les droits. Dans cette division du travail, un collectif d’hommes écrit les chansons, et une jeune femme est chargée d’y insuffler un peu d’âme, qui passe le plus souvent par l’exhibition (« bad girl ») sur scène et dans des clips d’une sexualité débridée.
* John Seabrook, Hits ! Enquête sur la fabrique des tubes planétaires, La Découverte, 2016
Pour une critique (en anglais) de Seabrook, voir Michelangelo Matos : http://theconcourse.deadspin.com/john-seabrooks-pop-music-treatise-the-song-machine-is-h-1736113168
Interview (en anglais) avec Seabrook en 2000 (ou 2001) à propos de la chaîne musicale MTV : http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/cool/interviews/seabrook.html
Sources : https://www.theguardian.com/music/2015/nov/04/john-seabrook-song-machine-review-pop-music ; http://www.nytimes.com/2015/10/18/books/review/the-song-machine-by-john-seabrook.html ; http://www.franceculture.fr/personne-matthieu-conquet.html ; http://www.billboard.com/articles/news/6738318/why-solo-songwriters-are-no-longer-todays-hitmakers
écrit par Denniz PoP (1993)
écrit par Max Martin (1998)
coécrit par Dr Luke, Max Martin et Cirkut (2013)
coécrit par Taylor Swift, Max Martin, Shellback et Kendrick Lamar (2015)
Ubisoft veut transformer à terme les jeux vidéo en « tourisme » virtuelle (jeux monde)
De l’environnement népalais (Far Cry 4) à la reconstitution de Paris à l’époque des Templiers (Assassin’s Creed Unity) en passant par un New York futuriste dystopique (Tom Clancy’s The Division), chaque jeu d’Ubisoft se présente comme un lieu de visite. Serge Hascoët, directeur créatif d’Ubisoft depuis seize ans, aimerait désormais s’orienter vers des mondes virtuels. « Le jeu devient moins important pour nous. Ce qui m’intéresse, c’est de faire des mondes qui seraient intéressants en tant que touriste », dit-il.
Il y a deux ans, Ubisoft a décidé de renoncer en grande partie à la narration classique. Selon Élisabeth Pellen, directrice adjointe de sa cellule éditoriale : « On s’oriente de moins en moins vers des jeux avec un début et une fin, et de plus en plus vers des jeux basés sur un monde, un contexte, et dans lequel le joueur développe son propre style ». Pour mettre en place des « jeux monde », l’éditeur français a consacré des moyens conséquents : 26 studios répartis en France, en Suède, à Singapour et au Canada, plus de 10 000 employés (un record dans le jeu vidéo), et des budgets évalués à plus de 80 millions d’euros, hors marketing, pour chaque superproduction, dont le développement prend trois à quatre ans.
Au sein de la division éditoriale d’Ubisoft, Tommy François, directeur franco-américain, créatif, et ancien animateur de la chaîne de câble Game One, est chargé du pilotage des missions de repérage sur place. Il a envoyé une cinquantaine de personnes trois fois à New York pour The Division, et une semaine en Bolivie pour le jeu Ghost Recon Wildlands, basé sur le monde des narcotrafiquants, et dont la sortie est prévue en 2017. « Nous avons une base de données numérique, avec des vidéos sur la transformation de la coca, des photos de criminels, des reconstitutions de prisons, des interviews avec des repentis », dit-il.
Ubisoft doit néanmoins améliorer son point faible, la structure identique d’un jeu à l’autre, avec des missions répétitives. « On y travaille, insiste Tommy François. Les concepteurs du prochain Assassin’s Creed ont créé un système dans lequel ce que je fais a non seulement du sens à l’instant, mais a également du sens à long terme. Mes actions vont changer le monde ». Un autre projet secret devrait introniser cette nouvelle approche « touristique ». Dans l’immédiat, Ubisoft s’applique à repousser la tentative de Vincent Bolloré (Vivendi), actionnaire inamical et redouté (les déboires de Canal+), de placer des personnalités acquises à lui au conseil d’administration. Les créatifs (80% des effectifs), qui menacent de partir en cas d’intervention de Bolloré dans la gestion de l’entreprise, font valoir que le développement d’un jeu à succès n’est pas compatible avec la recherche du profit à très court terme, et que Far Cry et The Division ont pataugé avant de s’imposer commercialement.
