La Web-revue : de la Kulturindustrie d’hier aux industries culturelles, créatives et numériques d’aujourd’hui, s’est ouvert un champ interdisciplinaire pour tous ceux dont les recherches interrogent la culture populaire industrialisée et les médias. Cette rubrique propose de suivre les actualités des industries culturelles et numériques du côté des acteurs professionnels, qui sont souvent divisés quant à la bonne stratégie à adopter face à l’innovation constante, d’où des débats « internes » dont doit tenir compte l’approche critique de la Web-revue.
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Deezer à l’assaut du marché musical américain
Au premier semestre 2016, le streaming a progressé 58% aux États-Unis, pour atteindre 114 milliards d’écoutes musicales. Deezer, la première société française, a donc décidé de passer à la vitesse supérieure outre-Atlantique, où le marché est dominé par le suédois Spotify, présent depuis 2011, suivi par Apple qui a lancé son service d’écoute en ligne il y a un an. Aujourd’hui, Deezer revendique 6 millions d’abonnés dans 180 pays, contre 35 millions pour Spotify, 15 millions pour Apple, et 4,2 millions pour Tidal, le service lancé par le rappeur Jay Z. Outre-Atlantique, les services de streaming sont concurrencés par des radios musicales numérisées, sur le modèle de Pandora, qui ont 80 millions d’utilisateurs gratuits par mois. Et il ne faut pas oublier YouTube, premier site mondial de vidéos musicales gratuites.
L’offre prémium de Deezer sera désormais accessible aux Américains au prix de 10 dollars par mois. Selon plusieurs sources, Spotify aurait dépensé plus de 200 millions de dollars (181,6 millions d’euros) pour assurer son implantation aux États-Unis. Pour réussir sur le territoire américain, Deezer mise sur la qualité de son offre, de 40 millions de titres, plus large que celle de ses concurrents.
Le pari est loin d’être gagné. Pour l’instant, aucun des deux services européens de streaming n’est rentable. En 2014, Deezer a perdu 27 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 142 millions, et il a dû renoncer à son introduction en Bourse en octobre 2015. Mais cela ne l’a pas empêché de lever 100 millions de dollars en janvier 2016. La course à la taille constitue un enjeu essentiel pour qui veut rester dans le Top cinq des services de streaming mondiaux.
Source : « Deezer à l’assaut des États-Unis, premier marché de la musique » (Alain Beuve-Méry), Le Monde, 21 juillet 2016, p. 15.
Les artistes musicaux les mieux payés en 2016 et les conséquences pour les festivals en France
Le magazine américain Forbes vient de publier sa liste des 100 célébrités qui ont gagné le plus pendant les douze derniers mois. Je n’ai retenu de cette liste que les noms des artistes musicaux, en écartant les sportifs, les comédiens, et autres personnalités médiatiques. En millions de dollars :
1. Taylor Swift, $170 ; 2. One Direction (boy band), $110 ; 9. Adèle, $80,5 ; 12. Madonna, $76 ; 13. Rihanna, $75 ; 17. AC/DC, $67,5 ; 18. Rolling Stones, $66,5 ; 21. Calvin Harris (DJ), $63 ; 22. Diddy (rappeur), $62 ; 24. Bruce Springsteen, $60,5 ; 25. Paul McCartney, $56,5 ; 26. Justin Bieber, $56 ; 31. U2, $55 ; 34. Beyonce, $54 ; 36. Jay-Z (rappeur), $53,5 ; 44. Muse, $49 ; 45. Foo Fighters, $48,5 ; 54. Bigbang (boy band, Corée du Sud), $44 ; 61. Elton John, $42 ; 63.= Dr Dre (rappeur), $41 ; 63.= Katy Perry, $41 ; 66. Jimmy Buffet (chanteur country), $40,5 ; 69. Drake (rappeur), $38,5 ; 99. Britney Spears, $30,5.
Si ces vedettes (à une exception près, anglo-saxonnes) gagnent énormément d’argent, ce n’est pas en vendant des disques, mais en jouant dans des stades. Paul McCartney, Bruce Springsteen, AC/DC, les Rolling Stones demandent un million d’euros le concert, voire plus. « Avec la déconfiture du disque, note Jean-Paul Roland, directeur des Eurockéennes à Belfort (28e édition, 2016), les musiciens compensent avec la scène, surtout dans les festivals, là où le public se compte en dizaines de milliers de spectateurs. L’inflation est devenue indécente ». Directeur du festival Les Vieilles Charrues à Carhaïx (25e édition, 2016), Jérôme Tréhorel constate : « Notre budget artistique est passé de 1,7 à 4 millions en huit ans, or notre offre est le même, quatre scènes pendant quatre jours ». En dix ans, les cachets ont été multipliés par 2, 4, et parfois par 10. Le budget pour Les Eurockéennes (prix d’entrée, 40 euros) prévoit 2 millions d’euros de cachets à partager, qui vont du groupe local à 5000 euros à 400 000 euros pour les Insus (ex-Téléphone); pas moyen d’inviter une grande vedette anglo-saxonne, sauf à drainer encore plus de spectateurs et à augmenter le prix des billets, spirale risquée. « Si vous faites le moindre flop, vous êtes dans le rouge », dit Jean-Paul Roland, qui a failli mettre la clé sous la porte après la programmation aux Eurockéennes du rappeur Jay-Z en 2010, où la mayonnaise n’a pas pris.
Ces festivals – Les Eurockéennes (104 000 entrées) et les Vieilles Charrues (275 000 entrées) – s’en sortent (difficilement) en défendant une scène française qui s’exporte peu, mais qui coûte sensiblement moins cher aux organisateurs que les artistes anglo-saxons, de plus en plus hors de prix. Ceux qui risquent d’en pâtir le plus, ce sont les festivals comme les Transmusicales à Rennes, dont la réputation est fondée sur la découverte de nouvelles tendances du rock « indépendant » (Radiohead, etc.), où depuis longtemps les groupes britanniques donnent le là.
Sources : http://www.forbes.com/sites/zackomalleygreenburg/2016/07/11/celeb-100-the-worlds-highest-paid-celebrities-of-2016/#6acff4361fb3 ; Le Monde (chronique de Michel Guerrin), 16 juillet 2016, p. 26.
Voir le palmarès des DJ en 2014, Actualités #29, mars 2015.
La liste Forbes des Top Fortunes 2016
Dans le même ordre d’idées, j’ai retenu uniquement les fortunes personnelles provenant du moins en partie de la propriété des industries culturelles, numériques et médiatiques, dans la mesure où j’ai pu reconnaître les noms parmi les 1810 milliardaires dans le monde (1826 en 2015). En milliards de dollars donc :
1. Bill Gates (Microsoft), $75 ; 5. Jeff Bezos (Amazon), $45,2 ; 6. Mark Zuckerberg (Facebook), $44,6 ; 8. Michael Bloomberg (Bloomberg LP), $40 ; 12. Larry Page (Google), $35,2 : 13. Sergey Brin (Google), $34,4 ; 18. Wang Jianlin (Dalian Wanda), $28,7 ; 33. Jack Ma (Alibaba), $20,5 ; 40. Paul Allen (Microsoft, Vulcan, Apex), $17,5 ; 46. Ma Huateng (Tencent Holdings), $16,6 ; 96. Rupert Murdoch (News Corporation, Fox, Sky), $11,6.
188. Silvio Berlusconi (Fininvest), $6,2 ; 205. Patrick Drahi (Altice), $5,9 ; 248. Vincent Bolloré (Vivendi), $5,2 ; 286. Sir Richard Branson (Virgin), $4,9 ; 324. George Lucas (LucasArts), $4,5 ; 435. Martin et Olivier Bouygues (Bouygues), $3,6 ; 453. Steven Spielberg (DreamWorks), $3,5 ; 810. Ted Turner (TBS, CNN), $2,2 ; 854. Evan Spiegel (Snapchat), $2,1 ; 847. Peter Thiel (PayPal, Facebook, Palandir), $2,8 ; 1198. John de Mol (Endermol), $1,5 ; 1476. Reed Hastings (Netflix), $1,2.