L’enjeu à terme pour Ubisoft, c’est de se transformer en producteur d’expériences de réalité virtuelle, dont la démocratisation est prévue aux environs de 2025.
Sources : « Chez Ubisoft, l’arrivée de Bolloré inquiète les créatifs » (Sandrine Cassini) ; « Faire de chaque jeu une expérience de réalité virtuelle (William Audureau), Le Monde, 30 sept. 2016, supplément Éco & Entreprise, p. 8 ; Interview vidéo avec Tommy François.
La télévision s’intéresse aux courses de drones
Premier groupe européen de télévision payante, la chaîne de satellite Sky TV (britannique, groupe Murdoch) vient de conclure un accord d’un million de dollars avec la Drone Racing League (DRL) américaine pour diffuser dix épisodes d’une heure de courses de drones. Cet accord intervient après le contrat signé entre la Drone Sports Association, organisation concurrente de la DRL, avec la chaîne ESPN pour diffuser des compétitions aux États-Unis, et avec 7Sports pour l’Europe.
La DRL propose un concept original. Les courses auront lieu dans des endroits clos et insolites (centre commercial désaffecté, stade vide, tunnel ferroviaire, immeuble déserté). Les images ne seront pas diffusées en direct, mais feront l’objet d’un montage, et d’une mise en scène ayant largement recours à la vision en immersion (FPV, first person view). Douze pilotes sous contrat se mesurent lors de chaque course.
Se situant entre jeu vidéo et course d’automobiles (avec force crashs spectaculaires sans conséquence), ce « sport » est vu comme disposant d’un gros potentiel médiatique. En France, Eurosport a entamé des discussions pour 2017 avec l’European Rotor Sport Association (Ersa), dont les compétitions se déroulent en public, et seraient retransmises en direct, plus proche donc des événements sportifs classiques. L’avenir dira si ce nouveau sport s’imposera à la télévision, et sous quelle forme.
Source : « La télévision commence à se prendre au jeu des courses de drones » (Jean-Michel Normand), Le Monde, supplément Éco & Entreprise, 18-19 sept. 2016, p. 8.
Steven Spielberg signe un partenariat avec le géant chinois, Alibaba
Le 9 octobre, le réalisateur et producteur Steven Spielberg (Dents de la Mer, Rencontres du troisième type, E.T. l’extraterrestre, Jurassic Park, Indiana Jones, La Liste de Schindler, Il faut sauver le soldat Ryan, A.I. Intelligence artificielle, Minority Report, La Guerre des mondes, Lincoln, Le Pont des espions) a officialisé un partenariat avec Alibaba, le géant chinois du commerce en ligne. Alibaba Pictures, une division spécialisée de la maison mère, va entrer dans le capital d’Amblin Partners*, qui a pris la suite de DreamWorks Studios en décembre 2015**. Le montant de l’opération n’a pas été précisé, mais devrait être à la mesure de l’importance pour les producteurs américains du marché chinois, désormais deuxième au monde.
Le partenariat entre les deux sociétés comporte deux volets. D’une part, la distribution, la promotion et le merchandising en Chine des films produits par Amblin. D’autre part, la coproduction et le cofinancement. « Nous allons pouvoir apporter davantage de Chine aux États-Unis, et davantage d’États-Unis en Chine », s’est exclamé Spielberg, lors d’une conférence de presse à Pékin en compagnie de Jack Ma, fondateur et patron d’Alibaba.