Source : http://www.forbes.com/billionaires/
Une vague de fusions-acquisitions est à prévoir dans l’audiovisuel
Contrairement aux idées reçues, « le marché français de la diffusion reste l’un des plus concurrentiels d’Europe, voire du monde, avec 26 chaînes gratuites », note Jérôme Bodin, analyste chez Natixis, qui a calculé un indice de concentration à partir du chiffre d’affaires publicitaire des deux leaders : autour de 69% en France, contre 80-90% pour la plupart des groupes de télévision européens. Cela est en grande partie dû à la réglementation en France limitant les concentrations. Mais cette situation est appelée à évoluer. « Le marché des médias devrait suivre celui des télécoms, qui s’est déjà beaucoup consolidé, en Europe du moins. Tout le monde regarde tout le monde », dit un banquier cité par Les Échos. Les grands acteurs de l’industrie ont déjà largement les moyens pour faire des emplettes. Les chaînes d’information en continu se présentent comme des cibles de choix car, de l’avis des spécialistes, il y en a trop pour que toutes vivent correctement.
Il est plus probable dans un premier temps qu’il y ait des opérations de concentration verticale avec des sociétés de production, et de contenu. Dit un autre banquier anonyme, « Les télécoms vont sans doute de plus en plus investir dans le contenu – comme l’a déjà fait SFR -, ce qui va renforcer l’attrait de ce secteur ». Après avoir acheté 20,10% des actions d’Ubisoft, Vivendi (groupe Bolloré) a pris une participation de 26% dans la grande société de production audiovisuelle Banijay-Zodiak (fusionnée en 2015), avec une option pour monter. Visant le marché international, TF1 a finalisé l’acquisition de Newen, le producteur de Plus belle la vie. Un frein aux achats risque de venir de la rareté de l’offre, qui fait monter les prix ; Newen se serait vendu plus de 10 fois le résultat opérationnel, selon la banque allemande Mainfirst. Les prochaines fusions-acquisitions pourraient venir des acteurs étrangers, notamment des Chinois qui seraient intéressés par EuropaCorp, la société de Luc Besson.
En fait, il s’agira d’une double convergence : entre les groupes des télécommunications et les groupes des médias d’une part, et entre sociétés transnationales de l’autre. L’enjeu, bien entendu, est de pouvoir relayer les contenus sur tous les supports jusqu’aux appareils mobiles. « La convergence télécoms-médias devrait pousser à plus de mouvements hors des frontières », selon un grand professionnel du secteur. « On verra sans doute des rapprochements paneuropéens pour créer des plateformes à la Netflix, comme a commencé à le faire Vivendi. L’idée : s’associer pour investir dans un contenu de qualité », dit un spécialiste cité par Les Échos. Yohan Quéré et Olivier Tricou, banquiers chez Natixis et qui ont le mérite de sortir de l’anonymat, affirment que « la plupart de nos clients dans les médias cherchent des relais de croissance dans le contenu et le digital ».
Source : « L’audiovisuel à l’aube d’une prochaine vague de rapprochements » (Marina Alcaraz), Les Échos, 20 juin 2016, p. 24.
Facebook domine le marché publicitaire du Web
La publicité en ligne ne cesse de croître ces dernières années. En France, elle a progressé de 6% de son chiffre d’affaires, à 1,65 milliard d’euros selon l’Observatoire de l’e-pub, essor dû à l’usage de plus en plus répandu des téléphones mobiles : plus d’une connexion sur deux dans l’Hexagone se fait désormais sur un smartphone.
Les réseaux sociaux ont flairé le bon filon. « Le modèle économique pour la quasi-totalité des réseaux sociaux, des plus anciens tels que Facebook aux plus récents comme Snapchat, est aujourd’hui fondé sur la publicité », explique Jérôme Cohen, analyste chez la société de conseil Roland Berger. C’est Facebook qui se taille la part du lion. En 2015, la firme de Menlo Park affichait 17,08 milliards de dollars (15,4 milliards d’euros) de revenus publicitaires, soit presque dix fois plus qu’il y a cinq ans. Le 27 juillet, elle a annoncé des résultats records pour le deuxième trimestre 2016 : 6,24 milliards de dollars en recettes publicitaires, une hausse de 63% sur un an. Au sein de Facebook Instant Articles, format crée sur mobile et largement nourri par la presse, des commissions de 30% sont prélevées sur les publicités commercialisées. Le cabinet de conseil britannique OC & C a récemment évalué entre 200 et 250 millions de livres sterling (près de 300 millions d’euros) la part de revenus que les plates-formes comme Facebook s’approprient annuellement sur les contenus d’information des médias britanniques. En Europe, la Commission de Bruxelles réfléchit actuellement sur les moyens de garantir juridiquement aux médias un meilleur partage de la valeur publicitaire.
« Il s’agit d’une nouvelle façon de faire de la publicité. Les annonceurs achètent désormais des audiences plutôt que de l’espace. C’est beaucoup plus puissant que la publicité traditionnelle », affirme Séverin Naudet, directeur général monde de Socialyse, une filiale du groupe Havas Media dédiée aux réseaux sociaux. « Les réseaux sociaux donnent accès au plus grand nombre de données jamais généré. Ils permettent lors d’une campagne de toucher une audience massive tout en ciblant très précisément les individus en fonction de leurs affinités ».
Facebook est imbattable à ce jeu-là. Non seulement il possède une masse critique de 1,71 milliard d’utilisateurs, mais ceux-ci fournissent à leur insu une multitude de données privées monnayables allant de leur ville de résidence, leur âge, leur statut civil à leurs goûts en matière de loisirs et de culture. Il n’est pas étonnant que de plus en plus d’annonceurs migrent vers lui, d’autant que les publicités y sont moins intrusives pour l’utilisateur par rapport aux films publicitaires diffusés avant chaque vidéo sur YouTube.
Enfonçant le clou, Facebook a récemment introduit un algorithme qui trie les publications à mettre en avant dans le fil d’actualité des utilisateurs. Selon un spécialiste cité par Le Monde qui souhaite rester anonyme : « Résultat : de moins en moins de chance qu’un contenu soit lu, à moins pour les marques de payer. Ils ont parfaitement compris comment gagner de l’argent ». Les petits nouveaux comme Snapchat, Periscope, Pinterest et Instagram (racheté par Facebook en 2012) hésitent sur la stratégie à adopter en matière d’offre publicitaire, pour ne pas faire fuir leurs abonnés en leur imposant des annonces trop intrusives.
Twitter peine à trouver le bon modèle, et voit le nombre de ses abonnés stagner. En 2015, ses revenus publicitaires n’atteignaient que 1,99 milliard de dollars, loin derrière Facebook, et beaucoup moins qu’espérés. Moins grand public que sa rivale, il n’a ni sa force de frappe ni sa capacité de ciblage, et se trouve actuellement dans une impasse.
Selon une étude du Pew Research Center, près de la moitié des adultes américains (44%) utilisent Facebook pour s’informer régulièrement ou occasionnellement, suivi par YouTube (10%), Twitter (9%), Instagram (4%), LinkedIn (4%), Snapchat (2%), Reddit (2%), Tumblr (1%). La presse écrite, dos au mur, a cédé en partie le contrôle des commandes, comme en témoignent les 140 contrats que Facebook vient de faire signer à de grands médias pour qu’ils produisent des vidéos en son nom, qui seront diffusées sur son service de vidéo en direct, Facebook Live. Le New York Times, CNN et Buzzfeed, les trois plus gros partenariats, recevront environ 3 millions de dollars chacun pour alimenter Facebook Live pendant un an. Pour montrer patte blanche auprès des titres de presse « sérieux », Facebook a annonce le 4 août un nouvel algorithme, destiné à réduire la présence de contenus « attrape-clics » (clickbait) dans les fils d’actualité des utilisateurs.