Amblin espère tirer profit de la forte croissance du box-office chinois, qui a généré 44 milliards de yuans (5,9 milliards d’euros) de revenus en 2015 (+49% par rapport à 2014). Le cabinet d’audit et de conseil PricewaterhouseCoopers estime que ce marché atteindra 9,2 milliards d’euros en 2017, dépassant le marché américain. En même temps, Amblin, comme d’autres producteurs hollywoodiens, traverse des difficultés financières, en raison des performances décevantes de ses derniers films (Le BGG de Spielberg entre autres). Alibaba Pictures, qui jusqu’ici s’est limitée à participer au financement de films hollywoodiens (Mission impossible : Rogue Nation, 2015), s’apprête à produire ses premiers films, après avoir acheté 60% du studio ChinaVision pour 800 millions de dollars en 2014. Mais Alibaba n’est pas seul sur ce créneau. Un autre mastodonte chinois se rapproche, lui aussi, de Hollywood. En septembre 2016, Dalian Wa, dirigée par Wang Jianlin, première fortune d’Asie, a conclu un partenariat avec Sony Pictures, après avoir racheté les studios Legendary Entertainment (Jurassic World, 2015) pour 3,5 milliards de dollars, en plus de la chaîne de télévision AMC.
L’entrave principale pour les investisseurs américains, c’est que le marché chinois reste encore très protectionniste. Seuls 34 films étrangers sont autorisés chaque année, et seulement 25% du prix de chaque billet revient aux sociétés étrangères (contre 50% aux États-Unis). Dans les circonstances, la coproduction se présente comme une solution intéressante, à condition qu’au moins un rôle principal soit réservé à un acteur chinois, et que le film ne montre pas la Chine (et sous-entendu son régime) sous une lumière négative. Déjà, pour obtenir l’une des 34 autorisations, les studios américains n’hésitent pas à adapter leurs scénarios.
Pour ces raisons, l’influence grandissante de la Chine inquiète, et en septembre, plusieurs parlementaires américains ont saisi l’administration fédérale, accusant les producteurs hollywoodiens de pratiquer l’autocensure. « Ce n’est pas irréaliste de penser que la Chine cherchera à diffuser sa propagande prorégime par l’intermédiaire des entreprises américaines qu’elle détient », s’alarmait le 6 octobre un éditorial du Washington Post (libéral, et non pas conservateur : modification faite, 14 nov.).
* amblin'(g) = cheminant (en traînant le pas)
** Les studios appartenant à Spielberg et le catalogue de celui-ci, groupés dans la société Amblin Entertainment, ont été intégrés dans un nouvel ensemble, Amblin Partners, composé de DreamWorks Studios, Participant Media, Reliance Entertainment, et e-One, afin de lever des fonds auprès des partenaires et de la banque J.P. Morgan (en l’occurrence, 800 millions de dollars).
Source : « Steven Spielberg se tourne vers la Chine » (Jérôme Marin), Le Monde, supplément Éco & Entreprise, 11 oct. 2016, p. 12.
Sur l’industrie du cinéma en Chine, voir aussi Actualités #9 (mai 2013) et Actualités #27 (Jan. 2015).
Twitter ne trouve pas d’acheteurs pour l’instant
Pour véritable phénomène social qu’il soit (17 millions de tweets lors du second débat entre Hillary Clinton et Donald Trump), Twitter n’a jamais eu de modèle économique viable, et se trouve de plus en plus dans l’impasse. Au second trimestre de 2016, le réseau social a enregistré une perte de 107 millions de dollars pour un chiffre d’affaires néanmoins en hausse de 20%, à 535 millions de dollars, mais loin des 2,8 milliards espérés. Encore plus inquiétant, le nombre d’utilisateurs stagne : 313 millions en 2016 contre 304 millions en 2015. Twitter doit donc trouver un repreneur qui voit en lui un véritable intérêt stratégique, et lui ouvre les cordons de la bourse ; la survie est à ce prix. Or ce repreneur manque cruellement. Disney, Salesforce et Google, qui avaient sérieusement étudié le dossier, ont tous fini par renoncer. Le 10 octobre, le titre a encore dégringolé de 11% à la Bourse de New York, portant sa chute à 30% en cinq séances. Twitter vaut désormais 12 milliards de dollars, soit 2 milliards de moins que lors de son introduction en Bourse en 2013.