« Il y a beaucoup d’argent à gagner sur le Web, mais ce ne sont pas les journaux qui en profitent », résume le Pew Research Center. Les revenus publicitaires sur Internet ont bondi de 20% l’an dernier aux États-Unis, à environ 60 milliards de dollars. Mais deux tiers de cette somme vont à cinq entreprises (Facebook, Google, Microsoft, Yahoo! et Twitter. Facebook à lui seul accapare 30% du total.
Sources : « Facebook fait main basse sur les recettes publicitaires du Web » (Zeliha Chaffin), Le Monde, supplément Économie & Entreprise, 29 juillet 2016, p. 15 ; « Comment Facebook bouleverse l’économie de la presse américaine » (Lucie Robequain), Les Échos, 27 juillet 2016 ; « Facebook fait la chasse aux titres ‘attrape-clics' » (Alexandre Piquard), Le Monde, 7-8 août 2016, supplément, p. 9 ; « L’ogre Facebook inquiète les éditeurs de presse » (Alexis Delcambre), Le Monde, 30 août, supplément, p. 10.
Déclin dramatique de la presse papier et du suivi de l’actualité aux États-Unis
Selon l’étude réalisée par le Pew Research Center auprès d’un échantillon de 6732 personnes (voir ci-dessus), seuls 5% des 18-29 ans, et 10% des 30-49 ans utilisent les journaux imprimés comme une source d’information régulière. Sur l’ensemble de la population adulte, la proportion monte à 20%, grâce aux 65 ans et plus (48%).
La télévision souffre également du changement des comportements. Si au total 57% des adultes la regardent régulièrement pour s’informer, ce n’est le cas que de 27% des 18-29 ans. En matière de sources sur Internet pour les jeunes, les réseaux sociaux font quasiment jeu égal (32%) avec les sites d’information et les applications. La proportion de sondés qui s’informent sur un appareil mobile (smartphone ou tablette) monte en flèche : 60% disent y recourir souvent ou de temps en temps, par rapport à 40% en 2013. Seuls 27% de sondés déclarent suivre l’actualité tout le temps ou la plupart du temps.
Source : AFP, Les Échos, 7 juillet 2016.
Netflix marque le pas
Netflix, qui a 82,5 millions d’abonnés dans le monde, n’a gagné que 160 000 abonnés (contre 2,7 millions au premier trimestre) aux États-Unis pendant la période avril-juin 2016. En dehors des États-Unis, le gain pendant la même période de 1,5 million d’abonnés (4 millions au premier trimestre) était largement en dessous des attentes. En conséquence, sa valeur boursière a baissé de 15%, à $84.
En janvier, Netflix s’est lancé dans 130 nouveaux marchés le même jour, et est désormais présent dans 190 pays (mais pas dans le marché décisif de la Chine). Alors que l’abonné américain a le choix de 5638 titres, celui au Brésil ou au Mexique n’a que 3000, celui en Russie, 1025, et celui dans les dix marchés les moins fournis, moins que 700. Là où Netflix a le mieux réussi (en termes de téléchargements de son application) dans les nouveaux marchés, c’est dans des pays avec une tradition anglophone : Inde, les Philippines, Afrique du Sud, Singapour, Pays-Bas. En revanche, dans d’autres, on a vu un faible nombre des téléchargements : Japon, Russie, Thaïlande, Turquie. Il se peut que la prédominance de productions américaines dans l’offre, mais aussi la pauvreté relative de celle-ci, posent problème. Aux États-Unis, l’augmentation de l’abonnement de $2 après un gel de deux ans semble avoir eu un effet négatif.
Las de payer des impôts (à hauteur de 600 000 euros depuis son arrivée en 2014), Netflix France a annoncé le 24 août sa prochaine liquidation. La dizaine de salariés rejoindra le siège européen à Amsterdam, où le taux d’imposition est plus clément.
Contre-temps temporaire ou ralentissement durable ? Affaire à suivre…
Sources : AP, 18 juillet 2016. http://www.lesechos.fr/19/04/2016/lesechos.fr/021850228917_le-buzz-des-etats-unis—netflix-aura-bientot-100-millions-d-abonnes.htm ; http://uk.businessinsider.com/how-netflix-is-doing-internationally-2016-4?r=US&IR=T
Dernier post sur Netflix : Actualités #42, mai 2016.
Le soft power audiovisuel de la Chine en Afrique
La société Startimes, créée en 1988, est un maillon important dans la stratégie de soft power de Pékin. Elle vient de sponsoriser (23 et 24 juin) la sixième édition du séminaire de Pékin sur le développement de la télévision numérique en Afrique, qui a réuni 300 délégués venus de 39 pays (alors que la première édition en 2011 n’a réuni qu’une trentaine venue de douze pays). Startimes, qui s’appuie sur toute la machine diplomatico-financière de Pékin (la banque d’import-export ICBC, et les fonds publics pour le développement sino-africain), est la seule société chinoise privée habilitée à investir dans la radio et la télévision à l’étranger, proposant dans un même package décodeurs, infrastructures de diffusion numérique et chaînes de télévision (200+), internationales, nationales et chinoises, avec en contrepartie une situation de rente pendant 25 à 30 ans.
Présent dans une trentaine de pays africains depuis l’ouverture de son premier bureau au Kenya en 2007, mais n’opérant que dans la moitié, Showtimes revendique plus de 7 millions d’abonnés à ses services de télévision payante en Afrique, et vise 30 millions en 2018. Certaines sitcoms chinoises y ont eu du succès, comme Beautiful Daughter in Law Era (36 épisodes datant de 2009) au Kenya et surtout en Tanzanie (en swahili), qui traite les différences de mentalité entre les générations, notamment dans les relations modernes entre les hommes et les femmes, thème qui résonne aussi en Afrique. Pour pénétrer l’Afrique de l’Ouest, la société cherche régulièrement des francophones à Pékin pour des séances de doublage. Certains programmes sont proposés en langues régionales comme le Haoussa au Nigeria. Finalement, les abonnements sont adaptés au pouvoir d’achat de chaque pays ; au Rwanda, par exemple, l’offre entrée de gamme coûte l’équivalent de 2,9 euros par mois, et le bouquet prémium (73 chaînes), 15,6 euros.
Selon le magazine panafricaniste Jeune Afrique (22 juillet), plus circonspect, « si les trois quarts des 4 000 salariés du groupe sont africains et installés sur le continent, notamment au Kenya, le quartier général de Pékin n’en dénombre qu’une cinquantaine. Ils travaillent dans les départements de l’ingénierie et du marketing ou dans le développement de contenus numériques en direction du continent. Le siège de StarTimes est un véritable laboratoire où se concocte la politique de développement en Afrique ».
Vidéo datant de 2011 (en anglais)
Sources : « Le Chinois Startimes à la conquête de l’audiovisuel en Afrique » (Alain Ruello), Les Échos, 8 juillet 2016 ; http://www.china.org.cn/arts/2013-04/08/content_28475765.htm ; http://www.jeuneafrique.com/mag/340254/economie/television-chinois-startimes-pousse-pions-afrique/
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Professeur des universités – Paris Nanterre – Département information-communication
Dernier livre : « Les séries télévisées – forme, idéologie et mode de production », L’Harmattan, collection « Champs visuels » (2010)