Pour Michael Pachter, directeur de la recherche chez Wedbush Securities et spécialiste de l’économie numérique, « Twitter est trop cher. Ils ne font pas suffisamment de profits et ne dégagent pas assez de cash ». Eleni Marouli, analyste responsable de la publicité chez IHS Markit, va dans le même sens : « La société cherche à obtenir entre six et huit fois ses revenus estimés pour 2016. Son prix est particulièrement élevé, et ce, alors qu’elle est à la traîne de ses concurrents. Twitter n’est pas assez vieux pour être assez gros que Facebook, mais est trop âgé pour enregistrer des taux de croissance à la Snapchat. C’est une acquisition chère et risquée ».
L’acquéreur naturel aurait pu être Google, absent des réseaux sociaux, en raison des synergies publicitaires possibles. Mais Google a jugé que Twitter, déjà cher, était trop petit pour changer la donne de manière significative. Disney, qui n’avait pas vraiment besoin de le racheter pour distribuer ses contenus, craignait la possibilité de transmettre des données confidentielles à ses concurrents via Twitter. Quant à Salesforce, éditeur de solutions de l’informatique délocalisée (cloud computing), qui voulait faire du réseau social un outil au service de la relation client, ce sont ses propres investisseurs qui ont pris peur à l’idée du rachat.
« Je suis sûr que l’un de ces trois acquéreurs potentiels pourrait être intéressé si le prix était plus bas », affirme Michael Pachter. En attendant, Twitter a entamé un virage vers les médias, mettant l’accent sur la vidéo et devenant un distributeur de programmes de télévision, par exemple certains matchs sous contrat de football américain. Le virage n’a pas pour l’instant porté ses fruits, et le doute subsiste quant à sa pertinence. Pour survivre, Twitter doit se réinventer, mais il est loin d’être certain que ses utilisateurs resteront à bord en cas de rachat, et de changement de stratégie. Enfin, la solution proposée par Pachter et d’autres, à savoir de vendre sous son cours d’introduction en bourse, n’est pas exactement à même d’encourager de futurs investisseurs.
Source : « Twitter : personne n’en veut… pour l’instant » (Sandrine Cassini), Le Monde, 12 oct. 2016, supplément Éco & Entreprise, p. 8.
Précédemment à propos de Twitter dans la web-revue : Actualités #40, mars 2016.
Facebook veut copier Snapchat
Facebook a discrètement lancé en Pologne une option permettant d’envoyer des photos ou des vidéos éphémères, reprenant à son compte le concept qui a fait le succès de Snapchat, que Facebook avait essayé de racheter en 2013. Facebook a souvent recours à des tests dans des zones ciblées. La seule innovation de la fonctionnalité testée par Facebook (« Lifestage ») : des filtres déjà prêts à l’emploi pour illustrer ses photos.
En août 2016, Instagram, propriété de Facebook, a lancé sa propre fonction de partage de contenus éphémères. Dans les deux cas, il s’agit de se développer dans des pays comme la Russie ou la Pologne, où Snapchat n’est pas encore bien implanté. Décidément, l’innovation n’est pas un facteur suffisant pour assurer la pérennité d’un réseau social quand un concurrent plus puissant peut s’en emparer aussi facilement.
Source : Les Échos, 4 oct. 2016.
Précédemment dans la web-revue à propos de Facebook : Actualités #45, sept. 2016 ; à propos de Snapchat : Actualités #46, oct. 2016.
Lire les autres articles de la rubrique.
Professeur des universités – Paris Nanterre – Département information-communication
Dernier livre : « Les séries télévisées – forme, idéologie et mode de production », L’Harmattan, collection « Champs visuels » (2010)